Cours magistral en Licence 2
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1 Cours magistral en Licence 2 –Sciences de la communication- Denis Parisot (MCU UFRSTAPS) Méthodologie de recherche quantitative et qualitative Qu'est ce que chercher ? Cela peut être : Etudier un contenu par décrire les caractéristiques d’une organisation qui encourage ses individus à innover Etudier un processus, par exemple découvrir comment les décisions sont prises dans une situation de crise Les questions varient selon la finalité de la recherche et le domaine scientifique de référence Finalité par exemple de description, par exemple d’apprentissage institutionnel ou toute une structure apprend à faire autrement Finalité d’explication par exemple de comprendre les mécanismes de fonctionnement ou de performance d’une structure Finalité de prédiction par exemple en cherchant à mettre en évidence les déterminants de la performance des structures, Finalité d’établissement d’une norme de bon fonctionnement Les questions peuvent changer aussi selon la démarche adoptée. On peut avoir comme objectif de construire une nouvelle théorie, ou bien tester des propositions etc… Retenir qu’entre ces différentes possibilités de contenu, de finalité et de démarche, existent des articulations variées. A partir de cette diversité de démarches, on conçoit facilement la diversité des méthodes et des théories mobilisées. Il y a place à la fois pour la rigueur de pensée et l’imagination créatrice. Ainsi la recherche en management, ou en ...

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1
Cours magistral en Licence 2 –Sciences de la communication-Denis Parisot (MCU UFRSTAPS) Méthodologie de recherche quantitative et qualitative
  Qu'est ce que chercher ?  Cela peut être : Etudier un contenu  par décrire les caractéristiques d’une organisation qui encourage ses individus à innover Etudier un processus , par exemple découvrir comment les décisions sont prises dans une situation de crise  Les questions varient selon la finalité de la recherche et le domaine scientifique de référence  Finalité par exemple de description , par exemple d’apprentissage institutionnel ou toute une structure apprend à faire autrement Finalité dexplication  par exemple de comprendre les mécanismes de fonctionnement ou de performance d’une structure Finalité de prédiction  par exemple en cherchant à mettre en évidence les déterminants de la performance des structures, Finalité d’établissement d’une norme de bon fonctionnement  Les questions peuvent changer aussi selon la démarche  adoptée. On peut avoir comme objectif de construire une nouvelle théorie, ou bien tester des propositions etc…  Retenir qu’entre ces différentes possibilités de contenu, de finalité et de démarche, existent des articulations variées. A partir de cette diversité de démarches, on conçoit facilement la diversité des méthodes et des théories mobilisées. Il y a place à la fois pour la rigueur de pensée et l’imagination créatrice. Ainsi la recherche en management, ou en sociologie, comme en sciences de la communication mais dans bien d’autres disciplines se caractérise par un paradoxe majeur. A la fois science possédée par les chercheurs et connaissance partagée de tous, il faut apprendre à trier entre chercheurs et faux prophètes, recherche théorique et recherche parfois trop appliquée et réductrice. Une des voies est donnée par l’idée de recherche-action ou connaissance théorique et volonté d’action sur le terrain se mêlent. La diversité est ici une force et une faiblesse qu’il faut apprendre à maîtriser.
