Du symtôme organique à la norme sociale : des médecins dans un « groupe Balint » - article ; n°1 ; vol.2, pg 11-31

Claudine Herzlich

Description

Sciences sociales et santé - Année 1984 - Volume 2 - Numéro 1 - Pages 11-31
Claudine Herzlich: From the organic System to social norm: practitioners in a « Balint-Group ».
After a two years' observation of the functioning of a « Balint-Group », Claudine Herzlich deals with the problem of social norm which the practitioner, owing to his position as an expert, authorizes or not to infringe, (the power of the practitioner becoming here power to authorize) and demonstrates its articulation with the notion of pleasure. Beyond the specificities of a therapeutic relation which poses the problem of the future evolution of that type of practices, this survey proves there is no unique and monolithic medical discourse, and shows how much medicine is open to trends of influence and changes of values in whole society.
Claudine Herzlich : Du système organique à la norme sociale : des médecins dans un « Groupe Balint ».
À partir de l'observation, poursuivie au cours de deux années, du fonctionnement d'un « Groupe-Balint », Claudine Herzlich aborde le problème de la norme sociale que, par sa position d'expert, le médecin autorise ou non à enfreindre (le pouvoir du médecin devenant ici pouvoir d'autoriser) et met en évidence son articulation avec la notion de plaisir. Au-delà des spécificités d'une relation thérapeutique qui pose le problème de l'évolution future de ce type de pratiques, cette étude fait apparaître qu'il n'y a pas de discours médical unique et monolithique, et montre à quel point la médecine est ouverte aux courants d'influence et aux changements de valeurs dans la société globale.
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: SCIENCES_SOCIALES_ET_SANTE4
• Publié le: 01 janvier 1984
• Nombre de lectures: 19
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Claudine Herzlich
Du symtôme organique à la norme sociale : des médecins dans
un « groupe Balint »
In: Sciences sociales et santé. Volume 2, n°1, 1984. pp. 11-31.
Résumé
Claudine Herzlich : Du système organique à la norme sociale : des médecins dans un « Groupe Balint ».
À partir de l'observation, poursuivie au cours de deux années, du fonctionnement d'un « Groupe-Balint », Claudine Herzlich
aborde le problème de la norme sociale que, par sa position d'expert, le médecin autorise ou non à enfreindre (le pouvoir du
médecin devenant ici pouvoir d'autoriser) et met en évidence son articulation avec la notion de plaisir. Au-delà des spécificités
d'une relation thérapeutique qui pose le problème de l'évolution future de ce type de pratiques, cette étude fait apparaître qu'il n'y
a pas de discours médical unique et monolithique, et montre à quel point la médecine est ouverte aux courants d'influence et aux
changements de valeurs dans la société globale.
Abstract
Claudine Herzlich: From the organic System to social norm: practitioners in a « Balint-Group ».
After a two years' observation of the functioning of a « Balint-Group », Claudine Herzlich deals with the problem of social norm
which the practitioner, owing to his position as an expert, authorizes or not to infringe, (the power of the practitioner becoming
here power to authorize) and demonstrates its articulation with the notion of pleasure. Beyond the specificities of a therapeutic
relation which poses the problem of the future evolution of that type of practices, this survey proves there is no unique and
monolithic medical discourse, and shows how much medicine is open to trends of influence and changes of values in whole
society.
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Herzlich Claudine. Du symtôme organique à la norme sociale : des médecins dans un « groupe Balint ». In: Sciences sociales
et santé. Volume 2, n°1, 1984. pp. 11-31.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/sosan_0294-0337_1984_num_2_1_954A*
Sciences Sociales et Santé - vol. II - n° 1 - février 1984
DU SYMPTÔME ORGANIQUE
A LA NORME SOCIALE:
DES MÉDECINS DANS UN "GROUPE BALINT1
Claudine Herzlich*
Cet article se fonde sur l'observation, poursuivie au cours
de deux années, du fonctionnement d'un "groupe Balint" ou
groupe de "formation à la relation" composé d'une dizaine de
médecins se réunissant périodiquement sous la conduite de
"leaders" psychanalystes. Sur cette base, nous étudierons de
quelle façon ces médecins entendent présenter à leurs malades
un nouveau type de recours thérapeutique, subtilement mais
profondément différent de l'exercice traditionnel (1).
La "formation Balint" peut être conçue comme faisant
partie d'un vaste mouvement de critique, venue ici de l'inté
rieur même de la médecine, adressée aux schémas dominants
du savoir et de la pratique médicale: vision exclusivement
organiciste de l'être humain occultant sa dimension psycholog
