Deux techniciens précurseurs de Malthus : Boesnier de l Orme et Auxiron - article ; n°4 ; vol.10, pg 691-704
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Deux techniciens précurseurs de Malthus : Boesnier de l'Orme et Auxiron - article ; n°4 ; vol.10, pg 691-704

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Population - Année 1955 - Volume 10 - Numéro 4 - Pages 691-704
Pour maint pays et mainte époque se constate un contraste entre les doctrines en, vogue et la pratique courante. En particulier, dans la France du dix-huitième siècle, les doctrinaires se manifestaient, et parfois avec vigueur, en faveur d'une forte population, au moment même où les familles commençaient à réduire le nombre de leurs enfants. A l'inverse, en Angleterre, les conseils de Malthus, puis de Place, n'ont pas été suivis, si bien que la réduction de natalité n'a commencé qu'un siècle après celle de la France, en dépit des doctrines. Peu nombreux sont ceux qui, avant 1800, se sont élevés, en France, pour dénoncer, avec quelque précision, la menace de surpopulation. Parmi eux, nous allons en présenter deux qui mériteraient d'être plus connus : Boesnier de l'Orme et Auxiron. L'article en question analyse leurs doctrines, en les plaçant dans leur époque.
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1955
Nombre de lectures 33
Langue Français