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Pour simplifier le paysage on peut dire que deux grands courants de recherche coexistent :   Le modèle dominant est d’origine nord américaine préférant les démarches quantitatives, déductives . Elles mettent l’accent sur des objets de recherche restreints à des fins de contrôle et de rigueur et préfèrent les méthodes très structurées.   Le second modèle est plutôt européen, plus qualitatif, inductif  parfois qualifié d’approximatif. L’objectif est souvent d’expliquer un problème dans son contexte de manière globale, dans sa dynamique propre. L’attention est donnée d’abord au SENS plus qu’à la méthode utilisée.  Ces différences s’expliquent en partie par l’histoire des sciences sur ces deux continents.  Au delà des querelles de chapelle la question à se poser ici est de savoir comment étudier et quelles questions un chercheur doit se poser pour aborder un problème ?  On peut retenir ici un grand principe de travail  qui consiste à chercher toujours comment faire ces allers et retours dialectiques  dans la cohérence et la pertinence, entre objectif, méthode et analyse .  Pour mener une recherche il faudra se souvenir qu’il existe des étapes  mais aussi qu’une fois le plan de recherche est établi, il n’est pas immuable et qu’il va au contraire souvent se transformer en raison des contingences et des découvertes partielles.   En sociologie plus particulièrment, la difficulté vient du fait que la sociologie ne dispose pas d’une unité de paradigme et que la diversité des approches est grande. Passée d’une époque du sociologue roi du « dévoilement » à une forme d’humilité frôlant l’humiliation, le sociologue prône la vérité des acteurs de terrain. Ce retour de balancier est dommageable car nulle science ne fait l’économie de la compréhension du sens. Or les vérités sociologiques sont plurielles, faites d’interactions, comme le social qui est le lieu de réseaux, de structures et de systèmes.  1 Une discipline aux frontières floues sans unité de paradigme :  
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Comment se produisent les sciences sociales ? Le flou des frontières de la discipline est donc manifeste, même si la sociologie n'en a pas l'exclusivité. Le problème existe en psychologie, ou en histoire par exemple.  Un paradigme décrit les croyances le plus souvent implicites sur le fond desquelles les chercheurs élaborent leurs hypothèses, leurs théories et plus généralement définissent leurs objectifs et leurs méthodes. …. Toute démonstration repose sur des principes indémontrables.   La sociologie a le plus grand mal à se définir en une formule simple. Nous sommes devant ce que la philosophie appelle une aporie, autrement dit une forme d'embarras qu'occasionne un problème difficile, souvent insoluble.  Qu'est ce qui différencie la sociologie des autres disciplines des sciences humaines comme la psychologie, l'anthropologie, l'ethnologie. Et la philosophie dans tout ça ?  On peut dire qu'il s'agit de la science des phénomènes sociaux, ou encore de l'étude de la société. On peut aussi retenir ce qu'en dit le dictionnaire de sociologie dirigé par Boudon R., Besnard P., Cherkaoui M., et Lécuyer BP (2001), lorsqu'il souligne "la grande diversité… de s objectifs, … des méthodes".  Je vous propose donc une réflexion sur les méthodes scientifiques, les paradigmes et les concepts à l'oeuvre dans l'explication du social.  La sociologie revendique souvent une polysémie d'objets et une diversité de méthodes. Par exemple :  + A l'objectivisme durkheimien s'opposera un subjectivisme dont l'idée centrale est qu'il n'y a pas d'activité sociale sans intentionnalité. Un comportement ne réfèrerait pas seulement aux normes ou modèles culturels mais renverrait aussi au sens subjectif que lui donne l'acteur. Il y a entre ces deux courants de pensée un postulat qui consiste à dire que les faits sociaux ont un sens. Les différences viennent de la façon de comprendre cette proposition et d'opérer des réductions de sens différentes.  + C'est l'idée de l'intelligibilité immédiate qui a dominé le rationalisme des sciences sociales naissantes dès le 17eme. Ces théories nient les conditionnements subjectifs déterminants les décisions des agents, comme les facteurs historiques et culturels, et réduisent la réalité sociale à une pure transparence.   
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+ Une autre réduction de sens propre aux structuralistes (Lévy Strauss) consiste à réduire les faits sociaux à des signes ou des symboles à partir d'une analyse montrant que les structures d'échange (parenté, structure linguistique) sont des structures de communication. Ainsi, circulation des objets, ou des signes seraient de même nature. Une telle conception efface tout conditionnement objectif déterminant les modalités de l'échange.  +Une autre réduction consiste à rechercher le fondement des faits sociaux dans le désir humain. C'est ce que fait Malinowski en montrant que la vie sociale s'organise pour satisfaire les besoins psychologiques. On peut objecter à cette théorie qu'en fait c'est la société qui fournit à l'individu ses motivations concrètes.  + Enfin une quatrième acception du sens des faits sociaux consiste à dire qu'une société ne peut fonctionner en l'absence de mécanismes de légitimation de l'ordre social et d'inculcation des valeurs.  2 Des méthodes utiles pour combattre le sens commun, spontanément subjectiviste.   L'attitude de l'homme ordinaire vis à vis de la réalité sociale est spontanément subjectiviste dans la mesure où il perçoit celle ci en termes idéologiques. C'est pour chacun d'entre nous l'illusion nécessaire de la transparence du social et la méconnaissance des mécanismes objectifs qui fonde la réalité.  L'attitude du sociologue est spontanément objectiviste dans la mesure où la finalité est la découverte des déterminismes objectifs et de l'opacité relative de la réalité sociale.  Vous pourrez mesurer combien cette mise en parenthèse de la subjectivité des points de vue est complexe tout au long de votre parcours de formation.  Pour y parvenir, les méthodes scientifiques sont tout à la fois nécessaires pour traduire la complexité du réel et nécessairement simplificatrices et réductrices. Je vous montrerai aussi qu'il subsiste toujours une limite à l'explication donnée, dépendante de la question posée, de l'objet de recherche tel qu'il se délimite dans la problématique d'analyse. Toute réponse est dépendante de la question posée. D'où cette maxime célèbre qui consiste à rappeler que la science est d'abord l'art de poser et de déplacer les questions.  Les courants de pensée en sociologie ont montré qu'en effet sur des objets limités (des régions de savoirs) on pouvait tenter l'aventure du modèle explicatif.
