Dieu et peuple chez Lamennais - article ; n°12 ; vol.6, pg 51-60
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Description

Romantisme - Année 1976 - Volume 6 - Numéro 12 - Pages 51-60
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1976
Nombre de lectures 14
Langue Français

Extrait

Louis Le Guillou
Dieu et peuple chez Lamennais
In: Romantisme, 1976, n°12. pp. 51-60.
Citer ce document / Cite this document :
Le Guillou Louis. Dieu et peuple chez Lamennais. In: Romantisme, 1976, n°12. pp. 51-60.
doi : 10.3406/roman.1976.5041
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1976_num_6_12_5041Louis LE GUILLOU
Dieu et peuple chez Lamennais
Chacun a à la mémoire, la page percutante qui ouvre l'article de Lamennais De
l'absolutisme et de la liberté, publié dans la Revue des deux mondes d'août 1834 :
« Deux doctrines, deux systèmes se disputent aujourd'hui l'empire du monde, la
doctrine de la liberté et la doctrine de l'absolutisme ; le système qui donne à la
société le droit pour fondement, et celui qui la livre à la force brutale. Les destinées
futures de l'humanité dépendront du triomphe de l'un ou de l'autre. Si la victoire
reste à la force brutale, courbés vers la terre comme les animaux, mornes, muets,
haletants, les hommes, hâtés par le fouet du maître s'en iront mouillant de leur
sueur et de leurs larmes les rudes sillons qu'il leur faudra creuser, sans autre espé
rance que d'enfouir sous la dernière glèbe le sanglant fardeau de leur misère. Si, au
contraire, le droit l'emporte, le genre humain marchera dans ses voies, la tête haute,
le front serein, l'œil fixé sur l'avenir, sanctuaire radieux où la Providence a déposé
les biens promis à ses efforts persévérants. La lutte engagée entre ces deux systèmes
devient chaque jour plus vive. D'un côté, sont les peuples épuisés de souffrance et
de patience, ardents de désir et d'espoir, émus jusqu'au fond des entrailles par l'ins
tinct longtemps endormi de tout ce qui fait la dignité et la grandeur de l'homme,
puissants de leur foi en la justice, de leur amour pour la liberté, qui, bien comprise,
est l'ordre véritable, de leur ferme volonté de la conquérir ; de l'autre, sont les
pouvoirs absolus avec leurs soldats et leurs agents de toute sorte, les ressources
publiques, l'or, le crédit et les innombrables avantages d'une organisation dont les
éléments se tiennent, s'enchaînent, s'appuient les uns les autres, tandis qu'en dehors
d'elle tout est isolé, comprimé, n'a de mouvement qu'entre les sabres de deux
gendarmes, de parole qu'entre les oreilles de deux espions ».
Dans cette lutte gigantesque, presque apocalyptique, qui oppose la liberté et l'ab
solutisme, « les peuples », ce sont, par exemple, les Belges qui obtinrent leur indé
pendance en 1830, les Polonais, révoltés contre le tzar Nicolas 1er en novembre
1830 et torturés par les Russes après la chute de Varsovie, en septembre 1831, les
Irlandais, martyrisés par les Anglais, donc visiblement « les nations », et c'est d'ail
leurs ce premier sens que donne Lamennais au mot peuple lorsqu'il en essaie une
définition dans le chapitre II du Passé et de l'Avenir du peuple : « Au sens le plus
général, le peuple, c'est tout le monde, c'est la collection des individus dont se
compose une nation, une société déterminée »'. ' 52 Louis Le Guillou
La lutte des Polonais, par exemple, avait été à la fois celle d'un peuple tout entier
pour ses libertés politiques, mais aussi un mouvement religieux : à la tête des
paysans armés de faux, des moines, des évêques. Les curés, comme au temps des
croisades, conduisaient leurs paroissiens à l'ennemi et lorsque l'héroïque armée
polonaise eut succombé, universitaires, officiers, séminaristes, tous subirent
l'épreuve épouvantable de la répression : assassinats, déportations, suppression de
toutes les libertés.
On peut donc dire qu'en Pologne, comme en Irlande, comme en Italie, comme en
France, il y a, d'un côté, la domination arbitraire des rois, tantôt déclarée, tantôt
hypocritement voilée, de l'autre la souffrance des peuples, assoiffés de liberté et de
justice, mais opprimés sous le plus pur despotisme. En 1832 et 1833, Lamennais,
