Deux poèmes de Marmontel et leur relation avec Diderot - article ; n°1 ; vol.20, pg 115-139
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Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie - Année 1996 - Volume 20 - Numéro 1 - Pages 115-139
James M. Kaplan : Two poems by Marmontel and their links with Diderot.
Marmontel's works ebb and flow between the two poles of rococo frivolity and Enlightenment ideology. A good example of this polarity are his poems Epître à Coraline and Un Disciple de Socrate aux Athéniens, Heroïde. The former dates from around 1750 when the poet was an habitue of the Epicurean financier La Poupelinière, and the latter is part of the battle against Palissot after the production of his Philosophes in 1760. We discuss the vogue of the héoïde genre at this time and show that the Disciple, published anonymously, was indeed by Marmontel. This poem contains, we feel, a passage that is a versification of a part of the Religieuse, which Diderot was writing at the time the poem was being composed. Our discussion of these two works by Marmontel shows that Palissot's hatred for the Philosophes dated from much early than generally though, to 1748, the year of the great success of Marmontel's tragedy Aristomène. By defending his friend Diderot, Marmontel reveals how close the two authors were.
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 44
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

James M. Kaplan
Deux poèmes de Marmontel et leur relation avec Diderot
In: Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, numéro 20, 1996. pp. 115-139.
Abstract
James M. Kaplan : Two poems by Marmontel and their links with Diderot.
Marmontel's works ebb and flow between the two poles of rococo frivolity and Enlightenment ideology. A good example of this
polarity are his poems Epître à Coraline and Un Disciple de Socrate aux Athéniens, Heroïde. The former dates from around 1750
when the poet was an habitue of the Epicurean financier La Poupelinière, and the latter is part of the battle against Palissot after
the production of his Philosophes in 1760. We discuss the vogue of the héoïde genre at this time and show that the Disciple,
published anonymously, was indeed by Marmontel. This poem contains, we feel, a passage that is a versification of a part of the
Religieuse, which Diderot was writing at the time the poem was being composed. Our discussion of these two works by
Marmontel shows that Palissot's hatred for the Philosophes dated from much early than generally though, to 1748, the year of the
great success of Marmontel's tragedy Aristomène. By defending his friend Diderot, Marmontel reveals how close the two authors
were.
Citer ce document / Cite this document :
Kaplan James M. Deux poèmes de Marmontel et leur relation avec Diderot. In: Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie,
numéro 20, 1996. pp. 115-139.
doi : 10.3406/rde.1996.1326
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rde_0769-0886_1996_num_20_1_1326James M. KAPLAN
Deux poèmes de Marmontel
et leur relation avec Diderot
Tout comme ses ouvrages en prose, les poésies de Marmontel sont
parfois à l'extrême de la frivolité rococo, parfois on ne peut plus sobres
dans leur exposition de la philosophie des Lumières. Cette polarité est
visible dans deux ouvrages peu connus, YÉpître à Coraline, et l'héroïde Un
Disciple de Socrate aux Athéniens. L'épître est un portrait désinvolte d'une
jeune chanteuse de la Comédie Italienne dont les nombreux attraits ne comp
renaient pas la vertu. L'héroïde est, en revanche, un ouvrage extrêmement
sérieux, qui, ayant pour toile de fond la mort de Socrate, répond aux
attaques de Palissot contre les Philosophes en 1760. L'auteur y discute
d'autres questions : les vocations forcées, la nature de Dieu, la mort, la foi
et la tolérance. Ensemble, ces deux ouvrages témoignent de la variété de
l'inspiration poétique de Marmontel. Ils démontrent que, malgré sa réputa
tion de prosateur, la dimension poétique de son œuvre est incontournable.
Lenel, le grand biographe de Marmontel, cite plusieurs passages de
YÉpître à Coraline, affirmant que, dans ce poème, l'auteur rendait hom
mage à la femme qu'il devait épouser bientôt1. Cela a dû sembler plausible
car d'une part le poème en question a été publié comme Épître à Mlle XXX
en mars 1777 dans le Journal encyclopédique et que d'autre part
Marmontel devait épouser une très jeune femme le 11 octobre 1777. Un
lecteur moderne (et même ancien !) trouverait pour le moins assez indiscret
de décrire sa future épouse dans des termes aussi osés, ce qui laisserait une
impression discutable du goût et du tact de notre poète. Bien que Lenel
affirme en note que ce poème a été publié dans Les Etrennes du Parnasse
de 1777, nous pouvons être sûrs qu'il n'a pas consulté cette source car on
y dit clairement que la composition de l'ouvrage remonte à une période
bien antérieure2. En fait c'est le journaliste Pierre Rousseau qui a publié ce
1. S. Lenel, Un Homme de lettres au XVIIIe siècle: Marmontel, Paris, 1902, p. 410.
2. Etrennes du Parnasse, 1777, pp. 43-44. «On verra avec plaisir cette production
délicieuse de la jeunesse de l'auteur».
Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, 20, avril 1996 1 16 JAMES M. KAPLAN
poème dans le tout premier volume de son Journal encyclopédique en
1756. L'Épître n'avait donc aucun lien avec la future épouse de l'auteur. Le
poème était plutôt un souvenir des premières années de Marmontel à Paris
quand il était un poète tragique à la renommée éphémère et bien plus connu
alors pour ses conquêtes amoureuses. Marmontel avait vraisemblablement
sorti de ses tiroirs un texte inédit qu'il aurait offert pour le nouveau journal.
UÉpître à Coraline fournit un autre témoignage des années douces et
peu laborieuses à Passy, près de Paris. Marmontel les a vécues comme hôte
quasi permanent au château du richissime fermier général La Poupelinière.
A cette époque, de 1748 à 1754 environ, a produit une série de
tragédies dont le succès allait en diminuant3. VÉpître à Coraline est d'une
veine similaire, mais purement rococo et pas du tout didactique.
Emile Campardon dans son Histoire de la Comédie Italienne nous fait
un portrait circonstancié de Mlle Coraline4. De son vrai nom Anne-Marie
Veronèse, elle naquit vers 1730 à Bassano dans une famille d'acteurs. Elle
mourut à Paris en 1782. Elle eut beaucoup d'amants dont le prince de
Monaco et le comte de la Marche (plus tard prince de Conti) dont elle eut
un fils. Marmontel n'était apparemment qu'un admirateur platonique de la
charmante actrice. Le poème est surtout intéressant comme tableau de
l'ambiance galante et épicurienne de la société de La Poupelinière.
Marmontel explique dans ses Mémoires que ce style de vie relâché l'a
empêché de créer des ouvrages de valeur pendant cette période5.
Épître à Mlle Coraline
Très jolie comédienne du
Théâtre Italien à Paris
par M. Marmontel
Oui, Lucinde, je t'aime; et mon âme ravie
A puisé dans tes yeux une nouvelle vie :
Volage mes goûts et froid dans mes désirs,
Je ne trouvais partout que l'ombre des plaisirs ;
5 Je t'ai vue, et mon cœur a reconnu son maître";
Surpris de ses transports, il s'est senti renaître;
Et pareil à l'aiglon de son œuf échappé,
Sous l'aile de l'Amour il s'est développé.
Ce feu que je puisais dans le sein de Voltaire7,
3. Nous avons publié plusieurs des poèmes de Marmontel de cette période. Voir James
M. Kaplan, «Two early epistles by Marmontel», (SVEC, 266, 1989, pp. 355-372).
4. Emile Campardon, Les Comédiens du Roi de la troupe italienne, 1880, t. IL
pp. 187-197.
5. James Kaplan, o.c, p. 356. Voir aussi J.G. Prod'homme, «A French Maecenas of
the time of Louis XVI : M. de La Poupelinière », Musical quarterly, 10, 1924, pp. 511-531
et Lenel, o.c, pp. 89-92.
6. Dans le Journal encyclopédique on lit cette note : « Imitation heureuse de ce vers
de Bérénice, "Le monde, en le voyant eût reconnu son maître" ».
7. L'allusion que fait Marmontel à son mentor Voltaire est intéressante. Le verbe à
l'imparfait semble refléter un certain refroidissement qui serait survenu entre les deux
auteurs après les premiers succès de Marmontel. Voir François Cornou, Elle Fréron, 1922,
pp. 80, 86-7, et Diderot, Salon de 1767, RDE, II, 94. DEUX POÈMES DE MARMONTEL ET LEUR RELATION AVEC DIDEROT 1 17
10 N'est plus dans ton amant que l'ardeur de te plaire ;
L'Amour est mon génie ; il dicte mes écrits ;
Comme il en est la source, en sera-t-il le prix ?8
Heureux ! si sur les pas de Tibulle et d'Ovide,
Cueillant pour toi les fleurs du Parnasse et de Gnide,
15 Je pouvais voir ta main mêler, à mon retour9,
Aux rameaux d'Apollon les myrtes de l'Amour !
La lyre de Tyrtée a gagné des batailles :
Aux accents d'Amphion Thèbes dut ses murailles.
Orphée a su toucher par ses tendres accords,
20 Les monstres de la Thrace et le tyran des morts :
Ovide abandonné sur des rives proscrites,
Des traits de la pitié perça l'âme des Scythes :
Je n'en suis point jaloux : et ce talent vainqueur
Aura plus fait pour moi, s'il enchaîne ton cœur.
25 Ce climat vif et pur, (a) ces lieux plus beaux encore,
Depuis qu'ils t'ont vu naître, et mille Amours éclore :
Ce pays des héros, des grâces, des talents,
Avait produit Cinthie (b) aux yeux étincelants,
Délie (c) au doux sourire, au séduisant langage ;
30 Corinne (d) au teint de rosé, au cœur tendre et volage :
Mais, crois-moi, ma Lucinde, en ces temps si vantés10,
Si l'on t'eût vu paraît

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