Divine surprise ou éternels regrets ?! La vacuité de la doctrine juridique du service public  - article ; n°1 ; vol.32, pg 11-23
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Sociétés contemporaines - Année 1998 - Volume 32 - Numéro 1 - Pages 11-23
RÉSUMÉ: Le rapport remis au Premier ministre, en 1996, par M. Renaud Denoix de Saint Marc, vice-président du Conseil d’État, expose une «doctrine du service public». En souligner la vacuité, c’est dire qu’elle ne donne pas de réponse précise, définitive, aux questions concernant les services publics. Avec elle tout ou presque est possible, rien n’est jamais définitivement acquis parce que tout est d’abord affaire de choix politique. Il en a toujours été ainsi. Telle qu’elle a été conçue au début du siècle, à l’occasion d’interrogations sur la compétence des juridictions administratives et judiciaires, cette «doctrine» n’a jamais fait pour l’essentiel que fixer un cadre de raisonnement, une logique dont on peut se demander si elle est vraiment différente de celle du droit communautaire.
PATRICE CHRÉTIEN
Divine surprise or everlasting sorrow? The vacuity of the juridical doctrine of public service
The report given to the Prime Minister in 1996 by Renaud Denoix de Saint Marc, the Council of State’s Vice President, sets out a «public service doctrine». To outline its vacuity i. e. that it doesn’t give an accurate and definitive answer to the issues regarding the public services. Almost everything is possible, nothing is definitely acquired because everything is a matter of political choice. It has always been so. In the terms in which it was imagined at the beginning of the century, during discussions about the competence of civil and administrative juridictions, this doctrine has only established a line of argument, a reasoning of which one may today wonder if it is really different from Community Law.
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Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 20
Langue Français

Extrait

      P A T R I C E C H R E T I E N        
DIVINE SURPRISE OU ETERNELS REGRETS ? ! LA VACUITE DE LA DOCTRINE JURIDIQUE DU SERVICE PUBLIC
RÉSUMÉ :  Le rapport remis au Premier ministre, en 1996, par M. Renaud Denoix de Saint Marc, vice-président du Conseil d’État, expose une « doctrine du service public . En souli-gner la vacuité, c’est dire qu’elle ne donne pas de réponse précise, définitive, aux questions concernant les services publics. Avec elle tout ou presque est possible, rien n’est jamais défi-nitivement acquis parce que tout est d’abord affaire de choix politique. Il en a toujours été ainsi. Telle qu’elle a été conçue au début du siècle, à l’occasion d’interrogations sur la com-pétence des juridictions administratives et judiciaires, cette « doctrine  n’a jamais fait pour l’essentiel que fixer un cadre de raisonnement, une logique dont on peut se demander si elle est vraiment différente de celle du droit communautaire.  En juillet 1995, le Premier ministre Alain Juppé a confié au ministre du Déve-loppement économique et du Plan une « mission d’approfondissement de la notion de services publics à la française . Tout en reconnaissant le bien-fondé du proces-sus de déréglementation engagé au niveau européen comme au niveau mondial, il souhaitait l’élaboration d’un « corps de doctrine qui précise les conditions indispen-sables à la mise en œuvre des services publics tels que la France les conçoit et qui propose des pistes acceptables par nos partenaires européens... .  partir de sep-tembre 1995, ce travail a été poursuivi sous la direction de M. Renaud Denoix de Saint Marc, Vice-président du Conseil d’État, lequel a remis son rapport en 1996. Entre-temps, lors des grèves de la fin 1995, à un moment où il ne savait appa-remment plus que faire ou dire, le Premier ministre avait lancé l’idée d’une inscrip-tion dans la Constitution de l’existence d’un « service public à la française . Bonne idée mûrement réfléchie ou propos destiné à rester sans lendemain ? Il a suffi d’un bref article du Doyen Georges Vedel, dans le journal Le Monde  du 22 décembre 1995, pour qu’une réponse d’emblée s’impose. « Service public “à la française” ? Oui. Mais lequel ? , demandait tout simplement l’éminent professeur et ancien membre du Conseil constitutionnel, avant de montrer en quelques lignes que la « construction française du service public , « en droit simple et rigoureuse , n’était pas forcément celle qui inspirait « certains syndicats et ceux qui les suivent . « Peut-être un silence serait-il sage , concluait-il non sans avoir relevé que le résul-tat escompté – l’inscription dans la Constitution – est « virtuellement acquis par la jurisprudence du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel qui en a déduit à peu Sociétés Contemporaines (1998) n° 32 (p. 11-23)   11  