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Il en va ainsi dès lors qu'on s'intéresse à la reproduction sociale des inégalités dans les sociétés industrielles. Le structuralisme a montré l'existence d'invariants culturels dans les sociétés, y compris les sociétés primitives. Le marxisme, la socio-biologie et d'autres champs ont également proposé des modèles explicatifs du monde social.  Aucun modèle pourtant ne peut à lui seul englober les savoirs issus d'autres champs. Les domaines scientifiques constitués fonctionnent comme autant de champs clos ignorant ce qui les environne, expliquant ce qu'ils ont au préalable construits, taillant leur part de la réalité du monde.  Prenons le principe d'utilité ou de disparition lié au postulat de l'équilibre du monde vivant. Son origine est dans le raisonnement tenu par Darwin pour qui le nombre d'individus procréés est dans toutes les espèces supérieur au nombre de ceux qui peuvent survivre, compte tenu des ressources du milieu. La nature opérerait la sélection en éliminant ceux qui ont des caractéristiques défavorables. Progressivement les gènes les plus favorables seraient transmis. Tout serait parfait et les déviants devraient être ainsi supprimés. Dès qu'on passe à l'espèce humaine on voit bien les débordements politiques vers la xénophobie, ou d'autres théories sur le caractère naturel du sentiment de propriété, ou le besoin de dominer. Morin nous dit que cette tentative d'explication du monde est un leurre totalitaire et que le mouvement de la connaissance est en fait un mouvement perpétuel.  Tout scientifique est donc aussi un être enraciné dans une culture, une société et une histoire. Les connaissances actuelles sur l'infiniment grand et l'infiniment petit nous rendent encore plus circonspects. Plus on approche des limites, plus le savoir institué est fragile; comme en mathématiques, un théorème ne fonctionne que s'il élimine une part du phénomène qu'il explique. C'est en excluant une donnée du problème que la théorie peut fonctionner.  3. Territoires de la sociologie :  Notre chance et notre difficulté collective résident dans le fait de nous trouver dans un champ multidisciplinaire où chacun est amené à faire reconnaître des autres, la validité et la spécificité de son savoir. Je plaide donc pour le refus de toute forme de discrédit de ce qui n’est pas soi et je vous invite à considérer ce qui fonde les différences d’approche, sachant par exemple que la biomécanique, les sciences de la vie ou la sociologie n’utilisent pas les mêmes définitions de la rationalité, ni les mêmes modes d’administration de la preuve.
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Les unes ne sont en rien supérieures aux autres, elles usent d’outils spécifiques pour résoudre des questions différentes.  Alors où commence et finit la sociologie ?  Entre ambition expérimentaliste et pensée philosophique, la sociologie se fonde sur la preuve et la démarche s’ordonne à partir de deux pôles classiques : le terrain et la théorie.  Le terrain permet le recueil des données qui n’est jamais une fin en soi. La théorie présente le risque inverse de théorisation pure qui ignore le réel en se contentant de prendre dans le réel les seuls exemples qui confortent la théorie ou bien en se contentant de l’intuition sans jamais lui chercher de preuves. D’autres risques font souvent confondre l’objet d’étude et l’instrument de mesure (cas du test d’intelligence) ou bien conduisent à se tromper en ignorant par exemple le degré d’incertitude de l’instrument ou encore en faisant dire au résultat plus qu’il ne peut en dire.  On peut ajouter à cela que la sociologie est aujourd’hui menacée et souvent dénaturée par des sous produits journalistiques du « fast thinking » ou encore par les approches marketing et la communication « canada dry » qui en font une sorte de discours du superflu et de l’inutile.  3.1. Les liens entre science sociale et histoire des sociétés :  Je vous propose ici une réflexion sur les sciences sociales, et la culture scientifique qui s'y rattache, une réflexion sur les conditions de la production scientifique, par l'approche historique des hommes et des institutions qui dessinent le mouvement de la connaissance.  Mon propos étant forcément limité, j'ai fait quelques choix de domaines pour argumenter sur la science et quelques uns de ses promoteurs. Nous examinerons ce qui peut être dit à propos de la relation objet-sujet connaissant dans la mesure où tout scientifique est aussi un être enraciné dans une culture, une société et une histoire. Vous aurez remarqué que mon propos à deux objectifs, le premier étant de vous amener à identifier d'ou vient la sociologie au plan historique, le second cherchant à définir la place ou les places du sociologue dans la société contemporaine.   + Les enseignements de l’histoire des sciences : Pendant longtemps l'intérêt pour la société a privilégié le thème de l'ordre. Le social était soit une "chose divine" comme la nature, soit une création humaine. Dans les deux cas il n'avait aucune consistance, aucune densité propre. Cette
