Dans l Amérique des Cordillères : le bref été des mouvements paysans indiens (1970-1991) - article ; n°128 ; vol.32, pg 831-849
20 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Dans l'Amérique des Cordillères : le bref été des mouvements paysans indiens (1970-1991) - article ; n°128 ; vol.32, pg 831-849

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
20 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Tiers-Monde - Année 1991 - Volume 32 - Numéro 128 - Pages 831-849
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Yvon Le Bot
Dans l'Amérique des Cordillères : le bref été des mouvements
paysans indiens (1970-1991)
In: Tiers-Monde. 1991, tome 32 n°128. pp. 831-849.
Citer ce document / Cite this document :
Le Bot Yvon. Dans l'Amérique des Cordillères : le bref été des mouvements paysans indiens (1970-1991). In: Tiers-Monde.
1991, tome 32 n°128. pp. 831-849.
doi : 10.3406/tiers.1991.4631
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1991_num_32_128_4631L'AMÉRIQUE DES CORDILLÈRES DANS
LE BREF ÉTÉ
DES MOUVEMENTS PAYSANS INDIENS
(1970-1991)
par Yvon Le Bot*
D'importants mouvements paysans indiens ont fait leur apparition
à peu près simultanément, au début des années soixante-dix, dans trois
pays (Bolivie, Equateur, Guatemala) qui présentent la particularité d'être
restés (avec le Paraguay) à la fois les plus ruraux et les plus indiens d'Amér
ique latine, ainsi que dans une région (le Cauca) offrant les mêmes
caractéristiques à l'intérieur d'un pays (la Colombie) par ailleurs fortement
urbanisé et métissé/ D'autres pays, d'autres régions ont vu se développer
me-époque des mouvements similaires, mais qui, ou bien n'ont pas
occupé une place aussi importante sur la scène nationale (exemples des
luttes guaranies au Paraguay, des organisations mapuches au Chili) ou bien
ne présentaient pas un caractère paysan aussi affirmé (exemples de la mobil
isation des Indiens de la côte atlantique du Nicaragua, de groupes amazon
iens y compris des Shuars équatoriens).
Chaque mouvement constitue un cas, une configuration singulière
sur la base d'éléments communs à l'ensemble, une réponse particulière
aux mêmes problèmes dans des situations différentes. Il y a donc là un champ
approprié pour l'analyse comparative.
l'intégration en panne
L'essor de ces luttes, de ces organisations et de ces mouvements est
\ directement lié au reflux, à l'épuisement ou à l'absence des modèles et des
pratiques d'intégration sociale et d'intégration nationale.
I — » Le katarisme bolivien est à la fois l'héritier de la Révolution nationale
* Sociologue. Groupe de recherche sur l'Amérique latine (gral) du cnrs.
Revue Tiers Monde, t. ХХХП, n" 128, Octobre-Décembre 1991 832 Yvon Le Bot
de 1952 et de la réforme agraire, en même temps que l'une des manifes
tations et l'un des acteurs de la chute progressive du populisme, par secousses
successives de 1964 à 1974. Il naît et se développe, à partir de la fin des
années soixante, de la décomposition du movimientismo et des échecs des
tentatives de le prolonger sous des formes militaires1, mais aussi du reflux
des modèles et des conduites de classes, moins visible dans cette période
quoique de caractère sans doute plus irréversible. L'histoire de l'émergence
et de la montée du mnr (Movimiento Nacionalista Revolucionario), de sa
victoire en 1952, de ses gouvernements et de son déclin est inséparable de
l'histoire de l'un des deux ou trois mouvements paysans les plus importants
en Amérique latine au xxe siècle : un mouvement dont le principe central
était la revendication puis la défense de la terre et qui portait ses bases,
principalement des communautés quechuas de la région de Cochabamba,
dans le sens d'une désindianisation et d'une intégration à la société globale
et à la nation. Le massacre de la vallée de Cochabamba en 1974 marquait
l'achèvement d'un cycle qui avait duré un demi-siècle, consommait la
rupture entre la paysannerie et le pouvoir, la fin d'une alliance et d'une
subordination institutionnalisées dans la révolution, à la manière mexicaine.