Extrait

Alfred Sauvy
Deux techniciens précurseurs de Malthus : Boesnier de l'Orme
et Auxiron
In: Population, 10e année, n°4, 1955 pp. 691-704.
Résumé
Pour maint pays et mainte époque se constate un contraste entre les doctrines en, vogue et la pratique courante. En particulier,
dans la France du dix-huitième siècle, les doctrinaires se manifestaient, et parfois avec vigueur, en faveur d'une forte population,
au moment même où les familles commençaient à réduire le nombre de leurs enfants. A l'inverse, en Angleterre, les conseils de
Malthus, puis de Place, n'ont pas été suivis, si bien que la réduction de natalité n'a commencé qu'un siècle après celle de la
France, en dépit des doctrines. Peu nombreux sont ceux qui, avant 1800, se sont élevés, en France, pour dénoncer, avec
quelque précision, la menace de surpopulation. Parmi eux, nous allons en présenter deux qui mériteraient d'être plus connus :
Boesnier de l'Orme et Auxiron. L'article en question analyse leurs doctrines, en les plaçant dans leur époque.
Citer ce document / Cite this document :
Sauvy Alfred. Deux techniciens précurseurs de Malthus : Boesnier de l'Orme et Auxiron. In: Population, 10e année, n°4, 1955
pp. 691-704.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pop_0032-4663_1955_num_10_4_4491TECHNICIENS DEUX
PRÉCURSEURS DE MALTHUS :
BOESNffiR DE L'ORME ET AUXIRON
entre Pour les maint doctrines pays en, et vogue mainte et époque la pratique se constate courante. un En contraste parti
culier, dans la France du dix-huitième siècle, les doctrinaires
se manifestaient, et parfois avec vigueur, en faveur d'une forte
population, au moment même où les familles commençaient à
réduire le nombre de leurs enfants. A l'inverse, en Angleterre,
les conseils de Malthus, puis de Place, n'ont pas été suivis, si
bien que la réduction de natalité n'a commencé qu'un siècle
après celle de la France, en dépit des doctrines.
Peu nombreux sont ceux qui, avant 1800, se sont élevés, en
France, pour dénoncer, avec quelque précision, la menace de
surpopulation. Parmi eux, nous allons en présenter deux qui
mériteraient d'être plus connus : Boesnier de l'Orme et
Auxiron.
L'article en question analyse leurs doctrines, en les pla
çant dans leur époque.
Les idées sur la population Le xvine siècle s'est beaucoup occupé de
au XVIIIe siècle. population. Il est peu d'auteurs, même
littéraires, qui n'aient dit leur mot sur
le sujet. D'une façon générale, l'accroissement de population est
considéré sinon comme un bien en soi, du moins comme un but
souhaitable.
A la base, le raisonnement fondamental s'inspire de l'esprit de
domination et se retrouve à toutes époques, sous diverses formes,
depuis Bodin et l'avènement de la monarchie absolue : plus le
nombre des sujets est élevé, plus le roi compte de soldats et de
rentrées fiscales : marine plus forte, souverain mieux respecté au
dehors et au dedans, etc. Dans cette optique, le bien-être individuel
ne comptant pas, la richesse s'identifie avec la population. 692 DEUX TECHNICIENS PRÉCURSEURS DE MALTHUS :
Cette théorie de la domination a été exprimée en quelque sorte
à l'état pur, c'est-à-dire de la façon la plus franche, sinon la plus
cynique, par Turmeau de la Morandière, dans trois ouvrages ins
pirés par le populationnisme le plus outrancier (1) qui peut se
résumer dans la citation suivante : « II faut multiplier les sujets
et les bestiaux ».
Cette doctrine s'est peu à peu modifiée, l'Etat ou la classe dir
igeante prenant la place du souverain. A elle s'apparente l'argument
moderne, plus rationnel, dit des « frais généraux de la Nation » :
la Nation subit un grand nombre de charges indépendantes de la
population ou, tout au moins, qui croissent beaucoup moins vite
qu'elle. Par suite, un accroissement du nombre des hommes réduit
la charge par tête et accroît la prospérité. A cet argument s'opposent
les considérations sur les rendements décroissants ou la limitation
des ressources naturelles.
On peut s'étonner que ces dernières considérations n'aient pas
retenu davantage les auteurs du xviir3 siècle, et qu'ils
envisagé tout au moins une limite au-delà de laquelle la puissance
du souverain elle-même diminuerait (2). L'explication doit être
recherchée dans diverses causes :
a) très forte mortalité de l'époque;
b) croyance légendaire à la dépopulation française, qui ne s'est
dissipée que lentement, à partir de 1770;
c) faible intérêt porté par la classe dirigeante à la population
misérable « sous-marginale », qui disparaissait très discrètement,
faute de ressources;
(1) Voir « Travaux et Documents », cahier n° 21 : Les doctrines françaises avant
1800. De Budé à Condorcet, par Joseph J. Spengler. Quelques démographes ignorés du
xvih8 siècle : de la Morandière, de Caveirac, Cerfvol, Pinto.
Donnons ici quelques indications sur Turmeau de la Morandière, qui nous ont été
obligeamment transmises par M. Claude de Bonnault.
Denis Turmeau, comte de la Morandière, est né à Ménars (Loir-et-Cher), le 7 octo
bre 1719. Ecrivain et auteur de projets, membre de diverses académies, il écrivait et
conseillait les hommes en place. En 1794, furent saisis à son domicile (il vivait encore)
une grande quantité de cartes, plans, mémoires, manuscrits, etc., qui furent envoyés
au Dépôt littéraire, rue Marc (Arch. Nat. T. 1639.
Œuvres imprimées connues :
Représentation à M. le lieutenant général de police de Paris sur les courtisans à la
mode et les demoiselles de bon ton. Paris, 1762.
Appel des étrangers dans nos colonies. Paris, 1763.
Principes politiques sur le rappel des protestants en France. Paris, 1764.
Police à établir sur les mendiants, les vagabonds, etc. Paris, 1764.
Manuscrits :
Mémoire sur la police de Versailles, novembre 1761 (Bibl. Nat., Nouvelles acquisitions
fr. 23.621. Baufremont, 272 fol. 51-56).
Recueil de pièces formé par M.D.L. Turmeau de la Morandière (Bibl. Nat., Nouvelles
acquisitions fr. 11.126 P. III-IX. Liste des ouvrages imprimés et manuscrits de M. de la
Morandière). Parmi les manuscrits figure : « Moïens de peupler et de cultiver nos colo
nies. Réflexions sur la Louisiane et sur toutes nos possessions d'outre-mer, etc. »
(2) Sur l'optimum de population en termes de bien-être et l'optimum de population
en termes de puissance, voir notre « Théorie générale de la population. Volume I,
Economie et population ». P.U.F. / .
op
t
ERRATA
Lire p. 688 (légende du graphique
n° 1) : « Répartition des salariés
d'après leur salaire ».
P. 739 (tableau II) : intervertir les
dates des colonnes 2 et 3 et rétablir
ainsi : 1906-1936, 1936-1954, 1906-1954. BOESNIER DE L'ORME ET AUXIRON 693
d) existence de terres en friche, dont l'étendue n'était pas bien
connue. Par un phénomène psychologique classique qu'on retrouve
en particulier chez les doctrinaires de l'abondance de toutes époques
et notamment du xx* siècle, le non mesuré s'apparente au démesuré
et l'illimité à l'infini (3);
e) enfin, et peut-être surtout, la doctrine de la domination s'allie
et se concilie avec des considérations morales ou religieuses, le
« croissez et multipliez » trouvant sa pleine application.
Peu d'auteurs ont osé attaquer sans ménagement le tabou popul
ationniste.
A partir de 1770, avons-nous dit, la croyance à la dépopulation,
si tenace depuis la fin du règne de Louis XIV, a fait place, à la
suite des travaux d'Expilly (1763-1770) et de Messance (1766), à
des considérations moins pessimistes. En même temps, avec le
déclin de l'autorité religieuse et royale, les doctrines deviennent
plus nuancées. Le populationnisme pur figure toujours dans un
grand nombre de manuels bien pensants, attardés, mais les physio-
crates, et d'autres aussi, ne considèrent plus l'accroissement de
population comme la cause initiale de tous les bienfaits. Elle doit
tout au moins s'encadrer dans ce qu'on appellerait aujourd'hui un
processus général de développement. Se réglant suivant les sub
sistances, la population ne

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