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conception domine la pensée occidentale jusqu'au 18 ème siècle où les théoriciens du droit naturel et du contrat social l'emporteront définitivement sur ceux du droit divin.  Plusieurs conceptions de la société s’affrontent en permanence :  La révolution industrielle et le développement parallèle des sciences de la nature imposeront l'idée que les phénomènes sociaux ne sont pas réductibles à un plan préétabli. La réflexion du 19eme siècle oscillera entre plusieurs conceptions. Marx et Engels avec le matérialisme historique montrent que les phénomènes sociaux s'inscrivent dans l'histoire du rapport matériel de l'homme à la nature, pendant que Spencer et Comte développent une idée naturaliste, posant les phénomènes sociaux en continuité avec les phénomènes de la nature. La seconde moitié du 19eme siècle verra des tentatives de réduction du social au biologique avec l'organicisme et le darwinisme social.  Naissance de la sociologie et développement social vont de pair. Historiquement la pensée sociologique n'atteint sa maturité qu'au moment où la vie collective tout entière est perçue comme un organisme vivant possédant ses lois propres.  Mais, cette raison en dissimule une autre, souterraine, plus active et non formulée. L'homme découvre collectivement et individuellement qu'il possède de multiples chances d'intervenir directement dans la vie sociale, d'en modifier les structures et d'en régler les formes malgré les obstacles.  C'est dans ce sens là qu'on peut dire que la sociologie est fille de la Révolution de 89. Il faut pour ça que la société dans son image collective cesse d'être passive pour devenir créatrice, historique. Il faut aussi que les normes pratiques de gouvernement des groupes humains se disjoignent de la vision inéluctable d'un ordre divin qui fixe à l'homme son état et sa place dans une organisation intangible. La nation devient le symbole de cette force et peut s'arroger le droit de définir des lois et fixer des structures nouvelles.  Partant de ce constat historique on peut cependant dire que la sociologie a eu ses précurseurs, comme Aristote, Montesquieu ou Rousseau. Ils ont préparé la réflexion sociologique, même s'ils sont restés largement attachés aux jugements de valeur de leurs époques, percevant le changement social comme une déviance vis à vis d'une logique rationnelle et d'un ordre harmonieux qu'un souverain seul pouvait établir et maintenir. C'est à la Révolution que le sentiment d'une intervention possible des hommes dans la société imprègne la trame de l'existence des contemporains de la révolution. Ce dynamisme collectif s'accompagne de certitudes que la distance historique éclaire. C'est d'abord la
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découverte que l'existence humaine est engagée dans une ou plusieurs séries de situations sociales complémentaires ou contraires. Ensuite c'est le sentiment que les groupes sociaux se combattent et cherchent à travers la polémique un nouvel équilibre.  Enfin les changements techniques et la production économique entraîneront des modifications du cadre de vie suscitant l'apparition de nouveaux milieux en effervescence. C'est de ce mouvement d'accélération du changement social qu'est sortie la sociologie. C'est avec Durkheim que la sociologie définira les phénomènes sociaux comme des manières d'agir et de penser, extérieurs à l'individu, doués d'un pouvoir de coercition, ajoutant qu'ils ne se confondent pas avec les phénomènes organiques ou psychiques.  Les phénomènes sociaux ont alors une réalité objective qu'il importe de saisir au moyen des outils de la science. Ces considérations socio-historiques en amènent d'autres plus philosophiques, à savoir comment expliquer le monde, et le mystère de notre existence sur cette planète.  Je ferai l'économie des révolutions scientifiques successives issues de la physique et de l'astrophysique, à l'exception d'une idée paradoxale des plus troublantes.  Nous sommes passés d'une conception de la création du monde organisée selon un modèle parfait (Dieu ou pas, et des "ténèbres à la Lumière" à l'idée d'un début du monde qui pourrait bien être un immense chaos, le big bang. Paradoxalement nous serions issus du plus immense des désordres, fruit d'une conjoncture qui avait une probabilité d'apparaître extrêmement réduite.  