P A T R I C E C H R E T I E N                 près tous les corollaires . Il n’y eut pas de suite. Tout au plus a-t-on pu voir M. Jean-Pierre Chevènement et ses amis présenter, en janvier 1996, une proposition de loi constitutionnelle incluant la création d’un nouveau titre XIII de la Constitution intitulé « Des services publics . L’ensemble tendait « à préserver la souveraineté nationale, à conforter le service public et à assurer le contrôle démocratique de la construction européenne . L’épisode reste au moins révélateur d’une certaine croyance en la possibilité de mettre en avant quelque construction réelle ou supposée du service public pour faire face à des évolutions jugées par ailleurs inéluctables. La croyance était d’autant plus répandue que les plus fervents partisans de ces évolutions n’hésitaient pas, de leur côté, à considérer le droit comme un obstacle, un « verrou de la modernisation  (Voir Caillosse, 1992). Il convenait de défendre ce qui semblait menacé. Le rapport remis au Premier ministre par M. Renaud Denoix de Saint Marc, en exposant ce qu’il estime être « la doctrine juridique du service public , a montré qu’il n’y avait pas vraiment à en craindre les rigidités. Par là même, il a rappelé qu’il ne fallait surtout pas trop en attendre. Assurément simple et rigoureuse, elle n’a ni les vices ni les vertus qui ont pu lui être prêtés. De fait, depuis 1996, les réformes se sont multipliées sans trop de problèmes et la recherche d’une concordance entre conception française et européenne a beau-coup progressé. De nombreuses questions demeurent sans réponse assurée, mais les termes des débats de ces dernières années paraissent circonscrits 1 . Divine surprise pour qui n’a toujours vu dans le droit qu’un carcan, un obstacle à la modernisation des services publics ? Éternels regrets de ceux qui espéraient y trouver des garanties, un espoir de préserver des situations acquises ? Les deux, sans doute. Souligner la vacuité de la doctrine juridique en question, c’est dire d’emblée qu’avec elle, aujourd’hui comme hier, tout ou presque est possible et que rien n’est jamais définitivement acquis. Encore faut-il s’entendre sur les termes. Pourquoi s’en tenir à une « doctrine  ? Et de quoi s’agit-il ? Après quelques éléments de réponse (I), un retour aux sources, aux origines de cette doctrine, tout en confirmant sa vacuité, mettra en évidence un certain ordre du discours (II). Qu’elle n’ait pas de contenu précis ne l’empêche pas, en effet, de donner un cadre de raisonnement, de tendre à imposer une logique dont on peut, en définitive, se demander si elle est vraiment différente de celle du droit communautaire.  I. En matière de service public, il n’est pas courant d’envisager d’abord une « doctrine . Si l’on s’accorde à considérer non sans raisons qu’il y a là une produc-tion de la pensée juridique, une « catégorie  dont il faut connaître l’origine et l’évo-lution, l’on se trouve toujours vite, en réalité, face à un discours difficile à cerner. Le flou entretient l’incertitude, les malentendus. Les juristes certes sont sollicités. Ils  1. Voir, dans ce même numéro, l'article de Sandrine Garceries. Tout en s'interrogeant sur l'impact du droit communautaire, elle précise ce qu'il en est de la notion juridique de service public et fait le point sur les questions toujours pendantes.
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          D O C T R I N E J U R I D I Q U E D U S E R V I C E P U B L I C l’ont été tout particulièrement depuis quelques années. On leur a demandé des ré-ponses ou, à tout le moins, des explications. Ils se sont prêtés au jeu et, diserts, nom-bre d’entre eux se sont fait forts d’observer qu’il s’agit d’une « notion juridique forte  (Stirn, 1993). Il n’est pas douteux qu’ils avaient et qu’ils ont encore beau-coup à dire, ce dont témoignent les revues des « administrativistes  : l’ Actualité Ju-ridique, Droit Administratif a publié son numéro spécial annuel de 1997 sous le titre « Le service public. Unité et diversité  (20 articles) ; quant à la Revue française de droit administratif , elle ajoutait à sa livraison de mai-juin 1997 un supplément contenant des actes d’un colloque relatif à « la gestion déléguée du service public  (15 communications).  l’occasion, quelques observateurs étrangers n’ont pas man-qué de surenchérir. « La notion de service public, écrit par exemple le juriste univer-sitaire britannique John Bell (A.J.D.A., n° spécial 1997, p. 130), est une conception originale du droit français . Elle joue, si l’on en croit sa collègue espagnole Elisen-da Malaret Garcia ( Ibid ., p. 136), un « rôle constructif caractéristique du système juridique français . Au détour de « quelques regards sur une évolution  ( Ibid ., p. 8), Jacques Chevallier – auteur, par ailleurs, d’un Que sais-je ? sur le service pu-blic – a pu relever qu’« en constatant que “les Français sont profondément attachés à l’idée de service public et lui accordent une place essentielle dans leurs représenta-tions collectives”, le rapport de Renaud Denoix de Saint Marc ( Le service public , La Documentation française, 1996, p. 13) rappelle une vérité d’évidence, admise par tous les analystes  . Voilà qui rassure ! Même s’il est permis de penser que dans l’affaire « les Fran-çais  ont bon dos, que leur attachement à l’idée de service public n’est souvent qu’une figure de style pour ceux qui en parlent... Quoiqu’il en soit, « catégorie , « notion , « idée , « construction  ? Autant de mots, autant d’exposés. Le rapport précité préfère s’en tenir à une « doctrine du service public , doctrine qu’il distin-gue aussitôt des « modalités de l’organisation des  services publics en réseaux . « Doctrine  ? La réponse s’impose d’autant moins que le discours juridique, cela va de soi, n’a rien d’autarcique. Il participe d’un ensemble dans lequel l’expression « service public  apparaît « saturée de significations multiples qui se superposent, s’entrecroisent, renvoient les unes aux autres, et entre lesquelles le glissement est constant  : « notion juridique , mais aussi « entité sociale , « opérateur idéologi-que . Autrement dit, « notion complexe , dans laquelle se mélangent de manière in-discernable, indissociable et indissoluble le réel et le mythe, soudés par le ciment du droit  – « la pièce maîtresse, la véritable clef de voûte de la construction étatique (Chevallier, 1997, p. 4 et 5). De multiples approches sont ainsi possibles et l’on ne saurait semble-t-il sérieusement prétendre isoler en la matière ce qui pourrait être, en admettant qu’elle existe, « la  pensée juridique. Sous cette réserve, l’on peut néanmoins constater que les juristes parlent de pré-férence en terme de « notion . En tant que telle, l’expression « service public  qua-lifie certaines activités qui se voient appliquer un certain régime juridique. Un dou-ble questionnement s’ensuit. Quels sont les critères de qualification ? Quel est le régime juridique ? La perspective, le plus souvent, est contentieuse. Il s’agit de s’interroger, d’une part, sur ce qui permet à un juge de considérer comme service public une activité quelconque lorsque le législateur n’en a pas précisé la nature,
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P A T R I C E C H R E T I E N                 d’autre part, sur les règles applicables notamment en matière de compétence juridic-tionnelle : compétence, en principe, des juridictions administratives pour les services publics administratifs ; compétence, en principe, des juridictions judiciaires pour les services publics industriels et commerciaux. De la notion ainsi appréhendée à la doctrine qu’expose le rapport de Renaud De-noix de Saint Marc, il est facile de constater que la perspective change. Loin d’être indifférente, l’expression retenue marque un pas de côté, lequel, tout en permettant de simplifier et de s’en tenir à l’essentiel, est révélateur de la tension fondamentale qui a toujours été au cœur du discours juridique. C’est ce qui fait son intérêt, même s’il en ressort surtout qu’il ne faut pas trop attendre de la supposée production de la pensée juridique. Elle n’a décidément que peu à dire sur les politiques publiques possibles en matière de « services publics  en Europe. Que l’on en juge ! L’essentiel de la doctrine en question (p. 51) tient en deux af-firmations. D’abord, il est supposé qu’« à l’origine de tout service public se trouve un besoin reconnu par la collectivité, que l’initiative privée ne parvient pas à satis-faire . Ensuite, il est admis que « ce sont les pouvoirs publics qui veillent à (sa) sa-tisfaction . Ce qui signifie qu’il s’agit d’une doctrine accordant « une place centrale aux pouvoirs publics nationaux et locaux  (p. 25) : « Ce sont eux qui décident qu’une activité a le caractère de service public... eux qui décident d’en réglementer les conditions d’exécution... eux, enfin, qui contrôlent cette exécution . Quelques grands principes s’imposent bien pour la fourniture du service : continuité, égalité, adaptabilité ; mais aussi neutralité, transparence, ou (pour les services publics orga-nisés sous la forme d’un établissement public) spécialité. Il n’empêche que l’ensemble se veut « très plastique . Rien ne saurait entraver « l’adaptation de l’organisation des services publics à toutes sortes de changements dans la technique, l’économie et la société . Outre les principes habituellement considérés comme caractéristiques du service public, ce sont ainsi deux autres grands principes qui paraissent inhérents à ce qui est surtout une doctrine de l’intervention publique : le principe de subsidiarité (l’intervention n’a lieu qu’en cas de carence de l’initiative privée) et le principe de proportionnalité (l’organisation et le régime de cette intervention dépendent et va-rient en fonction de l’objectif visé). Quant à l’expression « service public , elle vient s’ajouter pour désigner, regrouper sous un vocable unique, les missions à ac-complir. Ce qu’il faut faire pour répondre aux besoins reconnus par la collectivité – « Il est plus pertinent de parler de mission de service public que de service public dans l’absolu  (p. 53). De là, par extension, elle qualifie aussi les activités elles-mêmes. Ce qui est fait dans des conditions déterminées en fonction des finalités. La notion, on le devine, n’est pas loin : des activités sont qualifiées de service public, qui ont à ce titre un régime juridique spécifique. Malgré tout, la perspective adoptée permet d’esquiver les questions habituellement posées à son propos. Pas de côté, par conséquent. L’accent est mis sur la décision des pouvoirs publics : eux seuls sont véritablement maîtres du jeu, ce qui dispense en quelque sorte le techni-cien du droit d’avoir à préciser une notion qui toujours est apparue quelque peu in-
