Cours pour le CFT Gobelins
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ScénarioCOURS THÉORIQUELE SCÉNARIO" S'il n'existe pas d'art du scénario, c'est en partie dû à ce qu'il n'existe pas d'ensembleaccessible de données théoriques et pratiques pour l'apprendre." Raymond CHANDLER." Il y a une technique de l'écriture du scénario qui s'acquiert au fil du temps et qui doitpouvoir s'enseigner. On apprend à être cadreur ou ingénieur du son, pourquoi passcénariste ?" Gérard BRACH.INTRODUCTION GÉNÉRALEJean GABIN à qui l'on demandait un jour : "Quels sont, selon vous, les élémentsindispensables à la réussite d'un film ?" Aurait répondu : "Premièrement : le scénario ;DEUXIÈMEMENT : le scénario ; TROISIÈMEMENT : le scénario !".Une anecdote dont l'authenticité reste à vérifier mais qui à le mérite, au-delà de lacaricature, de souligner d'emblée l'importance primordiale du script dans le processus de fabricationcinématographique.C'est en effet après avoir lu le scénario qu'un comédien se décide, qu'un producteurs'engage, qu'un réalisateur décide de s'investir. Si TOUT n'est évidemment pas contenu dans cedocument, RIEN ne peut être entrepris sans lui.Correctement rédigé, il permet d'imaginer très précisément ce que seront l'intrigue, lespersonnages, l'univers dans lequel ils évolueront, le rythme et la coloration du futur film. A ladifférence d'un roman, le scénario ne se limite pas à la narration littéraire d'une HISTOIRE ; il proposeun RÉCIT spécialement conçu pour être porté - quasiment tel quel - à l'écran et tenant ...

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Langue Français

Extrait

Scénario
COURS THÉORIQUE
LE SCÉNARIO
" S'il n'existe pas d'art du scénario, c'est en partie dû à ce qu'il n'existe pas d'ensemble accessible de données théoriques et pratiques pour l'apprendre."Raymond CHANDLER. " Il y a une technique de l'écriture du scénario qui s'acquiert au fil du temps et qui doit pouvoir s'enseigner. On apprend à être cadreur ou ingénieur du son, pourquoi pas scénariste ?"Gérard BRACH.
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Jean GABIN à qui l'on demandait un jour : "Quels sont, selon vous, les éléments indispensables à la réussite d'un film ?" Aurait répondu :"Premièrement : le scénario ; DEUXIÈMEMENT : le scénario ; TROISIÈMEMENT : le scénario !". Une anecdote dont l'authenticité reste à vérifier mais qui à le mérite, au-delà de la caricature, de souligner d'embléel'importance primordiale du scriptdans le processus de fabrication cinématographique. C'est en effetaprès avoir lu le scénario comédien se décide, qu'un producteur qu'un s'engage, qu'un réalisateur décide de s'investir. Si TOUT n'est évidemment pas contenu dans ce document, RIEN ne peut être entrepris sans lui. Correctement rédigé, il permet d'imaginer très précisément ce que seront l'intrigue, les personnages, l'univers dans lequel ils évolueront, le rythme et la coloration du futur film. A la différence d'un roman, le scénario ne se limite pas à la narration littéraire d'une HISTOIRE ; il propose un RÉCITspécialement conçu pour être porté - quasiment tel quel - à l'écran et tenant rigoureusement compte des règles propres au langage cinématographique. Cette différence entre "histoire" et "récit", pour subtile qu'elle puisse sembler de prime abord, n'en est pas moinsdéterminante nous le comme verrons plus nettement par la suite. Le scénariste doit donc, avant de se lancer dans l'écriture, avoir parfaitement intégré un certain nombre de données inhérentes àl'art dramatique; art plusieurs fois millénaire puisque l'un de ses plus anciens théoriciens indentifiés n'est autre que le célèbre philosophe grecARISTOTE(384-322 avant J.C.) précepteur d'Alexandre le Grand et fondateur de la logique formelle. Cherchant à analyser l'impact des uvres dramatiques (essentiellement théâtrales) sur les spectateurs, il fut le premier à jeter les bases d'une véritableTHÉORIE NARRATIVE("Poétique").