Cette ouverture sur d'autres modèles d'explication du monde vivant n'est pas sans conséquence sur les sciences sociales. En particulier il semble désormais inconcevable de continuer à observer les sociétés sur le mode évolutionniste. Plus récemment encore, il est apparu que les équilibres sociaux pouvaient se concevoir non comme des finalités d'un processus de développement mais comme des états transitoires d'un déséquilibre à un autre. Désordre et ordre ne peuvent se passer l'un de l'autre. Du désordre naît l'organisation et le progrès.  Pendant longtemps la sociologie est restée sur l'idée que l'objectif à atteindre était de mettre à jour une sorte de méta-structure explicative du monde social. Les relations entre les hommes relevaient pensait-on d'une sorte de mise en oeuvre d'un système non conscient. Les hommes seraient agis plus qu'acteurs de leur destinée.  Tous ces différends conduisent à des conflits de méthode. Les Allemands règlent le problème en considérant dès la fin du 19eme qu'il existe des sciences
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de la nature et des sciences de l'esprit ou de la culture. Les sciences de la nature relèvent de l'expérimentation et de la mesure, les autres relèvent du sens et de l'interprétation. Mais reconnaître aux phénomènes sociaux une réalité spécifique ne signifie pas s'entendre sur le contenu de cette réalité.  3.2. Sociologues et sociologies.  En France, dans les années 50 on parlait de sciences humaines et cette mention est venue s'inscrire sur le fronton des facultés de lettres. Dans les années soixante on a commencé a parler de sciences sociales pour masquer cette connotation humaniste d'un adjectif qui renvoie aux idéaux éthiques des humanités. L'abandon de l'humanisme de la notion était revendiqué par les chercheurs soucieux d'entrer dans le monde des "social scientists" anglo-saxons mais aussi par tous ceux qui constataient que les recherches sur la culture ou l'histoire avaient été englouties dans la métaphysique d'une opposition absolue entre sciences de la nature et sciences de l'esprit. Cela dit, l'adjectif "social"  présente aussi des inconvénients en flattant un autre stéréotype qui consiste à supposer que les objets auxquels les sciences sociales s'appliquent ont nécessairement des effets d'utilité sociale ou de salubrité politique.  Dans tous les cas les attentes d'une pratique des sciences sociales sont démesurées voire irrationnelles. On s'approche souvent de ces utopies des religions prophétiques. La fonction prophétique des sciences conduit tout droit au scientisme.  Aujourd'hui le terme en usage serait plutôt sciences de l'homme et de la société. Mais le problème de fond reste entier : l'unité épistémologique du champ de recherche fait question. Il ne peut se définir autrement que par ajout d'identificateurs empruntés au langage commun. Définir une science de l'homme est déjà un idéal du rationalisme scientifique qui culmine avec Kant qui proposera le terme d'anthropologie pour nommer au sens étymologique la science de l'homme. Cette science a pour objet les manifestations empiriques de l'existence humaine et vise à en procurer une intelligibilité aussi unifiée que celle des phénomènes physiques. Quelques siècles après, la science de l'homme n'existe qu'au pluriel. Notre connaissance sur l'homme est l'histoire éclatée de travaux très divers passant par l'analyse historique qui systématise la critique des textes et des sources et d'autres qui ont conduit à refondre complètement des disciplines qui s'autonomisent charpentées autour de leur méthode (ethno et psychanalyse) ou s'unifient par le traitement de données homogènes (démographie ou linguistique). On pourrait aussi relever des unités de lieux sur des aires de civilisation (indianisme arabisme, etc) et des focalisations sur le terrain de la vie sociale (sciences de l'éducation, du politique)
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Nous sommes aujourd'hui devant une vaste gamme d'intelligibilités partielles indissociables d'un dispositif multidi-mensionnel de recherches. On peut donc admettre que les sciences de l'homme font partie du savoir empirico-rationnel dès lors qu'on admet d'autres formes de sciences qui s'expriment autrement que par des lois universelles.  Mais, peut-on au moins classer toutes ces disciplines anthropologiques ?  Une telle classification impliquerait un accord sur la distribution des tâches, or ce minimum est loin d'être réalisé et le dispositif de recherche n'a jamais cessé de varier d'une époque à l'autre d'un pays à l'autre. Par exemple en France le terme d'anthropologie a vu son sens se restreindre jusqu'à n'être plus que l'anthropologie physique alors que dans les pays anglo-saxons, il a gardé une envergure plus grande en regroupant anthropologie culturelle et sociale, définie comme la science des groupements humains, de leur culture et de leur histoire.  