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          D O C T R I N E J U R I D I Q U E D U S E R V I C E P U B L I C saisissable. Vacuité donc de la doctrine. Il n’y a jamais que des choix politiques à faire. Pas étonnant, dans ces conditions, que le discours tourne court. S’agit-il d’une doctrine compatible avec le cadre communautaire ? Là où le rapport de Renaud De-noix de Saint Marc l’affirme, ne voyant semble-t-il pas bien où pourrait être le pro-blème, beaucoup ont pensé, et c’est un euphémisme, qu’il affiche un « optimisme peut-être trop serein  (Truchet, A.J.D.A., n° spécial 1997, p. 38). Et pourtant ! Sa doctrine est telle que l’on perçoit mal avec quoi elle pourrait ne pas être compatible. Certes, le même rapport ne renonce pas complètement à souligner que le droit fixe un cadre pour l’intervention. Avec la subsidiarité et la proportionnalité de celle-ci, il relève qu’elle a lieu « en fonction notamment de (la contribution de l’activité) à l’ interdépendance sociale, selon le mot du juriste Léon Duguit  (p. 25). Par ailleurs, il n’hésite pas à répertorier ses finalités et à les classer en différentes catégories. D’une part donc, l’affirmation de la primauté du choix politique. D’autre part, une évocation de ce que doit être la décision. Deux pôles entre lesquels le discours juridique n’a cessé d’osciller, trouvant au début du siècle ses figures emblémati-ques : Léon Duguit, d’un côté, et, pour lui faire face, Gaston Jèze. Le premier, préci-sément, se refusait à faire du droit une pure création de l’État : « ...dans tout do-maine social, le juriste manque à sa mission s’il n’indique pas au législateur quel est le droit, s’il ne détermine pas le donné social c’est-à-dire la norme juridique que le législateur ne fait que constater et mettre en œuvre…  s’il s’abstient, par consé-quent, de « déterminer théoriquement ce qui est matière de service public  (Duguit, 1923, p. 67). Vaine prétention n’a cessé de répliquer Jèze.  quoi bon répéter que le service public est toute activité dont l’accomplissement doit être assuré, réglé et contrôlé par les gouvernants parce que l’accomplissement de cette activité est indis-pensable à la réalisation, au développement de l’interdépendance sociale ? Est-ce là un critère pour un juge ayant à rechercher s’il y a service public ? Seule serait à considérer l’intention des gouvernants, étant entendu que sont uniquement, exclusi-vement services publics les besoins d’intérêt général que les gouvernants dans un pays donné et à une époque donnée ont décidé de satisfaire par le procédé du service public – procédé dont Jèze imagine mal qu’il ne soit pas de droit public, exorbitant du droit commun (Vénézia, 1991). Il est clair que réaffirmer aujourd’hui, à la manière d’un Jèze, la place centrale qu’accorde la doctrine du service public aux pouvoirs publics, tout en citant aussitôt Duguit, c’est dans une certaine mesure réduire celui-ci à « faire tapisserie , citer son nom dans un discours reposant sur ce que toute son œuvre a prétendu dénoncer (Voir Pisier- Kouchner, 1972). Image choc dont on sait qu’elle ne renvoie plus à rien de très précis. En a-t-il d’ailleurs jamais été autrement ? La détermination de l’intérêt général ne relève-t-elle pas des autorités issues du suffrage politique ? Que le service public ait pu être une notion première de certaines théories du droit et de l’État qui se sont efforcées d’en déterminer l’essence ne suffit pas à en faire « cette poutre maîtresse, cette clef de voûte de la construction étatique  dont parle Jacques Chevallier (A.J.D.A., n° spécial 1997, p. 8). Difficile aussi, même si ces théories sont systématiquement citées, d’admettre sans nuances que « tous les travaux récents
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P A T R I C E C H R E T I E N                 sont caractéristiques d’un retour à l’œuvre fondatrice (de Duguit)  (Hubrecht, 1997, p. 163).  II. Les enseignements de l’histoire sont en la matière paradoxaux. D’abord, l’essentiel de ce que l’on dit être la doctrine du service public se dégage indépen-damment de toute véritable réflexion sur le « service public . Et, quand apparaît effectivement une notion matérielle de service public, c’est-à-dire quand on définit celui-ci à partir de la nature de l’activité, ce n’est jamais qu’au travers de subtiles discussions concernant la nature administrative ou judiciaire des règles de droit ap-plicables – « L’idée de service public ne s’est réellement imposée que lorsqu’elle a servi de possible critère de compétence, phénomène qui par nature n’a aucun lien nécessaire et univoque avec le degré de l’avancement des interventions de l’État  (Bienvenu, 1986, p. 96). Si l’on peut donc admettre que « c’est au début du siècle qu’est élaborée la doctrine du service public  (Rapport de Renaud Denoix de Saint Marc, 1996, p. 25), il est tout aussi évident qu’alors, pour le juriste, « la conception traditionnelle du service public est moins née d’une réflexion approfondie sur la no-tion elle-même que de la recherche d’une solution à un problème pratique : la déli-mitation des compétences respectives des juridictions administratives et judiciaires (Rivero, 1994, p. 375). Naissance indirecte, par conséquent.  