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Scénario
Au XVII° siècle, avec Molière et Corneille,le classicisme français l'art dramatique voit subir une nette influence de la théorisation avec - entre autres - l'application stricte dela fameuse règle des trois unitésdonnera naissance aux chefs duvres que l'on connaît.(lieu, temps, action) qui Pourtant, dès cette époque - une règle n'étant posée que pour être mieux transgressée -refusant toute théorisation, Shakespeare crée, de son côté, une dramaturgie exemplaire en ne s'en remettant qu'au pragmatisme et à son instinct. C'est là le privilège des génies que de pouvoir se passer de repères préétablis pour trouver, seuls, la juste voie. L'ennui c'est que, dans le nombre, il peut arriver de trouver UN apprenti scénariste qui, par extraordinaire, ne se trouve précisément pas être un génie. Faute d'un minimum de connaissances théoriques, il lui arrivera même de se fourvoyer dans des errances que le simple respect de quelques règles élémentaires aurait pu lui éviter. C'est à lui, et à lui seul, que s'adressent les modestes considérations qui vont suivre et qui doivent beaucoup à Aristote, Greimas, Freud, Bettelheim, Egri, Carrière, Jenn, Chion et quelques autres que je tiens à remercier pour leur participation aussi décisive qu'involontaire.
CHAPITRE 1 : L'ACTION
INTRODUCTION
SCÉNARIO: du latin "SCÉNARIUS" : "qui appartient à la scène» ? "Le scénario est un ÉTAT TRANSITOIRE, une FORME PASSAGÈRE destinée à se métamorphoser et à disparaître, comme la chenille devient papillon." Jean-Claude CARRIERE ("Exercice du scénario"). - OBJET ÉPHÉMÈRE :roman, il n'est pas conçu pour durer mais pourcontrairement au s'EFFACERpour devenir AUTRE :un FILM. - OBJET PARADOXAL :de toutes les uvres écrites, le scénario est celle qui compte le plus petit nombre de lecteurs. Chaque lecteur en effectuant, qui plus est, une lecture "égoïste" : le comédien y cherche son rôle, le producteur un succès, le directeur de production un plan de travail. Eric ROHMER confirme :"La mise en scène est REINE, le texte SERVITEUR. Un texte de cinéma, en lui-même, ne vaut rien.". Pour lui un scénario"c'est de la mise en scène VIRTUELLE (...) c'est l'IMAGE qui raconte l'HISTOIRE". Jean-Claude CARRIERE ne semble pas partager cet avis :"Le scénario EST DEJA le film". Le scénariste, malgré son instrument de travail (la machine à écrire) n'est pas un écrivain mais bien un CINEASTE ; le script pouvant alors être comparé à un "film rêvé", la mise en scène n'étant que le"film possible".
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Scénario
Poursuivant la "querelle", Antoine CUCCA ("L'écriture du scénario") d'affirmer :"Un auteur écrivant pour le cinéma n'agit pas de façon antithétique par rapport à celui qui écrit des romans ; les principes expressifs sont les mêmes : COMMUNIQUER, donner des MESSAGES, raconter des SITUATIONS (...). Seule change la FORME et les MODALITÉS d'exposition grâce auxquelles ces concepts se réalisent et se concrétisent (...). Le principe du SCÉNARIO est donc d'utiliser de façon adéquate la parole écrite comme MOYEN DE DÉFINITION DES IMAGES.". Si elles sont "seules à changer", FORME et MODALITES n'en sont pas moins PREPONDERANTES et méritent, pour le moins, qu'on les interroge très en détail. A commencer par la notion d'ACTION, capitale comme nous allons le voir. Quand on sait que le mot grec"DRAMA"ne signifie rien d'autre qu'"ACTION", on ne s'étonnera pas que cette dernière soit, par essence,le constituant fondamental de toute uvre dramatique. Il va de soi que ce terme ne doit pas, en l'occurrence, être pris dans l'acception restrictive qui peut lui être réservée quand on évoque, par exemple, le "film d'ACTION" mais au sens plus large de"manifestation d'une énergie". Une fois adopté ce point de vue, deux personnages s'affrontant du regard sont finalement autant "en action" que deux voitures dévalant les rues de San Francisco à grand renfort de Klaxons et autres crissements de pneus. Parler d»action » dans le contexte où nous nous sommes placés revient donc à se référer à unMOUVEMENT DRAMATIQUEthéorique et non à un quelconque mouvement physique réel. Mais en quoi consiste exactement une ACTION DRAMATIQUE ? Quels éléments sont à son origine ? Quelles conditions doit-on réunir pour la mettre en uvre ?
