Correspondance et autobiographie : les lettres de Barbey d Aurevilly à Trebutien - article ; n°56 ; vol.17, pg 37-46
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Correspondance et autobiographie : les lettres de Barbey d'Aurevilly à Trebutien - article ; n°56 ; vol.17, pg 37-46

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Description

Romantisme - Année 1987 - Volume 17 - Numéro 56 - Pages 37-46
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 32
Langue Français

Extrait

Norbert Dodille
Correspondance et autobiographie : les lettres de Barbey
d'Aurevilly à Trebutien
In: Romantisme, 1987, n°56. pp. 37-46.
Citer ce document / Cite this document :
Dodille Norbert. Correspondance et autobiographie : les lettres de Barbey d'Aurevilly à Trebutien. In: Romantisme, 1987, n°56.
pp. 37-46.
doi : 10.3406/roman.1987.4939
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1987_num_17_56_4939Norbert DODILLE
Correspondance et autobiographie :
les Lettres de Barbey d'Aurevilly à Trebutien
1. Texte et non-texte
Les Lettres à Trebutien sont des lettres d'amitié comme il y a des lettres
d'amour. Elles sont beaucoup plus proches, en ce sens, des Lettres de Balzac
à Madame Hanska1 que des Lettres de Barbey à Madame de Bouglon2 ou
des Lettres à une amie? qui peuvent être considérées comme les recueils
concurrents des Lettres à Trebutien.
Avant d'être recueillies, partiellement ou entièrement (après la mort
de Barbey), ces Lettres sont déjà conçues comme un tout? Le métalangage
qui les concerne les désigne toujours déjà en tant que recueil virtuel. En ce
sens, l'importance de ce commentaire vient de ce qu'il construit les Lettres
comme un objet, dont il décrit le fonctionnement, dont il évalue les perfor
mances, et qu'il oppose à d'autres formes d'écriture. L'amitié, ou la conjonct
ion (Greimas) entre Barbey et Trebutien, entre le bibliothécaire et l'écrivain,
entre le provincial et le Parisien, entre les sujets d'amours parallèles, consti
tue le programme narratif principal qui soutient l'entreprise de la Corres
pondance. Exactement comme l'amour dans les Lettres à Madame Hanska,
l'amitié ici constitue l'un des registres épistolaires, dans lequel elle est à la
fois signifiée (par les protestations d'amitié) et représentée (par des compar
aisons avec des expériences relationnelles déceptives). Cette amitié, il faut
l'évquer dès à présent comme le présupposé de l'ensemble du métalangage
des Lettres.
C'est ainsi que — essentiellement au début de la Correspondance —
ces Lettres sont dénoncées, dans leur existence même, comme l'attestation
de l'absence, de la séparation qui n'est autre que leur principale condition
de production. Thème obligé de la correspondance amoureuse ou amicale,
au point que le roman épistolaire ne peut que l'exploiter, comme effet de
réel. Si je t'écris, c'est que tu n'es pas là. La conjonction épistolaire est
l'indice de la non-conjonction effective :
« Le plus grand [bonheur] serait de causer avec vous. Vous écrire n'est
que mon second bonheur. Une lettre, c'est le portrait de la pensée : le vrai
visage vaut mieux que le portrait. » (CG II, 171.)
« Les lettres sont le plâtre de la vie, et encore de quelques moments dans
la vie, ce n'est pas la réalité [...] Je donnerais toute une correspondance de
vingt-cinq volumes pour quelques soirées tête-à-tête avec vous. » (CG II, 142.) Norbert Dodille 38
La protestation d'amitié renvoie ici à l'opposition entre le réel et
la peinture (portrait vs visage), entre la vie et l'écriture, qui relève, en
somme, d'un code esthétique. La preuve en est que Barbey utilisera cette
même image du plâtre pour l'écriture dans l'introduction ď Un prêtre marié,
lorsqu'il s'agit d'opposer à la parole du conteur le texte du roman? La Cor
respondance est ici pensée du côté du texte, de l'écrit, de la représentation.
Mais elle pourra aussi bien être décrite ailleurs comme l'autre du livre, et
installée cette fois du côté de la parole : « Hors l'intimité, la conversation
et la lettre, la Vérité se décolore et n'est pas la moitié d'elle-même, dans
les livres les plus franchement et les plus passionnément écrits ! » (CG IV,
90.)
« Mes lettres, dans leur impulsion rapide, dans leur vent de boulet,