l’occasion d’une ré-flexion dont elle n’était pas l’objet principal. Sans qu’il ne soit à proprement parler question de ce que l’on peut aujourd’hui nommer une « doctrine du service public . En construisant malgré tout une logique qui, par la suite, a pu déterminer l’ordre de tout le discours juridique contemporain, lequel, tout en l’approfondissant, l’a sûre-ment souvent perdue de vue, occultée, mais n’en est jamais vraiment sorti. Puisqu’il s’agit de contentieux, dès lors que les juristes ne cessent de relire et ré-interpréter quelques grands arrêts du Tribunal des conflits ou du Conseil d’État as-sortis des conclusions rendues chaque fois par les commissaires du gouvernement chargés de proposer une solution, rien ne vaut un peu de casuistique pour s’en convaincre ! Trois cas, parmi les plus célèbres, méritent un détour : l’accident d’Agnès Blanco renversée par un wagonnet d’une manufacture des tabacs – T.C., 1873, Blanco, concl. David ; les déboires du chasseur de vipère Terrier qui ne par-vient pas à obtenir les primes promises par un département – C.E., 1903, Terrier, concl. Romieu ; le naufrage du bac d’Eloka sur le littoral de la Côte d’Ivoire – T.C., 1921, Société commerciale de l’Ouest africain, concl. Matter (arrêts reproduits avec toutes références et commentés dans G.A.J.A., 1996). Par-delà l’anecdote, l’on y trouve déjà cette « doctrine de l’intervention  qui, sans être encore tout à fait « doctrine du service public , en contient tous les ingré-dients. Se dégage aussi une classification des activités des personnes publiques. Por-teuse d’une notion matérielle de service public, elle a pu logiquement servir de base à la construction, qui reste essentielle, de la notion de service public industriel et commercial. 1) Dans le premier cas, bien avant la période réputée être celle de l’élaboration de la doctrine du service public, il y avait à déterminer si l’action en dommages-intérêts contre l’État, comme responsable des fautes commises par les ouvriers de la
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          D O C T R I N E J U R I D I Q U E D U S E R V I C E P U B L I C manufacture des tabacs, relève de la compétence administrative ou judiciaire. Pour justifier la compétence administrative, le Tribunal, dans une des motivations les plus célèbres qui soient, considère que « la responsabilité, qui peut incomber à l’État pour les dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu’il emploie dans le service public, ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le code civil, pour les rapports de particulier à particulier . Il précise encore que « cette responsabilité n’est ni générale, ni absolue ; qu’elle a ses règles spéciales qui varient suivant les besoins du service et la nécessité de concilier les droits de l’État avec les droits privés .  lire les conclusions du commissaire du gouvernement David, il est évident que « service public  doit être ici entendu dans un sens organique. L’expression est sy-nonyme de « service administratif  et ne retient pas particulièrement l’attention. Il s’agit moins de savoir s’il y a ou non un service public que d’affirmer la compétence de la juridiction administrative pour connaître des litiges concernant les services pu-blics. On ne s’étonnera pas, de ce fait, de ne pas trouver la moindre réflexion sur le rôle de l’État, ce que doivent être ou ne pas être ses interventions. Là n’est pas la question. Par définition, dès lors qu’il y a une certaine activité administrative, il y a service public. David observe bien qu’une manufacture des tabacs « a une grande ressemblance avec une industrie privée . Mais c’est pour ajouter aussitôt qu’il n’y en a pas moins là un de ces services publics dont « l’ensemble constitue notre sys-tème financier  et qui tous « sont des branches de l’administration . S’il est une limite – révélatrice néanmoins à elle seule d’une conception très par-ticulière de l’État – elle tient dans le fait que l’État peut ne pas être mis en cause « en tant que personne publique  : il peut l’être « comme propriétaire, comme personne civile capable de s’obliger par des contrats dans les termes du droit commun . Au-trement dit, à la manière de Portalis et du discours préliminaire du Code civil de 1804 : « Au citoyen appartient la propriété, au souverain l’empire . De l’État-administrateur se distingue l’État-propriétaire (Quiot, 1996). D’un côté, l’État agit dans l’intérêt général, il est administrateur, puissance publique – il ne saurait être propriétaire, pas même de ce domaine public dont on dit alors logiquement qu’il n’a que la « garde . De l’autre côté, l’État agit pour la satisfaction de ses intérêts privés de propriétaire, il est une personne civile qui gère un domaine privé, « à peu près comme les particuliers . En conséquence, bien qu’il ne soit guère possible de défi-nir l’intérêt