A/ LES LIENS DE CAUSE A EFFET Au cinéma, comme dans la réalité, tout acte découle forcément d'une CAUSE et, comme dans la vie, les événements doivent, à l'écran, s'enchaîner LOGIQUEMENT soudés les uns aux autres par des liens serrés deCAUSE à EFFET. Pourtant, s'il paraît, à première vue, lui ressembler,le cinéma N'EST PAS la réalitéet leSYSTÈME CAUSAL DRAMATIQUE que peu à voir avec n'a celui de la vie comme le soulignait déjà Diderot :"Dans la société, les affaires ne durent que par de PETITS INCIDENTS qui donneraient de la vérité à un roman mais qui ôteraient tout intérêt à un ouvrage dramatique : (...) AU THÉATRE où l'on ne représente que des INSTANTS PARTICULIERS de la vie réelle, il faut que nous soyons tout entier A LA MÊME CHOSE". "Nous travaillons dans un domaine qui est à la fois LITTÉRAIRE, MUSICAL, PLASTIQUE ; il faut sans cesse SIMPLIFIER à l'extrême."François TRUFFAUT.
B/ L'UNITÉ DRAMATIQUE L'auteur dramatique va donc devoir SIMPLIFIER énormément le système causal réel pour essayer de tendre vers une indispensableUNITÉ DRAMATIQUE. Loin d'imiter le quotidien, il va lui falloir TRANSPOSER l'essence de son fonctionnement. S'il est ordinairement admis que toute CAUSE produit un EFFET, n'oublions pas la symétrie qui veut également qu'il n'y ait point d'EFFET sans CAUSE. Le passage à l'ACTE/ACTION ne se fait donc pas sansRAISON et, comme le professait déjà le père RAPIN dès 1674 :"Ne doit paraître sur scène aucun acteur qui n'ait quelque dessein en tête, ou de traverser le dessein des autres, ou de soutenir les siens".
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Scénario
A propos de l'unité d'action, les théoriciens classiques du XVII° siècle retiennent comme essentiel"l'absence de faits dus au hasard". Une règle d'or qui sera naturellement reprise par les premiers scénaristes massivement influencés, au départ, par un art théâtral proche de son apogée lors de la naissance du cinéma (1895). Déjà controversée dans la vie réelle, la notion de HASARD, à l'intérieur d'un script, doit dont s'effacer totalement au profit d'un certain DETERMINISME.
LA PROPOSITION DRAMATIQUE PRINCIPALE
Au commencement, l'auteur - frappé par un fait divers, une crise de société ou porteur d'un monde intérieur cherchant à s'extérioriser  formule, plus ou moins clairement,UNE IDÉEet c'est à parti d'elle qu'il va décider d'écrire un scénario.
Chaque IDEE naît de lINTERPRÉTATIONfaite par l'auteur duRÉEL. Interprétation à partir de laquelle il imagine uneREPRÉSENTATION.
Chaque script est une expérienceUNIQUE rapportant pourtant à seTROIS TENDANCES GÉNÉRALES: - analyse de l'ARGUMENT selon un style CHRONIQUEUR - interprétation personnelle et AUTOBIOGRAPHIQUE - interprétation FANTASTIQUE du réel.