En France, c'est le terme de sociologie qui va l'emporter, certainement en raison de l'héritage d'Auguste Comte et du prestige de la fondation de Durkheim. La sociologie sera une subdivision de l'anthropologie sociale dans les pays anglo-saxons alors qu'en France c'est l'ethnologie tournée vers les sociétés qu’on disait primitives qui est apparue comme une partie spécialisée de la sociologie.  Claude Lévy Strauss va redonner une envergure au terme d'anthropologie alors qu'aux Etats unis dans le même temps la sociologie reprenait du territoire grâce à l'apparition d'analyses inédites de l'école interactionniste ou ethno-méthodologique et grâce au développement de la sociologie empirique. Au terme de ce mouvement rien ne permet plus de distinguer un sociologue d'un anthropologue sauf à s'en remettre à son label. Les frontières entre disciplines doivent leur tracé d'abord aux débats intellectuels et aux affrontements qui s'y rattachent .  A la confusion des domaines il faudrait ajouter une confusion de la raison qui amène à légitimer les idées les plus fortes sur l'axe des pouvoirs et les idées technicistes qui conduisent à privilégier ce qui fait gagner du temps, va plus loin, etc. Une conséquence triviale en est qu'un laboratoire mieux équipé à de meilleures chances d'avoir raison. La raison vraie serait-elle celle du plus fort ? Ce que Habermas appelle la techno-science n'est pas seulement un état de fait, c'est aussi un état de la raison.  La fascination éprouvée pendant longtemps par les intellectuels français y compris en sciences de l'homme pour le matérialisme historique a permis à bon compte de faire table rase avec les traditions cartésiennes, hâtivement invalidées
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comme positivistes ou spiritualistes. Au cours de la période, seul Morin et quelques autres tiendront tête à ce fantasme en posant les vieux problèmes de l'anthropologie philosophique, de l'amour et de la mort. C’est dans cette lignée que s’inscrivent aujourd’hui les travaux de sociologues à  propos du statut du corps et de sa célébration ou sacralisation.  Pour au moins deux générations de chercheurs, le marxisme a été un horizon indépassable, du moins difficile à oublier. Aucune élaboration théorique ne déroge à la révérence rituelle à Marx. On la retrouve même chez Lévy Strauss et chez Lacan. Seul Aron refusera de communier. Puis d'autres à la suite de Foucault chercheront à rompre avec le marxisme même élargi. De l'histoire de la folie à l'histoire de la sexualité on trouvera la même hostilité aux Lumières, à l'idée de progrès, à la morale et aux institutions. Tout cela est bien évidemment déjà dans Marx autant que dans Nietzsche.  Durkheim avait écrit depuis longtemps que les faits sociaux sont des choses mais leur nature restait mystérieuse. Contrairement aux positivistes le fondateur de l'école française de sociologie se refusait à les réduire à la matière et au mouvement et les assimiler en fin de compte à une sorte de méta-biologie.  3.3. Les sciences sociales sont des sciences à géométrie variable  Je pose depuis le début de cet exposé, sous différents angles la question de l'unité du discours scientifique. Et plus j'avance et plus je mets en exergue la mouvance des frontières entre disciplines, les contradictions entre théories, leurs affrontements aussi, leur caractère historique. A propos de la science humaine j'ai montré de manière générale, combien l'appellation des sciences humaines, de l'anthropologie aux sciences sociales, en passant par les sciences de l'homme et de la société étaient une trace de ce mouvement.  Je vais continuer la démonstration en prenant maintenant un autre chemin, celui qu'emprunte Bruno Latour pour vous dire que maintenant la science existe hors du domaine scientifique, que diverses instances du corps social s'emparent de bribes de discours scientifique. Dans la presse notamment on voit se multiplier des articles hybrides qui "dessinent des imbroglios de science de politique, d'économie de droit, de religion, de technique, de fiction."  Toute la culture et toute la nature s'y trouvent « rebrassées » chaque jour. Latour nous montre comment la science mobilise la politique pour parvenir à ses résultats. Il dit que lorsqu'on parle des bactéries de Pasteur, c'est toute la société du 19ème siècle qu'on tire derrière. Il se garde bien sur de dire que la science
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