Dans le maquis des journaux-romans : la lecture des romans illustrés - article ; n°53 ; vol.16, pg 59-70
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Description

Romantisme - Année 1986 - Volume 16 - Numéro 53 - Pages 59-70
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 28
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Michel Gillet
Dans le maquis des journaux-romans : la lecture des romans
illustrés
In: Romantisme, 1986, n°53. Littérature populaire. pp. 59-70.
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Gillet Michel. Dans le maquis des journaux-romans : la lecture des romans illustrés. In: Romantisme, 1986, n°53. Littérature
populaire. pp. 59-70.
doi : 10.3406/roman.1986.4925
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1986_num_16_53_4925Michel GILLET
Dans le maquis des journaux-romans : la lecture des romans illustrés
Le roman-feuilleton ne fut pas que la surface en trois, quatre ou six colonnes
d'encre noire au rez-de-chaussée de la presse quotidienne. Il se disperse dans les journaux-
romans, les livraisons illustrées, les fascicules bigarrés...
Où et comment le lire ? Hors des « feuilletoniers », réunion sans cartonnage des
feuilletons découpés au jour le jour, les constructions tumultueuses des quotidiens pari
siens ne sont, pour la plupart, que pierres ruinées. Et où trouver les feuilletons de la presse
régionale? A défaut de vivre des complicités nouvelles, vicissitudes et réimpressions
diverses, le récit tombe en poussière comme le médiocre papier, daté et hors d'usage, où
il s'inscrivit. Mais, assemblées en livraisons illustrées, engoncées en volumes, ces ardeurs
feuilletonesques peuvent narguer l'oubli. Récit de la longueur le feuilleton est aussi celui
de l'agilité commerciale. Toutefois est-ce le même parcours que de lire Le Médecin des
Pauvres, roman historique de Xavier de Montépin, dans Les Veillées parisiennes, hebdo
madaire de romans, en livraisons à 10 centimes, illustrées par Gerlier ; en deuxième page
du Réveil du Peuple, quotidien dijonais, organe de la démocratie socialiste de l'Est, ou
dans quelque édition de librairie ?
Ce nomadisme implique des lectures dissemblables. Belle-Rose lu dans la quiétude
du Journal du dimanche, bercée par les romances de Pierre Dupont, est-ce Belle-rose
découvert dans la démence de la Cocarde, brûlé par la finance anti-juive ? Ne peut-on,
pour un même récit, cartographier la diversité des lieux de lecture ?
A l'origine — acidité des petits crûs romanesques — lire un feuilleton fut gobelot-
ter, jour après jour, de sombres colonnes en pied de page. Le plaisir, brièveté râpeuse,
était en de ternes flacons. Mais le samedi 7 avril 1855, Charles Lahure, imprimeur-libraire,
bouleversera cette frugalité en dispersant, à des milliers d'exemplaires, le premier numéro
au journal pour tous. Désormais, désertant l'exiguïté des rez-de-chaussée quotidiens, le
feuilleton séjourne en d'autres terres : celles, illustrées, du journal-roman1.
Ce nouveau mode de publication gagna comme une épidémie. Dès 1855 parurent,
dans le même style, Le journal du dimanche, L'Ominbus, Les Cinq centimes illustrés.
Le mouvement ne fit que s'amplifier et en décembre 1860, s'enquérir de l'ensemble des
récits illustrés aurait nécessité l'achat, chaque semaine, d'une trentaire de numéros. Et
le journal-roman gagnera la province: Lyon, Bordeaux, Marseille auront les leurs.
Jusqu'à la première guerre mondiale, c'est assurément le lieu de lecture le plus fréquenté.
On peut donc s'interroger sur le rôle de l'image dans cette consommation gloutonne du
texte.
Espace de huit ou seize pages in-8° colomb2, le journal-roman ponctua la pert
inence feuilletonesque de vignettes noires et blanches. Surface euphorique jouxtant la
compacité sombre d'un texte en colonnes, l'image lesta les intrigues de Boulabert, de Noir
et de Chardall, d'un dispositif de lecture rapide esquivant la menace de l'enlisement dans
les méandres de récits toujours à suivre. Promesse de plaisir l'illustration est chemin de
traverse.