général, il est au moins acquis qu’il se distingue de l’intérêt privé du propriétaire. C’est, par principe, ce à quoi tend tout service public. Pour le reste, c’est surtout à raison de ce qu’il rappelle concernant le mode de gestion des services publics (ou administratifs) que l’arrêt Blanco continue de faire référence. D’une part, il confirme ce qu’écrivait déjà au XVII e siècle Cardin le Bret, dans son Traité de la souveraineté (1632) : « Le prince n’est point obligé par les lois civiles . D’autre part, il précise que les règles varient selon les besoins du service. Besoins donc qui fondent le pouvoir, le légitiment, mais aussi le limitent. Il n’y a pas de raison d’aller au-delà de ce qui est strictement nécessaire – Duguit et après lui l’École dite du service public n’ont fait, à cet égard, on le voit, que reprendre à leur
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P A T R I C E C H R E T I E N                 compte une logique qu’à son tour, en 1996, le rapport de Renaud Denoix de Saint Marc place au cœur de la doctrine du service public.  2) Au départ de l’affaire Terrier, l’on trouve la décision d’un Conseil général d’allouer une prime à tout individu justifiant avoir détruit une vipère. Terrier se plaint de ne pas avoir obtenu du département le paiement correspondant au nombre de vipères qu’il a tuées. Compétence administrative ou judiciaire ? « ...du refus du préfet d’admettre la réclamation, répond laconiquement l’arrêt, il est né un litige dont il appartient au Conseil d’État de connaître . S’il n’est pas expressément question de « service public , il est au moins clair que « cet arrêt parachève l’unification du contentieux des collectivités locales avec celui de l’État  (G.A.J.A., p. 68). Il admet pour le département une compétence dé-jà admise pour l’État. La raison en est simple. Selon le commissaire du gouverne-ment Romieu, ce qui vaut pour les services de l’État vaut pour ceux des départe-ments, des communes et des établissements publics, lesquels se trouvent ainsi reconnus comme des « services publics  à part entière : « qu’il s’agisse des intérêts nationaux ou des intérêts locaux, du moment où l’on est en présence de besoins col-lectifs auxquels les personnes publiques sont tenues de pourvoir, la gestion de ces intérêts ne saurait être considérée comme gouvernée nécessairement par les prin-cipes du droit civil qui régissent les intérêts privés ; elle a, au contraire, par elle-même, un caractère public ; elle constitue une branche de l’administration publique en général... . « ... Ne saurait être...nécessairement . Romieu ne dit plus « ne peut être . Il ne raisonne pas comme le faisait David, trente ans plus tôt : — D’abord, il considère les « personnes publiques  que sont l’État, les dépar-tements, communes et établissements publics, sans chercher à opposer la puissance publique à un État simple personne civile. — Ensuite, après avoir admis qu’il y a en principe compétence administrative « pour la gestion des intérêts collectifs par les personnes publiques de toute nature , il réserve, en des termes dont on dit qu’ils « restent encore en grande partie valables aujourd’hui  (G.A.J.A., p. 69), « les circonstances où l’administration doit être ré-putée agir dans les mêmes conditions qu’un simple particulier et se trouve soumise aux mêmes règles comme aux mêmes juridictions . Distinction donc d’une « gestion publique  et d’une « gestion privée , dont il est précisé qu’elle peut se faire « soit à raison de la nature du service qui est en cause, soit à raison de l’acte qu’il s’agit d’apprécier . C’est là l’autre raison de la notoriété de l’arrêt. La première hypothèse est celle où le service concerne la gestion du domaine privé : « on considère, dans ce cas, que la personne publique agit comme une personne privée, comme un propriétaire ordi-naire... . La seconde hypothèse, qui a surtout retenu l’attention, est celle où l’administration « tout en agissant, non comme personne privée, mais comme per-sonne publique, dans l’intérêt d’un service public proprement dit, n’invoque pas le bénéfice de sa situation de personne publique, et se place volontairement dans les conditions d’un particulier, – soit en passant un de ces contrats de droit commun,
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          D O C T R I N E J U R I D I Q U E D U S E R V I C E P U B L I C d’un type nettement déterminé par le Code civil...soit en effectuant une de ces opéra-tions courantes que les particuliers font journellement, qui supposent des rapports contractuels de droit commun... . C’est alors affaire de choix. S’il y a normalement gestion publique des services publics, une gestion privée est possible. Il est à noter que, s’il y a transformation de la conception de l’État, la propriété, l’action « comme un propriétaire ordinaire , reste ce qu’elle était au XIX e  siècle. Pour la personne publique de Romieu, tout comme auparavant pour l’État – per-sonne civile de David, la seule véritable frontière de l’intérêt général est l’intérêt privé du propriétaire. Aujourd’hui encore, gérer un domaine privé n’est pas assurer une activité de service public et cela ne peut que relever en principe du droit privé. Par suite, c’est toujours hors d’une propriété en principe privée qu’il peut y avoir choix du mode de gestion. Choix qui pouvait sembler inconcevable, en 1873, à Da-vid, mais qui, somme toute, tout en permettant d’assimiler le développement de l’intervention publique, participe de la même logique. Les règles applicables varient selon les besoins du service. Alors, si rien ne l’impose, pourquoi s’en tenir à des rè-gles exorbitantes du droit commun ? L’on ne fait jamais que confirmer la place cen-trale accordée aux pouvoirs publics pour créer et organiser des services publics (ou administratifs). Reste, pour le juge, à décider au cas par cas de ce qu’il en est exactement. Ce n’est simple qu’en apparence et l’affaire Terrier le montre. Il y avait une décision initiale du département d’allouer une prime, le refus opposé à Terrier par le préfet et la demande (au juge) tendant à faire condamner le département. Comment détermi-ner s’il y a gestion publique ou privée du département ? Romieu ne semble certes pas hésiter. Quand il en revient à l’espèce, il commence par affirmer que « nous nous trouvons bien en présence d’une opération administrative, et non d’un contrat de droit civil . Il ajoute : « La destruction des animaux nuisibles dans le départe-ment, quand elle est entreprise par un conseil général, est faite dans l’intérêt de la collectivité des habitants, et semble bien avoir le caractère d’un véritable service pu-blic...  ; « un véritable service public, répète plus loin Romieu, une opération d’intérêt général, qui a pu, à un moment donné, être considérée comme obligatoire pour les corps locaux, et qui, dès lors, a, au plus haut degré, le caractère administra-tif ; c’est un service public, pour lequel le conseil général aurait pu créer des agents spéciaux, tandis qu’il a préféré procéder par voie de primes offertes aux particuliers ; le but, le sens, les modalités des accords intervenus entre le département et les ci-toyens qu’il a appelés à concourir à ce service d’utilité collective, ne peuvent être appréciés que par l’autorité administrative . Pareilles affirmations, en forme d’évidence, qui ne paraissent pas souffrir la contestation, ne font en réalité guère application des principes précédemment posés. En considérant l’objectif visé, c’est-à-dire l’intérêt général auquel répond l’opéra-tion, Romieu établit l’existence d’un « véritable service public . De ce service pu-blic, il déduit la compétence administrative. Et il est permis de se demander si en cas de gestion privée il serait encore vraiment possible de parler de service public. Alors qu’il devrait seulement s’agir de savoir s’il y a compétence administrative ou judi-ciaire en matière de service public (au sens organique), l’on en vient peu ou prou à se demander s’il y a ou non service public (au sens fonctionnel) en dépit des prin-
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P A T R I C E C H R E T I E N                 cipes affichés, dès lors qu’il y a activité de service public, on imagine mal encore qu’il n’y ait pas application du droit administratif et compétence de la juridiction administrative. Il n’y a pas vraiment le choix. C’est ce que confirme un arrêt Thérond de 1910 (G.A.J.A., 1976). La ville de Montpellier ayant concédé la capture et la mise en fourrière des chiens errants et l’enlèvement des bêtes mortes, le Conseil d’État y relève qu’elle « a agi en vue de l’hygiène et de la sécurité de la population et a eu, dès lors, pour but d’assurer un service public . Du seul constat de ce « service public , se déduit la compétence administrative. Cela n’a pas empêché – notamment après des conclusions de Léon Blum sur un arrêt Société des granits porphyroïdes des Vosges de 1912 (G.A.J.A., 1976) – l’idée de gestion privée du service public de faire son chemin. Mais l’on a pu encore se demander s’il ne fallait pas tout simplement distinguer parmi les activi-tés des personnes publiques celles qui sont ou non qualifiables de « service public .  3) Dans l’affaire du bac d’Eloka réputée être à l’origine d’une notion dite de « service public industriel et commercial , il n’est ainsi pas question de « service public  : la compétence est judiciaire au motif que « la colonie de la Côte d’Ivoire exploite un service dans les mêmes conditions qu’un industriel ordinaire . Les conclusions du commissaire du gouvernement Matter, après avoir précisé ce qu’il faut entendre par « service public  – « Une organisation gérée par un organe de l’administration publique, en vue de l’accomplissement de la fonction administra-tive de l’État  – distinguent deux sortes de services : ceux qui sont « de l’essence même de l’État ou de l’administration publique  et ceux qui sont « de nature pri-vée .  