1/ ANALYSE DE L'ARGUMENT SELON UN STYLE CHRONIQUEUR : Un fait divers, un événement réellement survenu, une histoire imaginaire mais reproduisant des entités socioculturelles ou historiques parfaitement identifiables peuvent être DEVELOPPES de manière à permettre une confrontation des éléments exposés avec la REALITÉ. Le scénario est alors souvent bâti comme une enquête journalistique. Exemple:"Citizen Kane", film inspiré par l'histoire réelle du magnat de la presse (William Randolph HEARST) et historiquement situé en 1930, au moment où l'INFORMATION commence à devenir déterminante quant au CONDITIONNEMENT et aux ORIENTATIONS de la société américaine. 2/ INTERPRETATION PERSONNELLE ET AUTOBIOGRAPHIQUE La vision proposée est intimement liée à lEXPÉRIENCEde l'auteur. Les personnages et événements sont montrés d'un POINT DE VUE totalement PERSONNEL. Même s'il a recours à des situations vécues relevant de son microcosme, l'auteur effectue sur son monde uneRELECTURElui permettant d'EXTRAPOLERdes problématiques et des contenus universels. Exemple:le cinéma français des années 60 ; la"NOUVELLE VAGUE". Les auteurs proposent une dramatisation de leur propre expérience, expérience se voulant en opposition aux TABOUS et PREJUGES de la société de l'époque. "Les 400 coups" de François TRUFFAUT narrent ainsi les aventures autobiographiques d'un adolescent luttant inconsciemment (extrapolation) pour échapper au conformisme d'un ordre bourgeois. 3/ INTERPRETATION FANTASTIQUE DU RÉEL
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Scénario
L'auteur favorise, dans sa lecture de la réalité, l'IMAGINATION et laFANTAISIE. Il propose une REALITE FANTASTIQUE ou HYPOTHETIQUE présentant des événements au-delà de l'ordinaire. - RÉALISME FANTASTIQUE : de FAITS reconstitution RÉELS dans une conjoncture de TEMPS et de LIEUX HYPOTHÉTIQUES. - RÉALISME HYPOTHETIQUE :la réalité ne sert plus que de BASE au développement d'une action hypothétique. Exemples:"La rose pourpre du Caire" deWoody ALLEN : réalisation d'un rêve qui naît d'une condition réelle : insatisfaction, solitude, marginalité. "E.T."(écrit par Melisa MATHESON) : réalisme hypothétique ayant comme support une narration proche de la bande dessinée. Pourtant, aussi forte soit-elle, cette idée ne suffira pas, à elle seule, à bâtir une véritable uvre dramatique surtout si l'auteur débutant néglige, victime de son ignorance, de prendre en compte quelquesLOIS FONDAMENTALESimmuables depuis Aristote. L'une d'entre elles, la première, exige de voir le récit reposer surUN RESSORT UNIQUE baptisé selon les cas : thème, thèse, but, cible, sujet, objectif, intrigue, etc. C'est cette notion basique que Lajos EGRI ("The Art of Dramatic Writing") nomme : "PROPOSITION DRAMATIQUE PRINCIPALE".
A/ DÉFINITION La "PROPOSITION DRAMATIQUE PRINCIPALE" estla sentence qui résume à elle seule l'ensemble de l'action. Une proposition dramatique principale se compose deTROIS ÉLÉMENTS: - le premier se rapporte aux PERSONNAGES - le deuxième au CONFLIT - le troisième à LA FIN de luvre. Exemples de propositions dramatiques principales : "La mort aux trousses": "Il faut d'aborddevinerla règle d'un jeu pour ensuite pouvoir y gagner" "La guerre des étoiles": "Pourdevenir homme, nul ne peut unéchapper à une épreuve difficile" "L'Empire contre-attaque": "Apréparationinsuffisante,victoireimpossible" "La grande illusion": "Même victimes d'un même conflit, les opposés ne peuvent pas se rejoindre". "Le Roi et l'Oiseau": "La poésie peutvaincrele matérialisme" "Rain Man": "Enpoursuivantun but purement vénal, on peut être amené àdécouvrirque l'amour est plus vital que l'argent".
B/ CHOIX
"La proposition dramatique principale doit être votre INTIME CONVICTION de façon à ce que vous vous appliquiez à la démontrer de tout votre cur"Lajos EGRI ("The Art of Dramatic Writing").
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Scénario
"L'engagement de l'auteur doit d'abord être en lui-même, et en rapport avec ses ambitions."Bertrand TAVERNIER. Autrement dit : l'auteur ne doit choisir la proposition dramatique principale de son scénario qu'en fonction du désir réel et impérieux qu'il a d'en mener à bien la démonstration. Pour défendre correctement uneIDÉEà travers unRÉCIT, c'est donc, avant tout, sur saTOTALE HONNÊTETÉ INTELLECTUELLEque le scénariste devra compter. Ceci, naturellement, dans le cadre d'unFILM D'AUTEUR. Dans la perspective d'une production de type hollywoodien classique comme dans celle d'une série télévisée, il n'est cependant pas rare qu'un auteur soit amené à illustrer la proposition dramatique principaled'un autre. Son seul espoir de parvenir à un résultat correct sinon brillant réside alors dans l'effort qu'il accomplira pour FAIRE SIENNE la maxime imposée. Dans le cas (hélas courant) où aucune proposition dramatique principale n'aura été clairement énoncée lors de la création de la "bible" de la série, le mieux sera sans doute que le scénariste en avance une lui-même afin d'assurer un MINIMUM DE COHESION aux épisodes dont il aura la charge car, cela va sans dire, la proposition dramatique principale est bien laCLEF DE VOUTEsur laquelle reposera ensuite tout l'édifice dramatique.