Un basculement s'opérait entre la vallée et Yaltipîano : l'ancien mouvement,
force essentielle du changement puis pièce fondamentale du nouvel ordre,
s'estompait. Un nouveau mouvement se constituait au sein d'une population
paysanne aymara qui avait bénéficié des réformes mais avait fait, plus peut-
être que nul autre secteur de la paysannerie bolivienne, l'expérience de leurs
limites; il allait faire irruption à partir de 1978 sur le devant de la scène.
En Equateur, le mouvement Ecuarrunari {Ecuador runacunapac richar-
rimui = réveil de l'Indien équatorien), s'est formé à partir de 1968, dans
la sierra, au sein d'une population quichua que les organisations paysannes,
actives dans les décennies antérieures, n'étaient parvenues à mobiliser
qu'épisodiquement et fragmentairement. Le syndicalisme d'orientation
communiste, depuis les années quarante, et celui d'orientation démocrate-
1. Les populismes militaires — du type Barrientos, Ovando ou Torres en Bolivie, Velasco
au Pérou, Rodriguez Lara en Equateur, Torrijos au Panama, et, plus tard, Rios Montt au
Guatemala — exaltent occasionnellement une composante indienne de la nation à des fins de
revendication d'une spécificité nationale ou d'une latino-américanité opposée à l'amèricanité
anglo-saxonne ; mais ils sont porteurs d'un projet de nation homogène, d'où l'indianité réelle
soit effacée par assimilation. Ce sont des Métis qui valorisent la « blanchitude ». Les déclara
tions suivantes du dictateur « progressiste » équatorien illustrent bien ces contradictions :
« Tous les Equatoriens sont partiellement indigènes. » — « Nous devenons tous Blancs dès
lors que nous acceptons les buts de la culture nationale » (cité par Emmanuel Fauroux dans
Indianidad, etnocidio e indigenismo en America latina, Mexico, cemca et m, 1988, p. 274 et
Anne-Christine Taylor, dans Les Indiens de l'Amazonie et la question ethnique en Equateur,
Problèmes ď Amérique latine, nouvelle série, n° 3, Paris, La Documentation française, octobre-
décembre 1991). Le bref été des mouvements paysans indiens 833
chrétienne, depuis les années cinquante, avaient trouvé un meilleur écho
parmi les Métis, travailleurs permanents des plantations de la Côte
(150 000 à 200 000 personnes), qu'auprès de la paysannerie indigène des
hautes terres — trois ou quatre fois plus nombreuse — qu'ils avaient
souvent approchée avec des catégories et des objectifs anachroniques ou
inappropriés. Ils avaient en particulier échoué à organiser sur des bases
(( classistes » les ouvriers agricoles temporaires, migrants saisonniers, semi-
prolétaires continuant à se définir plutôt comme paysans et dont le volume
avait augmenté sensiblement dans les années soixante et soixante-dix.
Dans la sierra, ils avaient privilégié la lutte pour la terre d'une catégorie
devenue très minoritaire, celle des huasipungueros, et dont la réforme agraire
allait accélérer la disparition en lui donnant satisfaction. Le secteur majorit
aire de la paysannerie, celui des comuneros, était resté relativement à
l'écart d'une mobilisation plus syndicale que paysanne, et n'avait guère
profité de la réforme agraire. Il n'y avait pas de mouvement paysan à
proprement parler en Equateur.
Les pionniers du katarisme ont fait l'expérience des limites de la réforme
agraire parce qu'ils en ont bénéficié ; ceux d'Ecuarrunari parce qu'ils en ont
été exclus. Alors que le katarisme émerge d'un basculement, d'un retour du
refoulé ethnique et d'un déplacement d'épicentre dans le cadre de l'ancien
mouvement au terme de son cycle, Ecuarrunari vient remplir un vide,
répond à une incapacité et à un manque.
Le cric (Comité Regional de los Indígenas del Cauca) a surgi dans
les mêmes années que ses homologues équatorien et bolivien, et, comme
eux, au sein d'une paysannerie andine communautaire : les Paez et les
Guambianos, environ 100 000 personnes, soit moins de 0,5 % de la popul
ation colombienne, mais une forte minorité dans le Cauca (dans les hautes
terres du centre et de l'est du département elle représente, selon les zones,
entre 20 et 50 % de la population). Sa formation et son ascension ont été
parallèles et liées à celles du mouvement paysan le plus important que la
Colombie ait connu dans les dernières décennies. En 1969, le gouvernement
libéral de Carlos Lieras avait mis sur pied une organisation, Аыис-Asociación
Nacionál de Usua

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents