Drogues et économie dans les pays andins, approches méthodologiques - article ; n°137 ; vol.35, pg 185-204
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Tiers-Monde - Année 1994 - Volume 35 - Numéro 137 - Pages 185-204
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 28
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Pierre Salama
Drogues et économie dans les pays andins, approches
méthodologiques
In: Tiers-Monde. 1994, tome 35 n°137. Après le Sommet de la Terre : Débats sur le développement durable (sous la
direction de Jean Masini). pp. 185-204.
Citer ce document / Cite this document :
Salama Pierre. Drogues et économie dans les pays andins, approches méthodologiques. In: Tiers-Monde. 1994, tome 35
n°137. Après le Sommet de la Terre : Débats sur le développement durable (sous la direction de Jean Masini). pp. 185-204.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1994_num_35_137_4858ET ÉCONOMIE DROGUES
DANS LES PAYS ANDINS,
APPROCHES MÉTHODOLOGIQUES1
par Pierre Salama*
Lorsqu'on étudie l'influence du secteur de l'aéronautique, par
exemple, sur l'ensemble de l'industrie nationale, on dispose de données
statistiques à partir desquelles on peut analyser sa contribution dans la
croissance, la participation de ses exportations nettes dans le solde de la
balance commerciale et enfin, si cette participation est significative, l'i
nfluence que l'apport de devises a sur le taux de change.
Avec la culture et la transformation de produits illicites, ces évalua
tions sont très difficiles à faire. Les données statistiques n'existent pas en
raison de l'aspect illicite sus mentionné. Seules des estimations, pro
duites à la fois de l'observation et de la déduction, peuvent être effec
tuées. Elles sont par nature discutables.
L'étude des effets macroéconomiques, de la production et de la dis
tribution de produits illicites d'une part et, d'autre part, du rapatri
ement d'une fraction de l'argent provenant de la vente de ces produits à
l'extérieur, est importante à entreprendre mais difficile à réaliser. La
croissance soutenue, avec une faible inflation, en Colombie, durant les
années 80, alors que là plupart des pays sombraient à la même époque
dans la désindustrialisation inflationniste, voire hyperinflationniste, doit
probablement beaucoup aux entrées de capitaux provenant de cette pro
duction — distribution de produits illicites. De même, mais d'une
manière très différente, la très forte inflation bolivienne jusqu'en 1985, la
désagrégation économico-sociale et enfin politique du Pérou portent la
marque de cette activité. A l'inverse la reprise de la croissance, même
* Professeur, Paris XIII, gretto-cedi.
1. Une première version de cet article a été présentée aux séminaires « Penser les drogues » de
Bogota (Colombie) et de Rio de Janeiro (Brésil) en avril 1993, organisés sous l'égide de l'Association
Descartes. Je remercie Pierre Kopp et Jacques Valier pour les observations qu'ils m'ont faites et dont
j'ai tenu compte pour la rédaction finale.
Revue Tiers Monde, t. XXXV, n° 137, janvier-mars 1994 186 Pierre Salama
faible, de la Bolivie, sa maîtrise relative de la hausse des prix sont pro
bablement tributaires du rapatriement de l'argent blanchi. Tant d'effets
contraires constituent une énigme et de ce fait un stimulant pour le cher
cheur dans sa quête des relations entre la drogue et la transformation
des structures socio-économiques, voire politiques, d'une société.
L'impact indirect de ces activités sur l'évolution du revenu global est
problématique en raison du caractère illicite de ce produit. S'agit-il d'un
produit procurant une rente, à l'égal de certaines matières premières et
peut-on alors appliquer les analyses en termes d'économie rentière pour
étudier l'évolution du revenu global et les distorsions qu'il connaît en son
sein ? Le mode de détermination des prix, pour des raisons différentes
dans un cas et dans l'autre, incite à ce rapprochement. Le prix d'une
matière première est relativement éloigné de son coût de production et
semble résulter surtout de l'évolution du rapport de force à l'échelle
internationale. Le prix d'un produit illicite dépend bien peu de son coût
de production et beaucoup de l'interdit qui accompagne sa production et
sa distribution. L'écart très important entre le coût de et le
prix à l'exportation, sans parler du prix de détail dans les principales villes
occidentales, semble autoriser ce rapprochement, même si dans un cas il
s'agit d'une ressource non renouvelable et dans l'autre non. Peut-on, dès
lors, appliquer les enseignements des thèses sur l'économie rentière1 pour
apprécier, voire évaluer, l'impact de l'argent tiré de ces activités illicites
sur l'environnement économique, social, voire politique ?