C/ PLURALITÉ Peut-on envisager qu'un scénario développe à la foisPLUSIEURS propositions dramatiques ? Sur ce point, Aristote est formel :"Les histoires doivent être centrées sur UNE ACTION UNIQUE". Pourtant, en examinant le script exemplaire de "La mort aux trousses", on y décèle rapidement au moins une deuxième proposition dramatique (s'appliquant non plus au héros mais à l'héroïne : Eve Kendall) : "Qui accepte deservird'appât risque de voir le piège serefermersur lui." Beaucoup d'autres scénarios exemplaires présentant la même originalité, les théoriciens du récit dramatique ont dû mettre en avant la notion dePROPOSITION DRAMATIQUE SECONDAIREcelle de PROPOSITION DRAMATIQUE PRINCIPALE et admettre qu'uncomplétant script présentait toujours plusieursSPHÈRES D'ACTIONpossédant chacune leur propre proposition dramatique. La SPHÈRE D'ACTION PRINCIPALE (généralement celle du héros) étant sous tendue par la PROPOSITION DRAMATIQUE PRINCIPALE ; les SPHÈRES D'ACTION SECONDAIRES (celles des personnages secondaires, comme de juste) se rapportent, elles, àune série de PROPOSITIONS DRAMATIQUES SECONDAIRES subordonnées à la principale. Mais si la PROPOSITION DRAMATIQUE PRINCIPALE est bien la "colonne vertébrale" de l'ACTION (découvrir, gagner, échapper, préparer, triompher, poursuivre, servir, refermer... autant de " verbes en mouvement"), elle ne nous enseigne quasiment rien quant auMESSAGE que l'auteur entend nous transmettre. Pourtant, comme nous le rappelle Pierre JENN :"Tout comportement humain suppose la rencontre d'un ACTE et d'une SIGNIFICATION. Derrière tout geste il y a un SENS, derrière toute action, un THÈME."("Techniques du scénario"). Contrairement au monde des objets régi par des lois physiques rigoureuses (cinétique) qui n'ont pas à intégrer une quelconqueINTENTIONla matière, il n'existe pas, dans l'univers des de humains, d'action "pure" sansMOBILE.
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Scénario
LA PROPOSITION THÉMATIQUE PRINCIPALE
C'est en recherchant lePOURQUOI l'action que nous allons mettre en lumière la de PROPOSITION THÉMATIQUE PRINCIPALE. Si, dans "L'empire contre-attaque", la proposition dramatique principale est bien : "A préparation insuffisante,victoire impossible", la PROPOSITION THÉMATIQUE PRINCIPALE elle, est : "Celui qui n'estpas encore un homme ne pourra affronter le monde des adultes sans frôler la mort". Si, dans "La grande illusion", la proposition dramatique principale est bien : "Même victimes d'un même conflit, les opposés ne peuvent pas serejoindre", la PROPOSITION THÉMATIQUE PRINCIPALE sera : "Une épreuvevécue commun ne suffit pas à gommer les en différences sociales" .
