Délinquance et système pénitentiaire en France au XIXe siècle - article ; n°1 ; vol.30, pg 67-91
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1975 - Volume 30 - Numéro 1 - Pages 67-91
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1975
Nombre de lectures 100
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Michèle Perrot
Délinquance et système pénitentiaire en France au XIXe siècle
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 30e année, N. 1, 1975. pp. 67-91.
Citer ce document / Cite this document :
Perrot Michèle. Délinquance et système pénitentiaire en France au XIXe siècle. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations.
30e année, N. 1, 1975. pp. 67-91.
doi : 10.3406/ahess.1975.293588
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1975_num_30_1_293588ET SYST ME PENITENTIAIRE EN FRANCE AU LINQUANCE
XIXe SI CLE
hui nous avons marché pas de
géant dans la carrière du progrès punir ne doit
plus être unique but de la loi pénale plus
prévoyante et en même temps plus humaine
elle doit non seulement chercher obtenir la
réparation due la société par la punition du
coupable mais encore étudier lui rendre des
membres qui puissent utilement la servir
Docteur VINGTRINIER médecin en chef des
prisons de Rouen Des prisons et des prisonniers
1840 215)
Bienfaits des philanthropes et moralisateurs
deux jeunes gar ons sont morts Rouen dans la
maison pénitentiaire par suite une punition
assez gaillarde qui consistait les faire tenir
debout plusieurs jours de suite dans une boîte
horloge peut-être pour leur apprendre combien
le temps était précieux leur faute était avoir
ri pendant la le on leur faute avoir ri De plus
ils sont confiés des gredins qui les enculent
FLAUBERT Lettre Ernest Chevalier
Rouen avril 1842 dans Correspondance
Paris Gallimard Coll Pléiade 100)
Après asile voici que la prison jumelle devient objet une histoire que
hante de plus en plus le grand nocturne des sociétés maladie folie
délinquance part exogamique de nous-mêmes miroir brisé qui nous renvoie
notre image expérience-limite Michel Foucault où se lit une culture autre
ment mais autant que dans les épais massifs des faits majoritaires
Dans cette histoire le xixe siècle tient une place de choix Telle une houle de
roman noir un double mouvement le parcourt extension du code et donc du
délit abord aube du siècle le Code Napoléon établit la règle du jeu dans
la paix bourgeoise mais il se complique sans cesse Les sociétés industrielles
intensifiant les rapports entre les groupes multiplient normes et interdits bien
des égards contraignantes et répressives elles codifient tout et du même coup
67 PRESSIONS
elles fabriquent des délinquants Voir quand comment pour quels motifs sous
quelles impulsions arbre relativement simple du code primitif se ramifie
cette foisonnante touffeur aujourdhui entreprendre en somme
histoire économique et sociale du droit et de la jurisprudence voilà ce me
semble un premier axe de réflexion
extension de la prison est corrélative puisque emprisonnement fonde
organisation pénitentiaire contemporaine Ancien Régime avait certes connu
les geôles mais dépôts débarras lieux de passage plus que de séjour et de péni
tence parenthèses vers autres peines ou autres lieux ne
constituait pas la pierre angulaire de la répression Inventant la liberté
Starobinski) la Révolution enfante du même coup son contraire En faisant de
la peine privative de liberté la clef de voûte du système pénal elle tisse les
premières mailles de cet immense réseau maisons de justice arrêt de
correction centrales départementales. qui allait peu peu couvrir tout le
pays Histoire dramatique et profondément contradictoire que celle-ci Faite
pour punir mais aussi pour réintégrer les délinquants dans la société réformer
les moeurs des personnes détenues afin que leur retour la liberté ne soit pas un
malheur ni pour la société ni pour eux-mêmes la prison achève de les en
exclure Dès le milieu du xixe siècle ampleur de la récidive qui atteindra la
fin du siècle plus de 50 des libérés conduit le gouvernement inquiet
adopter par la loi de 1854 le modèle anglais jadis décrié la transportation
outre-mer La Troisième République surenchérit La loi Waldeck-Rousseau de
1885 en instaurant la relégation des multirécidivistes expulse hors du territoire