1. Rappelons que les analyses en termes d'économie rentière sont globalement de deux types. Les
premières, connues sous le nom de Dutch Disease, insistent sur les effets d'une entrée soudaine et
importante de devises tirées d'une activité portant sur un produit de rente. Ses effets se manifestent
d'abord sur le taux de change. Toutes choses étant égales par ailleurs, cette injection de devises pro
duit une appréciation de la monnaie nationale. Celle-ci rend plus difficile les exportations et favorise
les importations. D'une manière plus générale, les activités portant sur des produits échangeables
deviennent plus difficiles et la structure productive connaît une distorsion en faveur des activités non
échangeables. L'économie, devenue rentière, tend à être anti-productive. Devenu or maudit, l'or noir
rend de plus en plus obsolète l'appareil de production. Sur ces analyses et modèles on peut se référer
à la présentation complète qu'en fait Abdelkader Sid Ahmed dans Economie de l'industrialisation à
partir des ressources naturelles, Paris, Publisud, 2 tomes, 1989. Pour une première application à l'éc
onomie de la drogue, voir German Fonseca, Economie de la drogue : taille, caractéristiques et impact
économique, dans Tiers Monde, « Drogues et développement », sous la direction de Pierre Salama et
Michel Schiray, puf, n° 131, juillet-septembre 1992.
Les secondes insistent davantage sur les comportements particuliers provoqués par le développe
ment de l'économie rentière : les activités de distribution sont privilégiées au détriment des activités de
production. La raison fondamentale vient de ce que le prix résulte davantage d'un rapport de force
que du coût de production. L'enrichissement vient donc de la capacité à s'inscrire dans le circuit de la
rente plutôt que de celle d'exploiter compétitivement la force de travail. C'est pourquoi les activités de
production, lorsqu'elles ont lieu, servent davantage à légitimer à la fois l'inscription dans le circuit de
la rente en amont et en aval : en amont, en financement d'un grand projet dont la rentabilité est négli
gée, en aval, en distribution de revenus visant à justifier cette activité. C'est pourquoi on observe à et économie dans les pays andins 187 Drogues
Ce sont à ces interrogations que nous tenterons de répondre. Nous
centrerons notre étude sur deux aspects. Le premier traitera des pro
blèmes posés par l'évaluation des entrées de devises provenant de ces
activités illicites, le second des effets macroéconomiques de l'économie
de drogue sur son environnement.
I - UNE ÉVALUATION DIFFICILE
On peut procéder de deux manières différentes pour évaluer l'impor
tance des flux provenant de ces activités illicites. L'une qui va de
l'amont vers l'aval, l'autre de l'aval vers l'amont. Ces deux approches ne
sont pas exclusives. Elles peuvent se compléter et/ou être opposées pour
estimer la pertinence d'une évaluation.
A j De l'amont vers l'aval
Les évaluations sont très discutables. La littérature andine et nord-
américaine est abondante sur ce sujet ; nous ne la reprenons pas ici mais
nous notons toutefois les problèmes qu'elles posent.
L'évaluation peut être quantitative : hectares cultivés, rendements à
l'hectare différents selon les techniques utilisées (engrais) et estimation
de ces rendements, consommation locale sans transformation (surtout
pour les feuilles de coca). Le produit obtenu est transformé : plusieurs
opérations sont nécessaires, davantage pour obtenir de l'héroïne que
pour la cocaïne, et on estime la quantité de mati

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