propos de ces derniers, il ajoute que « s’ils sont entrepris par l’État, ce n’est qu’occasionnellement, accidentellement, parce que nul particulier ne s’en est chargé, et qu’il importe de les assurer dans un intérêt général . Tel est précisément, conclut-il, le cas en l’espèce : « La colonie... a, dans un but des plus louables, établi et géré un bac. Elle l’a fait dans un intérêt général, mais comme tout particulier eût pu le faire, et elle l’exploite dans les mêmes conditions juridiques que toute entreprise in-dividuelle . « Services publics  n’est plus alors, au sens organique, synonyme de « services administratifs . Parmi les activités de ces derniers, se distinguent les activités de service public faisant en principe l’objet d’une gestion publique et les activités pri-vées relevant en principe de la gestion privée et assurées pour cause de carence de l’initiative privée – « Service(s) d’intérêt général, souligne Matter, mais non ratta-ché(s) à la fonction nécessaire de l’État ou de ses démembrements . Ce n’est pas encore à proprement parler la « doctrine du service public  : le ser-vice d’intérêt général n’est pas qualifié de service public. Il ne peut l’être parce que l’on tend à associer service public et gestion publique, régime exorbitant du droit commun. La « réintégration  dans un service public ne désignant désormais que des activités, et donc « l’invention  de la notion de service public industriel et commer-cial s’expliquent assurément par les développements de l’État providence. Sans y revenir ici, il est au moins possible de remarquer que les juristes s’y sont d’autant mieux adaptés qu’il leur a suffit de déployer une logique inhérente à l’ordre de leur
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          D O C T R I N E J U R I D I Q U E D U S E R V I C E P U B L I C discours : si les particuliers ne se chargent pas d’une activité, c’est qu’ils n’y trou-vent pas leur compte, que l’activité ne peut être viable dans les seules conditions du droit commun ; grâce à la personne publique, elle sera assurée, imposée par des pro-cédés et avec des exigences qui sont ceux du droit public et peuvent justifier alors le qualificatif de « service public . Dans cette perspective, il est aussi facile d’admet-tre que la même activité soit assurée par une personne privée dès lors qu’elle agit dans les mêmes conditions et sous le contrôle des pouvoirs publics. L’admettre aussi pour des services en principe administratifs peut certes sembler plus délicat quand on sait qu’ils sont « par essence  d’ordre administratif mais ce n’est nullement et cela, on le sait, n’a pas été – insurmontable. Il n’a pas été besoin pour tirer toutes ces conséquences d’un nouveau change-ment de la conception de l’État. Bien au contraire, le processus semble finalement surtout s’inscrire dans la plus pure tradition centralisatrice, celle qui conduit, sans vraiment toujours s’en rendre compte et en n’hésitant pas le cas échéant à manifester des velléités décentralisatrices, a toujours prétendre tout ramener à l’unité : «  l’évidence, le droit administratif français s’est construit autour d’une notion fédéra-trice (de service public) apparue comme seule susceptible de justifier et d’unifier les règles spécifiques applicables à l’administration garante de l’intérêt général  (Bel-loubet-Frier, 1994, p. 271). L’on ne saurait mieux dire.  le répéter encore, la doc-trine du service public n’est peut-être à sa manière qu’un nouvel éloge de la centrali-sation !  Évidemment, il ne s’agit que d’une « doctrine . Si elle exprime une logique du discours juridique, elle ne saurait rendre compte de ce qu’a été, en fait, une pratique des pouvoirs publics tributaire d’autres considérations que juridiques. Affirmer que l’intervention suppose la carence de l’initiative privée a pu, par exemple, justifier un contrôle du juge administratif sur la création de services publics (Voir, G.A.J.A., p. 264). Mais, pendant longtemps, s’est-on jamais sérieusement interrogé sur ce qu’il en était des services existants ? N’a-t-on pas plutôt supposé une carence défini-tive, pour imposer le maintien de l’activité comme service public, la transformer en monopole excluant par avance toute initiative privée ? C’est encore une fois ce qui ressort du rapport Denoix de Saint Marc : ont été progressivement mises en place des modalités d’organisation des services publics que l’on a – à tort, selon lui – mé-langées avec la doctrine du service public. Qu’elles qu’en soient les raisons et quoi-que l’on en pense, la représentation d’un ensemble de services publics aux contours bien délimités que l’on ne saurait remettre en cause, sauf à le développer encore plus, n’a effectivement que peu à voir avec la doctrine du service public. Loin d’elle cette idée qu’il ne saurait y avoir de déplacements de frontière entre le marché et les services publics. Si des problèmes s’ensuivent, ils ne sont pas de son fait. Que des opérateurs se présentent dans le domaine des télécommunications et entendent concurrencer le service public institué, elle implique autant que faire se peut un « retrait  de l’intervention publique, accompagné éventuellement d’une régulation... Ce qui se réalise, dit-on, sous la pression du droit communautaire, l’aiguillon des directives, n’en serait-il donc que la mise en œuvre ? Divine surprise ou éternels re-grets ? ! Du moins, peut-on partager le point de vue exprimé par Sandrine Garceries,
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