valent mieux que tous mes autres écrits. Savez-vous pourquoi ? C'est que je
m'y approche davantage de la conversation, et que la conversation, quand
mon très grand mépris pour tout daigne la faire, est pour moi la pensée bat
tant son plein sur mon Rivage. » (CG IV, 293.) Dans l'opposition, perma
nente chez Barbey, entre la parole et le texte, la conversation et le livre, qui
régit à la fois le discours critique et l'écriture romanesque (où le récit est pres
que toujours présenté comme un discours rapporté), la lettre est située du
côté de l'oral : « Ne me remerciez pas de mes lettres. Elles jaillissent de ma
plume comme la parole de mes lèvres, et ne me coûtent guères que le temps
de physiquement les écrire. » (CG III, 208.)
De là un statut paradoxal de la Correspondance, qui constitue, après
la relation d'amitié, le second présupposé du métalangage autobiographi
que. L'amitié motive la lettre, comme elle motive le Journal intime (les deux
premiers Memoranda sont écrits pour Guérin, le troisième pour Trebutien),
comme l'amour motive d'autres lettres et le cinquième Memorandum. Et
d'autre part, la Correspondance et le Journal participent à la fois de l'écrit
et de l'oral, du livre (comme recueil) et de la vie, de la représentation et de
la réalité, etc., de sorte que le texte autobiographique suscitera un comment
aire à double visée, qui s'articulera sur deux régimes discursifs opposés,
celui du vécu et celui de la littérature, soit successivement, soit simultané
ment. Le métalangage traite la lettre (et le journal) à la fois comme texte et
comme non-texte.
Le discours sur la lettre d'amitié exploitera donc le thème de la transpa
rence, de l'authenticité, de l'efficacité d'un échange épistolaire dont toute
épaisseur textuelle semble exclue : « Les lettres, c'est le vrai suc de la pensée
intime, c'est de notre moi tordu et exprimé dans un autre moi. » (CG IV, 137.)
« Nos lettres ! c'est notre Vie vraie. Le reste n'est que fantasmagorie et dou
leur [...] Nos lettres ! c'est donc Nous et le mieux de Nous. » (CG V, 99.) A
cette époque de la relation épistolaire, la Correspondance n'est plus condam
née comme attestation de l'absence, et si Barbey se plaint souvent de l'éloi-
gnement des deux amis, c'est dans un discours de représentation de l'amitié
qui ne pose plus la lettre comme un substitut imparfait. Au contraire, le texte
épistolaire devient un objet irremplaçable, accède au statut d'acteur concur
rent du « moi », de la « vie », comme le journal intime chez certains diaris-
tes! Les lettres appartiennent au registre du vécu (« Après les heures passées
auprès de ma Rédemptrice, les meilleures pour moi sont celles que je passe
à vous écrire », CG III, 219), participent de la construction de l'identité du
sujet! Correspondance et autobiographie 39
Ce que décrit alors le métalangage, c'est la fonction des lettres dans
la relation amicale, les performances qu'elles réalisent dans le domaine de
l'être et du faire de Barbey et de Trebutien. Déniées comme représentation
ou signification de l'amitié, elles en constituent l'effectuation, sont direct
ement impliquées dans le programme narratif de la conjonction. Notons qu'à
l'inverse, les scènes de rencontre entre les amis sont présentées dans le texte
dans un registre fantasmatique, chargées de théâtralisation, installées dans
un cadre quasi romanesque^ et que lors de son séjour en Normandie de
1856, Barbey écrira un Memorandum pour Trebutien. Ce sera, cette fois,
dans un retournement du système, la continuité du texte autobiographique
qu'il faudra maintenir malgré la rencontre.
Les lettres vont donc être inscrites dans une visée pragmatique : « Souff
Noirceurs9 leter votre — Spleen que la dominical» Correspondance» (CG V, (CG 18); VI, «C'est 51). Plus la lessive et mieux de que nos
toute autre écriture, l'écriture épistolaire a une fonction de catharsis, institue
les rôles complémentaires des acteurs de l'amitié. Loin de se démarquer de
la vie, la Correspondance vaut comme cure du mal être, et par les conseils,
les jugements qu'elle prodigue, véhicule un savoir-vivre (indépendant ici du
savoir-faire ou di

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