Droits de reproduction des objets de culte, tenure foncière et filiation en Nouvelle-Irlande - article ; n°130 ; vol.34, pg 31-58
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Droits de reproduction des objets de culte, tenure foncière et filiation en Nouvelle-Irlande - article ; n°130 ; vol.34, pg 31-58

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Description

L'Homme - Année 1994 - Volume 34 - Numéro 130 - Pages 31-58
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 13
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Brigitte Derlon
Droits de reproduction des objets de culte, tenure foncière et
filiation en Nouvelle-Irlande
In: L'Homme, 1994, tome 34 n°130. pp. 31-58.
Citer ce document / Cite this document :
Derlon Brigitte. Droits de reproduction des objets de culte, tenure foncière et filiation en Nouvelle-Irlande. In: L'Homme, 1994,
tome 34 n°130. pp. 31-58.
doi : 10.3406/hom.1994.369721
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1994_num_34_130_369721Brigitte Derlon
Droits de reproduction des objets de culte,
tenure foncière et filiation
en Nouvelle-Irlande
Nouvelle-Irlande. Brigitte Derlon, Droits — Les de modèles reproduction des objets des objets malanggan de culte, du tenure culte foncière funéraire et filiation de l'île en de
Nouvelle-Irlande, qui donnaient lieu à des droits de contrôle exercés par les unités sociales
et à des droits de reproduction exercés par les individus, étaient régis par un système juri
dique calqué sur la tenure foncière. Ce dernier possédait l'avantage de consolider la filia
tion matrilinéaire tout en permettant l'expression de forts liens patrilatéraux, justifiés par
les théories de la conception faisant du père le seul responsable de la formation de la
substance de l'embryon, et d'assurer la dialectique de l'identité et de l'échange entre des
unités duelles exogames en relation d'interdépendance et de perpétuelle asymétrie.
Dans la moitié nord de l'île de Nouvelle-Irlande et les petites îles adja
centes, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, existait autrefois une classe
d'effigies funéraires nommées malanggan, dont les innombrables
types et sous-types faisaient l'objet de droits de reproduction. Seuls certains
individus étaient autorisés à faire fabriquer et à mettre rituellement en scène un
ou plusieurs spécimens d'un sous-type de malanggan, et ce, pour avoir dûment
reçu au préalable le droit d'exploiter ou de reproduire le modèle d'objet
concerné. Outre la description de ces droits de reproduction, qui circulaient
entre les individus et les groupes et incluaient des prérogatives et des obliga
tions diverses selon les clauses précisées lors de leur attribution et la nature des
partenaires, le présent article se propose de montrer les liens qu'ils entrete
naient avec les droits fonciers en vigueur dans la même région, et de mettre en
relief certains aspects de la matrilinéarité et de l'organisation dualiste en
Nouvelle-Irlande à travers l'examen des stratégies sociales les sous-tendant. Ce
faisant, c'est de la symbolique sociale des malanggan qu'il sera ici question1.
Les données étudiées dans ce texte ont été enregistrées en 1983-1984 parmi
la seule population montagnarde actuelle de l'île, les Mandak du plateau Lelet
(450 personnes réparties en quatre villages), à la limite orientale de la diffusion
des objets malanggan qui concernait dix aires linguistiques, soit trente-six mille
L'Homme 130, avr.-juin 1994, XXXIV (2), pp. 31-58. BRIGITTE DERLON 32
personnes environ. Effectuée près de trente ans après l'extinction des cérémon
ies dans ce sous-groupe linguistique, l'enquête ethnographique n'a pas permis
de reconstituer dans leurs moindres détails les subtilités des transferts de droits
sur les malanggan, mais seulement d'en éclairer les aspects les plus saillants.
Aujourd'hui disparus du sol néo-irlandais, mais représentés par plusieurs
milliers de spécimens dans les collections des musées à travers le monde, les
objets malanggan se signalent par une grande hétérogénéité, tant morpholo
gique que referentielle. Sculptures de bois (Alstonia villosa) en ronde-bosse
pour la plupart et ouvrages de vannerie pour certains, ils se présentent comme
des statues et des mannequins de taille humaine, des mâts superposant plusieurs