les irrécupérables La prison échoue exclusion triomphe
Sur ce parcours historien du xixe siècle trouve un terrain passablement
encombré Une criminologie ancienne et proliférante dont il lui faut prendre
connaissance même pour en écarter des sources abondantes mais dissymétri
ques la fois dans leur nature imprimé foisonnant maigres archives et
dans leur champ prolixes sur le délit sur institution pénitentiaire infiniment
plus taciturnes sur les prisonniers tout cela trame un discours criminel et pénal
dont élaboration même fait écran un discours dont les prisonniers sont
absents De ceux-ci peu de témoignages Sur quelques centaines ouvrages en
dénombre peine une dizaine qui soient leur uvre Encore agit-il de
prisonniers honorables politiques ou dettiers gibier de Sainte-Pélagie
rarement de droit commun Et quelle modération dans leurs propos Tel qui
peint sans concession intérieur des prisons 1846)6 en demande pourtant
pas abolition repentant ce converti suggère seulement quelques réformes qui
permettent la prison de remplir son rôle Les vrais rebelles sont rares du
moins ils écrivent pas
Il convient de interroger sur les raisons de ce silence imposé et quelquefois
choisi Une triple muraille cerne les prisonniers analphabétisme abord
toujours plus accentué que celui de la population totale 10 15
Cependant dans le dernier quart du xixe siècle la diffusion de instruction
modifie les rapports des prisonniers écriture Joly insiste sur le nombre
considérable de malfaiteurs qui avec une instruction rudimentaire et sans
prétendre le moins du monde la littérature de profession éprouvent le besoin
de composer pour leur satisfaction personnelle ils écrivent des ébauches de
drames ou de vers des autobiographies aussi dont Joly pu consulter un
certain nombre hui introuvables peut-être tout jamais perdues Car
68 LES PRISONS AU XIXe SI CLE PERROT
institution oppose un second et redoutable obstacle elle refuse la parole et
enfouit écrit quand elle ne le détruit pas dans obscures archives communi-
cables seulement après un siècle Enfin la honte sociale le stigmate inflige la
prison refoulent le témoignage Dès 1840 Frégier parle de la répulsion
invétérée dans toutes les classes de la population égard des libérés Dans
un monde hostile seuls les grands révoltés ou les grands condamnés osent
parler Les autres la masse des reclus se terrent dans le silence libérés ils
ont une hantise faire oublier le passé pour être admis
Ces prisonniers disparus de leur histoire il faut les traquer dans ce que on
dit eux La résistance que rencontre en son établissement le système péniten
tiaire donne une certaine mesure de la leur Résistance aux exhortations les
reclus font des grimaces sitôt que les ecclésiastiques ont le dos tourné
Résistance au travail pour lequel ils montrent selon Moreau-Christophe une
profonde aversion 10 Ils regardent même avec une sorte de pitié ceux qui
travaillent remarque Barbé-Marbois visitant en 1821 les prisons du Calvados
et de la Manche et évoquer Mathurin Bruneau célèbre mythomane
enfermé au Mont-Saint-Michel on prive de tabac mâcher pour le
contraindre atelier Auparavant il gâtait plaisir le bois on lui donnait
pour faire des sabots il en fait maintenant des bons 12 la Petite Roquette
maison pour jeunes détenus un enfant de quatorze ans de la catégorie des
délinquants paresseux inappliqué ayant horreur du travail résistant tous les
moyens employés pour contraindre et lui en donner le goût se vanta auprès
de ses camarades de se mutiler pour être désormais dispensé de toute occupa
tion Il tint parole et se coupa résolument le doigt indicateur de la main droite
Cette action méritait un châtiment. 13 isolement total qui seul viendra
bout de son refus
Car plus que tout silence et solitude ont suscité effroi Contre eux pour
maintenir tout prix la communication les prisonniers ont inventé des
parades un argot dissimulateur le verbe devenu for at Victor Hugo) un
extraordinaire art du signe déjouant toutes les surveillances 14 affreuse
réclusion auburnienne génératrice de folie la plupart préfèrent le bagne que
du fond de leurs cellules ils viennent célébrer comme un paradis perdu
Toulon on travaillait dur est vrai mais on buvait ferme et on pouvait

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