Construites en MIROIR ou comme les deux faces d'une même médaille, PROPOSITION DRAMATIQUE PRINCIPALE et PROPOSITIONTHÉMATIQUE PRINCIPALE possèdent la même structure TERNAIRE : - point de départ - action - point d'arrivée. La tendance naturelle du débutant - socialement habitué aux débats d'idées - sera de se placer immédiatementau niveau thématiquepour ne plus le quitter. Une maladresse qui le conduira -sans qu'il en ait forcément conscience - à rédiger un ROMAN (uvre littéraire) et non un scénario (récit cinématographique). Le scénariste débutant pourra ainsi écrire :"X se rend compte qu'il a été berné". Mais la question que ne manquera pas de lui poser le réalisateur sera :"A QUOI CA SE VOIT ?". Contrairement au romancier, le scénariste doit en effet toujours DONNER À VOIR (MONTRER), c'est par l'IMAGE et le SON que devront passer TOUTES LES INFORMATIONS (le recours à la voix off étant loin d'être toujours dramatiquement efficace). Autrement dit, si le THÈME s'impose prioritairement au scénariste il devra, avant de commencer à écrire, se poser cette question capitale :"A travers quelle ACTION vais-je pouvoir exposer mon thème ?". Au cinéma (art du mouvement) la proposition dramatique principale PRIME TOUJOURS sur la proposition thématique principale. "Il va de soi que tout ACTE et son SENS ne font qu'un (unité dramatique) et que les propositions dramatiques et thématiques sont fusionnées dans le DÉSIR que le SUJET a pour l'OBJET."Pierre Jenn.
INTRIGUE PRINCIPALE ET INTRIGUES SECONDAIRES
UNITÉ DRAMATIQUE n'est pas, loin s'en faut, synonyme d'ACTION UNIQUE. Une uvre dramatique est, au contraire, constituée de plusieursÉTAPES INTERMEDIAIRES, chacune étant la CONSÉQUENCE INÉLUCTABLE de ce qui précède et la CAUSE LOGIQUE de ce qui suit.
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Scénario
"Pour que l'un tombe nécessairement dans l'autre !"Pierre Corneille. C'est ainsi que l'INTRIGUE PRINCIPALE donne naturellement naissance à une série d'INTRIGUES SECONDAIRES, ces dernières étant rigoureusement subordonnées à la principale. AllantDANS LE MÊME SENS l'intrigue principale, les intrigues secondaires sont là pour la que mettre en valeur aussi bien par redondance que par effet de CONTRASTE. A côté de l'intrigue principale et des personnages principaux se trouvent donc des personnages secondaires mus par des intrigues, elles aussi, secondaires.
ACTION ET IDENTIFICATION
Contrairement à une idée reçue largement répandue, le spectateur ne s'identifie pas seulement aux personnages principaux mais aussi, etAVANT TOUT, à la TOTALITE DE LA STRUCTURE DU RÉCIT"lorsqu'elle offre un miroir à son âme". Pour Aristote, le rôle du dramaturge est de provoquer une "catharsis" (purification) chez le spectateur :"La tragédie est l'IMITATION d'une action vertueuse et accomplie qui, par les moyens de la crainte et de la pitié, suscite la purification de telle passion". Pour Bruno BETTELHEIM ("Psychanalyse des contes de fées") :"En utilisant sans le savoir le modèle psychanalytique de la personnalité humaine contes de fées) (lesadressent des messages importants à l'esprit conscient, préconscient et inconscient(des enfants),quel que soit le niveau atteint par chacun d'eux" . Pour captiver le public il faut donc que ce dernier puisse s'identifier à l'ACTION; action communiquée par l'intermédiaire du RÉCIT qui, à la différence de l'HISTOIRE, a, lui, été sciemment structurépar l'auteur. Avant même d'être porteur de sens, le RÉCIT possède déjà laSTRUCTURE SÉMANTIQUEauquel il se réfère. Dans les contes de fées,(étude du sens des mots) propre au genre par exemple, les personnages sont réduits à leurFONCTION DRAMATIQUE IMMUABLE(le prince charmant, la sorcière, etc.) ; au théâtre ou au cinéma, ils sontdissociés de l'actionet susceptibles dÉVOLUTION.
A/ LE MODEL ACTANTIEL Le modèle deGREIMAS("Sémantique structurale") ou"modèle ACTANTIEL"propose la notion d'ACTANTS(sphères d'action) qui ne recouvrent pas de personnages en particulier mais des FONCTIONS DU RÉCIT ainsi . C'estqu'un actant peut englober plusieurs personnages et qu'un personnage peut s'étendre sur plusieurs actants. Le "modèle actantiel" défini6 SPHÈRES D'ACTION: - le SUJET - l'OBJET - l'OPPOSANT - l'ADJUVANT - le DESTINATEUR - le DESTINATAIRE.