personnages, ou encore des sortes de frises et de bas-reliefs (selon leur mode
d'exposition sur une paroi de feuillage) où dominent des motifs animaliers, par
fois des formes abstraites. Conçus comme des effigies, ils couvraient de leurs
referents la totalité de la gamme des entités surnaturelles traditionnelles
néo-irlandaises, depuis le mort et ses manifestations incarnées jusqu'aux entités
solaire et lunaire à l'origine de la création, en passant par diverses catégories de
forces spirituelles.
Chaque type de malanggan, qui se distinguait nettement des autres par sa
forme et son motif principal, s'accompagnait d'un véritable corpus de rites
spécifiques qui concernaient les modalités de la fabrication, de l'exposition et
de la destruction de ses spécimens. Chacun de ses sous-types, aisément
reconnaissable par certains motifs, se différenciait également par des particular
ités liturgiques. Dans la mesure où, comme nous le verrons plus loin, les types
et sous-types de malanggan étaient associés aux unités sociales, un groupe ou
sous-groupe linguistique donné n'utilisait jamais qu'un jeu limité, mais tou
jours hétérogène, de types de malanggan. L'hétérogénéité des objets et de leurs
rites spécifiques n'était pas imputable à de simples particularismes régionaux :
elle était une caractéristique fondamentale de l'institution malanggan.
Ces objets apparaissaient au cours de cérémonies du même nom dont la
fonction était principalement funéraire. Exécutées deux à trois ans après le
décès d'un adulte, sans distinction de sexe, ces cérémonies prenaient souvent
un caractère collectif, célébrant simultanément plusieurs individus décédés
dans un bref laps de temps, mais à condition qu'ils aient tous reçu leur sépul
ture dans le même site funéraire de hameau, intégré à la cour d'une maison des
hommes. Elles étaient organisées par le segment local du clan ou du lignage
responsable du site en question, où la coutume voulait que reposent les restes
de tous ses membres défunts, ou bien co-organisées par plusieurs clans lorsque
le même site funéraire accueillait exceptionnellement des morts de groupes dif
férents. Ces cérémonies, qui duraient plusieurs mois et drainaient de nombreux
visiteurs dans le hameau en fête, s'articulaient autour de la longue fabrication
secrète et la brève exhibition publique d'un ou de plusieurs objets malanggan
qui étaient ensuite détruits ou mis au rebut. S'il arrivait qu'un seul objet soit
utilisé pour célébrer collectivement plusieurs morts du même clan, dans la
plupart des cas chaque mort donnait lieu à la fabrication et l'exhibition d'une Objets de culte, tenure foncière et filiation 33
seule pièce. Chaque objet, dont le type était indifférent au regard du bénéfice
symbolique de la cérémonie, était fabriqué par un artisan sur commande d'un
proche parent du mort, généralement maternel, qui s'acquittait ainsi d'une part
ie de ses obligations vis-à-vis du disparu et était fréquemment l'organisateur
financier de la cérémonie et un homme politiquement influent. En vertu du sys
tème de copyright régissant la fabrication des objets, seul pouvait agir à titre de
commanditaire d'un spécimen de malanggan l'homme qui détenait le droit
d'exploiter le modèle du sous-type concerné, ou qui agissait au nom d'une
femme détenant un tel droit2. Car si la vue des objets malanggan — du moins
pour la grande majorité de leurs types — était strictement interdite aux femmes,
lesquelles, de manière typiquement mélanésienne, devaient même feindre
d'ignorer la nature matérielle de ce que les hommes produisaient et manipul
aient derrière la haute palissade érigée pour l'occasion le long du mur
d'enceinte de la maison des hommes, il n'empêche que, comme les hommes,
elles possédaient des droits de reproduction.
Les hommes qui en détenaient disposaient d'un vaste savoir exclusivement
masculin. Ce savoir comprenait généralement la connaissance exacte du
modèle, c'est-à-dire la représentation mentale de l'ensemble des motifs détermi
nés et nommés qui devaient se retrouver sur tous les spécimens fabriqués pour
justifier leur appartenance à un groupe et sous-groupe donnés, la connaissance
des mythes associés à ce modèle, des éventuels procédés techniques ou
magiques attachés à la fab

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