ique, hyperspécialisation d'une pratique fondée sur le décou
page de l'individu en organes isolés dont on ne maîtrise plus
les interrelations, objectivation du malade dont le médecin nie
la "demande" personnelle de même qu'il ne perçoit pas le
rôle, dans sa pratique, de sa propre subjectivité, etc. Dans
cette perspective, on se demandera donc, d'une part, ce que
représente la "formation Balint": y a-t-il effectivement, chez
les médecins ainsi formés, distanciation, voire rupture avec le
modèle dominant? Peut-on dire qu'avec cette formation appar
aît un autre type de médecin que celui de "technicien scienti-
* Claudine Herzlich, Sociologue, Centre d'Étude des Mouvements Sociaux,
CNRS-EHESS, Maison des Sciences de l'Homme, 54 bd Raspail, 75006 Paris.
( 1 ) Balint lui-même énonce qu'il souhaite introduire dans le comportement du
médecin une transformation limitée mais fondamentale. 12 CLAUDINE HERZL1CH
fique" auquel nous sommes désormais habitués? On sait,
d'autre part, que l'institution médicale ne saurait échapper à
un rôle normatif qu'accroît encore la tendance à la médicalisa
tion d'états toujours plus nombreux. Nous nous demanderons
aussi quel est l'impact de la «formation Balint» sur le rapport
du médecin à la norme sociale : modifie-t-elle son rôle en tant
qu'agent de contrôle social?
Nous emprunterons pour cette analyse une voie détour
née mais néanmoins pertinente: nous n'avons pas étudié, en
effet, la pratique même de ces médecins au cours de leur acti
vité quotidienne avec leurs malades; nous les avons observés
dans le groupe de formation où, tout à la fois, ils s'initient à
cette nouvelle pratique et où, puisqu'ils demeurent simultané
ment engagés dans leur exercice quotidien, ils en examinent
ensemble la mise en œuvre, la discutent et, semaine après
semaine, en tentent la régulation. Le groupe est donc bien le
lieu d'expression privilégié des représentations qu'ils se forgent
de leur rôle et de leur pratique peu à peu transformés ainsi
que le lieu de définition progressive des nouvelles réponses
qu'ils pensent apporter à leurs malades.
Il importe d'abord de dire en quoi consiste la "format
ion à la relation" et aussi d'analyser quel type d'enjeu de tels
groupes représentent pour les médecins français au niveau
individuel et collectif. Le "groupe Balint" est issu des écrits et
de la pratique du médecin psychanalyste anglais, d'origine
hongroise, Michael Balint qui dès les années 40 avait déve
loppé à Londres, à la Tavistock Clinic for Human Relations,
une formation collective des médecins généralistes, destinée à
les sensibiliser à l'importance de la dimension psychologique
dans la médecine générale. Pour Balint, la maladie est fr
équemment l'expression somatique d'un conflit émotionnel.
La "formation Balint" s'inscrit donc dans la mouvance
de la médecine psychosomatique aux théories nombreuses et
diversifiées. La maladie, pour Balint, passe souvent par un
premier stade "inorganisé": le malade présente des symp
tômes peu clairs et fluctuants. Si le médecin et le malade
demeurent inconscients du véritable enjeu psychique tout à la
fois montré et caché par le symptôme, la maladie, en un
"s'organisera" et se fixera sur un organe spécifisecond stade,
que, en une symptomatologie précise.
Par cette théorie, Balint entend rendre compte de la
nature de la majeure partie de la pathologie rencontrée par le
généraliste dans son exercice quotidien et, par là, il s'oppose à
la vision médicale organiciste dominante. Mais il effectue MÉDECINS DANS UN GROUPE BALINT 13 DES
aussi une complète réévaluation du rôle du médecin général
iste et définit, en quelque sorte, une nouvelle spécialité médic
ale: celle de "la relation". En effet, c'est dans la relation entre
le médecin et le malade, dans la qualité de l'écoute et du sou
tien que le médecin sera capable d'apporter à son patient aux
prises avec des difficultés existentielles, que réside l'efficacité
thérapeutique face à une maladie qui est l'expression d'un
"médicament" conflit émotionnel. utilisé Le dans médecin, la pratique dit Balint, médicale; est mais le principal nous en
ignorons la posologie et, plus généralement, les indications et
relation" le maniement. a précisément La formation pour but collective de pallier des praticiens cette ignorance. "à la
En France, l'œuvre de Balint a été connue à la fin des
années 50. Son livre, publié en 1957 [2], a été traduit en 1960
par J-P. Valabrega [3], auteur par ailleurs d'un ouvrage sur les
théories psychosomatiques. Au début des années 60, les pre
miers groupes de formation démarrent en France et la Société
médicale Balint sera créée en 1967 (2). Bien qu'il n'existe sur
ce point aucune évaluation précise - la sociologie descriptive
du mouvement Balint reste à faire - on peut estimer à quel
ques centaines le nombre des médecins français ayant suivi