- le SUJET désire l'OBJET
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Scénario
- l'ADJUVANT assiste le SUJET dans l'accomplissement de son désir - l'OPPOSANT tente d'empêcher le SUJET d'atteindre l'OBJET - le DESTINATEUR (garant du système de valeur propre au récit) va confier une mission au SUJET - mission qui ne coïncide pas forcément avec le désir du celui-ci - et transmettre en fin de compte son jugement au DESTINATAIRE. Un système qui possède3 AXES le principal est celui dontsymbolisant le désir du SUJET vers l'OBJET. Greimas en propose la schématisation suivante:
SUJET OBJET OPPOSANT
ADJUVANT SUJET OPPOSANT
DESTINATEUR SUJET DESTINATAIRE
C'est par rapport à l'axe (désir) du SUJET vers l'OBJET que se déterminent tous les autres ACTANTS. "Le DESTINATEUR peut dire QUI a tort ou raison et ce qu'il convient de faire. Il représente, à la fois ou séparément, la LOI et le SAVOIR"Pierre JENN. Le DESTINATEUR peut être soit l'auteur lui-même, soit une intense morale, soit un ou plusieurs personnages servant de porte-parole à l'auteur ou à l'instance morale. Le DESTINATAIRE peut être le public et/ou une instance morale et/ou un ou plusieurs personnages. Dans une COMEDIE, il n'est pas rare de trouver, dans la sphère du DESTINATEUR,des personnages indignes de cette fonction. Il est donc prévisible que ces derniers finissent par commettre une bévue permettant de rendre la parole auvrai destinateur (intervention d'un "Deus ex machina" renversant la situation). Quoiqu'il en soit, c'est toujours dans la relation prioritaireSUJET PRINCIPAL > OBJET PRINCIPALque l'on retrouve les propositions dramatiques et thématiques principales. Exemple:le "TARTUFFE" de Molière : Dans un premier temps et dans le cadre del'intrique principale, Tartuffe occupe la sphère du DESTINATEUR ; tout le problème venant du fait qu'ORGON (SUJET PRINCIPAL) idolâtre (désir) TARTUFFE (OBJET PRINCIPAL) alors que ce dernier est aussi l'OPPOSANT : TARTUFFE/fausse religion ORGON PUBLIC DESTINATEUR SUJET DESTINATAIRE
ORGON TARTUFFE TATUFFE SUJET OBJET OPPOSANT Au cours del'intrigue secondaire, la famille d'ORGON occupe la fonction d'ADJUVANT au SUJET SECONDAIRE (MARIANNE) qui aime (désir) VALERE (OBJET) ; l'OPPOSANT restant toujours TARTUFFE :
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Scénario
FAMILLE MARIANNE PUBLIC DESTINATEUR SUJET DESTINATAIRE
MARIANNE VALERE TARTUFFE SUJET OBJET OPPOSANT Après l'apparition de l'EXEMPT et le coup de théâtre qui rétablit la situation, la structure finale est la suivante : ROI/Exempt ORGON PUBLIC (FAMILLE) (MARIANNE) DESTINATEUR SUJET DESTINATAIRE ORGON TARTUFFE TARTUFFE (MARIANNE) (VALERE) SUJET OBJET OPPOSANT C'est bien dans la relation SUJET PRINCIPAL > OBJET PRINCIPAL (ORGON/TARTUFFE) que nous pouvons identifier les PROPOSITIONS DRAMATIQUES ET THÉMATIQUES PRINCIPALES du "Tartuffe" de Molière. PROPOSITION DRAMATIQUE PRINCIPALE : "Qui se laisseséduire les par apparences s'expose àdevenir .la victime d'un hypocrite " PROPOSITION THÉMATIQUE PRINCIPALE :"Lefanatique religieuxseradupedes faux dévots". Comme on peut le noter, dans le modèle "actantiel",3 SPHÈRES D'ACTION prédominent : - la sphère du SUJET - la sphère de l'OPPOSANT - la sphère du DESTINATEUR
B/ SECONDE TOPIQUE DE FREUD
L'analogie entre le modèle actantiel décrit précédemment et la théorie de l'organisation de l'appareil psychique humain connue sous le nom de"seconde topique de Freud"est assez flagrante. En effet, Freud propose une différenciation du psychisme humain en3 SYSTÈMES AUTONOMES : - le MOI, instance qui se pose en représentante de la totalité des intérêts de l'individu - le ÇA, pôle pulsionnel de la personnalité - le SURMOI qui juge et critique.