Dans sa brièveté le présent de l'image, anticipation d'une lecture, accélère l'évén
ement feuilletonesque. Avant la vivacité brouillonne du récit la promptitude de l'image : 60 Michel Gillet
la brusquerie du Rhône noyant Geneviève, la soudaineté de la machine encavant M. de
Morangis, l'agilité criminelle de Pedrillo, la sauvagerie effarée de Kardel3. Nulle som
mation à l'arrêt. A l'opposé de la photographie, passé figé, l'illustration, en sa situation
de régente, dilapide le futur. Ne peut-on même parfois y soupçonner ce qui n'arrivera
pas : le claquement du fouet sur les épaules d'Elisabeth, le viol d'Yvonne4 ?
Le récit s'offre comme l'aventure d'une image et l'image comme l'énergétique d'un
récit. Immédiat prospectif gageant une scène à lire, l'illustration n'est nullement le simple
usufruit d'une prose copieuse. Certes, Le Journal pour tous, Le Monde fantastique, Le
Roman populaire, La Féerie illustrée furent, dans le faste commercial, des feuilles ador-
nées de gravures, mais cette définition, formule anémique reléguant l'image au rôle
d'auxiliaire décoratif à l'alentour d'un drame feuilletonisé, est par trop succincte. Illus
trée, la lecture des narrations de Berthet, de Capendu, de Duplessis, de Montépin, — épar-
ses dans les colonnes du Passe-Temps, du Conteur — diffère de celle tentée en parcourant
les mêmes textes agglutinés en modestes volumes à un franc de la collection d'Alex. Cadot.
Aucune gravure n'est une vignette dérisoire collée à l'amorce des splendeurs feuilletones-
ques ; en tout temps le feu de l'image crépite dans le vacarme du récit. Loin d'être l'anec
dote d'une consommation impatiente, la dérobade d'une longueur éperdue, l'illustration
est déjà le récit. Préludant aux sinuosité des Mystères du Mont-de-piété, du Banquier des
voleurs, du Capitaine Ripaille, elle capitalise l'intrigue. Arraisonnements de faits divers,
enchainements de légendes historiques, le roman-feuilleton n'existe que par ce qu'on y
voit : geste criminel, poison versé, réunion séditieuse, machinerie souterraine, ressort
caché, femme assaillie, vieillard lubrique, glace magique, enterré vivant, etc. Le lisible
feuilletonesque est une connivence illustrée.
Bateleurs d'intrigues, joueurs de récits, le feuilletoniste, l'illustrateur sont pour
tout abonné d'un journal-roman d'intrépides complices. Toute illustration est fruit d'une
lecture : celle de J. Pelcoq attentif aux tic tac du moulin rouge, celle d'E. Coppin épiant
la cour des miracles, celle de F. Lix penché sur les dalles de la morgue5. Bien que le tra
vail du dessinateur ne soit pas contemporain de celui du feuilletoniste, mais second dans
le temps, ne peut-on nommer Belin coauteur avec Louis Noir du Coupeur de tête, du
Roi de l'Atlas?, ou Gerlier coauteur avec Ponson du Terrail du Roi des Bohémiens ?n La
matière feuilletonesque n'est pas l'écriture mais l'événement dramatique, l'évidence san
glante, la réalité déjà constituée des faits divers. Usage bruyant de brièvetés judiciaires,
immobilisant dans la longueur l'agilité criminelle de malandrins connus par ailleurs dans
les Causes Célèbres, le feuilleton est dès l'origine un texte ajouré. Parcelle inarrachable
du récit, l'image, séquence in-texte, accentue la fondamentale simplicité de l'écriture. Lire
un feuilleton illustré est succomber au savoir-faire d'un imagier incrustant quelques
lucarnes entre de noires colonnes fébriles.
Il importe cependant de remarquer que l'illustrateur n'est pas libre de ponctuer
le texte à son gré. Les journaux-romans ont des normes d'illustration. A part quelques
exceptions,8 ils ne comportent que deux gravures par numéro, et laissent dans l'ombre
typographique le troisième roman qu'ils publient. Ces deux illustrations n'instituèrent
pas le même espace romanesque. L'image de couverture, citadelle en surplomb du récit,
précédant l'instant où l'événement feuilletonesque surviendra, aventure toujours une lec
ture à venir. La seconde, verrière au cœur du récit, halte entre les colonnes d'une intrigue
à moitié parcourue, apparaît comme un ressourcement. En outre ces deux récits ne bruis-
sent pas des mêmes drames ; à l'impétuosité du premier texte, véhémences criminelles
et manigances sanglantes, s'oppose, ordinairement, le calme familier, sobriété larmoyante
du second. Au lecteur feuil

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