remarquons-le, ne parle pas en général « du peuple » au singulier, mais presque
toujours « des peuples ». Ainsi, le 7 octobre 1832, à Vilain XIIII : « Le pape déclare
que dans la guerre qui existe partout entre les peuples et les rois, il se range du
côté des rois ; il associe la cause de l'Eglise à celle de tous les despotismes euro
péens ; il notifie aux peuples que, pour être libres, il faut qu'ils cessent d'être catho
liques »2.
Au même, le 24 décembre 1832 : « On est saisi d'un profond étonnement, lors-
qu'après dix-huit siècles de christianisme, on entend des voix qui disent aux
peuples : Apprenez que vous n'avez aucuns droits sur la terre, que vous devez
porter éternellement le joug et courber le front sous la force brutale, sans règle et
sans frein, qui viole contre vous tout ce qui peut être conçu sous le nom de loi et
vous commande de renier le Christ ».3
A Montalembert, le 12 février 1833 : « La hiérarchie veut obstinément tout ce
que les peuples ne veulent pas et repousse obstinément tout ce que veulent les
peuples »Л
Ou encore dans les Paroles d'un croyant, en mai 1834 : « Le murmure confus et
le mouvement intérieur des peuples en émoi sont le signe précurseur de la tempête
qui passera bientôt sur les nations tremblantes.
« Tenez-vous prêts, car les temps approchent.
« En ce jour-là, il y aura de grandes terreurs, et des cris tels qu'on n'en a point
entendus depuis les jours du déluge.
« Les rois hurleront sur leurs trônes : ils chercheront à retenir avec leur deux
mains leurs couronnes emportées par les vents et ils seront balayés avec elle »5.
Miné à la base, le pouvoir absolutiste s'écroulera donc et lui sera substituée la
fraternité entre les peuples. Libération et fraternité des peuples sont deux notions
étroitement liées dans l'esprit de Lamennais, la solidarité favorisant la libération et
la libération entraînant la fraternité dans la paix. A mesure que les peuples exerce
ront plus librement leur souveraineté, les causes générales des guerres disparaî
tront : qui pourrait troubler la paix, lorsque ne seront plus possibles ni les guerres
de conquête, ni les guerres de succession, ni les guerres commerciales ? Pourquoi
ne pas espérer, d'ailleurs, un jour -l'instauration d'une justice supra-nationale,
capable de garantir la paix, comme il l'écrit dans ses Discussions critiques : « S'il
existait entre les peuples des tribunaux dont les sentences eussent une sanction
suffisante, comme il en existe entre les individus, on verrait peu à peu changer l'op
inion en ce qui touche la guerre ; elle inspirerait la même horreur que tout autre
genre de meurtre parce qu'elle ne serait plus, en effet, que le meurtre pur et simple.
Les développements futurs de la civilisation amèneront-ils une institution semblabl
e ? Je le crois et ce temps ne me paraît pas même extrêmement éloigné Dieu et peuple chez Lammenais 53
pour les nations chrétiennes. Mais auparavant, il faudra que tous les vieux gouver
nements de famille et de caste disparaissent avec le droit qui leur sert de base ».
Il ne faudrait pourtant pas s'imaginer pour autant que Lamennais, avant 1834 et
surtout 1835, période de la maturation de ses idées, se cantonne dans des abstrac
tions (encore que « les peuples-nations » soient loin d'être des abstractions !) et
ignore l'autre sens du mot peuple. Dans l'article déjà cité du Passé et de l'Avenir du
peuple, il continuait d'ailleurs : « Plus tard, parmi les chrétiens même et en dehors
du servage, reste modifié de l'esclavage antique, la société se partagea également en
deux classes distinctes, l'une investie de droits obstinément refusés à l'autre, l'une
dominante et l'autre dominée, l'une généralement riche et l'autre généralement
pauvre, et cette dernière reçut particulièrement le nom de peuple. Cette dénominat
ion s'est perpétuée jusqu'à nos jours avec la distinction qu'elle exprime, et c'est en
ce sens que nous employons le mot peuple dans cet écrit. Il y désigne la classe pol
itiquement esclave en opposition avec la classe politiquement libre »6.
Ainsi cette fois, le peuple, c'est la plèbe ;

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