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Scénario
La similitude de fonctions duDESTINATEURdétient le système de valeurs et juge)(qui et duSURMOI juge et critique) est évidente. Les parallèles (quiSUJET/MOI etOPPOSANT/CA, tout aussi faciles à établir, méritent cependant qu'on s'y arrête plus longtemps. "Seule une personne dont le MOI a appris à puiser dans l'énergie du ÇA pour réaliser ses desseins constructifs peut charger ce MOI de contrôler et de civiliser les penchants destructifs du ÇA."affirmeBruno BETTELHEIM. En d'autres termes : une pathologie (une HISTOIRE) se déclenche à partir du moment ou le les rapports entre le MOI (SUJET) et le ÇA (OPPOSANT) ne sont plus fondés que sur leCONFLIT. Dans cette optique, tout récit"revient à raconter comment la question posée par le héros trouve sa réponse à travers les péripéties d'un conflit avec le ÇA et d'un arbitrage du SURMOI. C'est à dire que ce schéma réduit chaque histoire au FONCTIONNEMENT AFFECTIF DE BASE auquel s'identifie le spectateur."Pierre JENN. Tout RÉCIT peut alors être construit comme la parabole d'un conflit psychique"comme si l'auteur projetait à l'extérieur de lui-même, sous forme de personnages et de situations, une question qui le concerne et qui, tant qu'il n'y aura pas apporté de réponse, soulèvera en lui des sentiments contradictoires et conflictuels"Pierre JENN. De ce point de vue, la construction de "La guerre des étoiles" est exemplaire : - Luke SKYWALKER (MOI), conseillé par Ben KENOBI (SURMOI) est aux prises avec les forces destructrices de l'Empire représenté par Dark VADER (ÇA). - Georges LUCAS avait le projet délibéré (volonté du MOI/Luke) de se libérer du système hollywoodien (Empire/ÇA) qui l'étouffait (Luke veut devenir adulte). Dans sa quête, Georges LUCAS ne cherche d'aide et de soutien que dans son propre instinct (le SURMOI/la force/Ben KENOBI). Le fonctionnement narratif du "Tartuffe" n'est pas moins éloquent : A l'époque ou Molière écrit sa pièce, la Compagnie du Saint Sacrement vient de mettre en place dans toute la France un vaste programme de réformes religieuses et morales. Sous couvert de piétés, les membres de cette compagnie se livrent en réalité à toutes sortes d'abus de pouvoir et Molière n'a pas hésité à les qualifier de"faux monnayeurs en dévotion". Molière eut lui-même à pâtir des agissements de ces "tartuffes" particulièrement lorsque son protecteur, le prince de CONTI, brusquement sous influence, devint dévot avant d'entrer dans la cabale montée contre l'auteur de "L'avare". Rien d'étonnant donc si Molière s'exprime par la bouche de Cléante et de toute la famille liguée contre le faux dévot. Le MOI/SUJET(ORGON/CONTI) fi des intérêts de la faitfamille/Illustre Théâtre (principe de réalité) pour se complaire dans ses délectations pulsionnelles (le ÇA) : l'adoration (principe de plaisir) deTARTUFFE/La Compagnie du Saint Sacrement. Le MOI a renoncé à remplir son rôle de garant des intérêts de l'individu pour laisser les caprices du ÇA le gouverner.tache, il devient incapable de guider notre"Si le MOI ne remplit pas sa vie."Bruno BETTELHEIM. Comme il s'agit d'uneCOMEDIEet non d'un drame, Molière sacrifiera au "happy end" et la fin sera heureuse : le SURMOI (VRAI DESTINATEUR) finira par se révéler sous la forme de l'Exempt/ROI/Deus ex machina et imposera SA VRAI LOI en faisant taire le ÇA/TARTUFFE et en redonnant la priorité au PRINCIPE DE REALITE (contre le principe de PLAISIR). Bien sûr, tout auteur n'est pas forcément à ce point investi dans le récit qu'il construit mais, s'il veut explorer A FOND l'idée qu'il a choisi de promouvoir, il devra s'être suffisammentidentifié à son thème pour savoir très précisément et à tout instant"où il se situe"et"en quoi il est concerné".
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