Entre la vie et la mort : la parole des oiseaux (Gbaya, République centrafricaine) - article ; n°1 ; vol.57, pg 175-206
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Entre la vie et la mort : la parole des oiseaux (Gbaya, République centrafricaine) - article ; n°1 ; vol.57, pg 175-206

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Journal des africanistes - Année 1987 - Volume 57 - Numéro 1 - Pages 175-206
Human speech has a specific place among the sounds that are culturally discerned by the Gbaya 'Bodoe. Many noises are interpreted in terms of words. The « speech » of birds is interpreted as the Gbaya perceive it in daily life and understand it in folktales, where a bird is the messenger of death. Bird's speech, the symbol of ambiguity, turns out to be an intermediate phase between human speech and the non-speech that ancestors are forced to use.
Cette étude situe tout d'abord la parole dans l'univers des productions sonores culturellement distinguées par les Gbaya de Centrafrique. Elle présente la parole humaine dans sa spécificité puis montre comment de nombreux bruits sont interprétés en termes de paroles. Les auteurs s'attachent alors plus particulièrement à la parole des oiseaux. Ils présentent l'interprétation qui en est faite dans la vie quotidienne puis dégagent peu à peu sa valeur symbolique que l'examen de son utilisation dans l'imaginaire des contes, où l'oiseau est messager de mort, explicite bien. Cette parole des oiseaux, symbole de l'ambiguïté, se révèle être une étape intermédiaire entre la parole que maîtrisent les humains et la non-parole à laquelle sont réduits les ancêtres.
32 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 42
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Paulette Roulon
Raymond Doko
Entre la vie et la mort : la parole des oiseaux (Gbaya,
République centrafricaine)
In: Journal des africanistes. 1987, tome 57 fascicule 1-2. pp. 175-206.
Résumé
Cette étude situe tout d'abord la parole dans l'univers des productions sonores culturellement distinguées par les Gbaya de
Centrafrique. Elle présente la parole humaine dans sa spécificité puis montre comment de nombreux bruits sont interprétés en
termes de paroles. Les auteurs s'attachent alors plus particulièrement à la parole des oiseaux. Ils présentent l'interprétation qui
en est faite dans la vie quotidienne puis dégagent peu à peu sa valeur symbolique que l'examen de son utilisation dans
l'imaginaire des contes, où l'oiseau est messager de mort, explicite bien. Cette parole des oiseaux, symbole de l'ambiguïté, se
révèle être une étape intermédiaire entre la parole que maîtrisent les humains et la non-parole à laquelle sont réduits les
ancêtres.
Abstract
Human speech has a specific place among the sounds that are culturally discerned by the Gbaya 'Bodoe. Many noises are
interpreted in terms of words. The « speech » of birds is interpreted as the Gbaya perceive it in daily life and understand it in
folktales, where a bird is the messenger of death. Bird's speech, the symbol of ambiguity, turns out to be an intermediate phase
between human speech and the non-speech that ancestors are forced to use.
Citer ce document / Cite this document :
Roulon Paulette, Doko Raymond. Entre la vie et la mort : la parole des oiseaux (Gbaya, République centrafricaine). In: Journal
des africanistes. 1987, tome 57 fascicule 1-2. pp. 175-206.
doi : 10.3406/jafr.1987.2170
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0399-0346_1987_num_57_1_2170PAULETTE ROULON et RAYMOND DOKO
Entre la vie et la mort :
la parole des oiseaux*
Les 'Bodoe font partie de l'ethnie gbaya kara, ils comptent environ 5 000
personnes, réparties en une quarantaine de villages situés au sud-ouest de Bouar,
en République centrafricaine. Culture de tradition orale, ils accordent une très
grande importance à la parole dont le maniement constitue un savoir très valor
isé.
Cette étude situe tout d'abord la parole dans l'univers des productions
sonores culturellement distinguées, puis présente brièvement la parole humaine
et les paroles du monde. Parmi ces dernières, nous nous attacherons plus par
ticulièrement à la parole des oiseaux, présentant l'interprétation qui en est faite
dans la vie quotidienne et cherchant aussi à en dégager la valeur symbolique
que l'examen de son utilisation dans les contes permettra de mieux saisir.
LA PAROLE CHEZ LES GBAYA 'BODOE
Le terme « bruit » giti désigne toute production sonore que peut per
cevoir l'oreille humaine. Parmi tous les bruits existants, la production de
« voix » ko-gér littéralement désignée comme « le dedans du cou » ne con
cerne que les êtres vivants. Les animaux font entendre des « cris » hè-тд (crier
/ chose) tandis que les hommes produisent non seulement plusieurs sortes de
cris mais aussi des « paroles » wèn. Ce même terme gér prend l'acception de
« timbre, sonorité » dans les composés gbà-gér (grand / — ) et bé-gér (petit
/ — ) désignant respectivement une voix très grave, « une basse » et une voix
très aiguë, « une voix de fausset », la « voix aphone » se disant ndáďá gér
(collé / — ). Dans ce sens, son emploi n'est pas limité à la qualité sonore brute
de la voix mais s'applique aussi à la production mélodique par insertion dans
le composé ti-gér ([ = gïtî] bruit + de / — ) « mélodie » qui, déterminée par
*. Les consonnes glottalisées sont notées 6 et d, sauf dans 'bodoe et 'Bodoe apparaissant dans le texte
français.
Signes particuliers utilisés dans le mot à mot :
(parole + de / — // parole...)
entre parenthèses, chaque mot séparé du suivant par /, en cas d'amalgame + , // pour séparer deux
énoncés,... si la même chose est répétée, — à la place du mot dont on parle,
(x 2) indique une répétition identique.
L'italique dans le mot-à-mot indique une forme grammaticale, par exemple énonciatif, duratif, insistance. ENTRE LA VIE ET LA MORT : LA PAROLE DES OISEAUX 176
le nom d'un instrument de musique ou le terme « chant » gimà, signifie « musi
que » et désigne le « timbre personnalisé » d'une voix lorsqu'elle est détermi
née par le nom d'un individu particulier. La conception gbaya 'bôdôe de l'uni
vers des principales productions sonores se présente donc ainsi :
nom de
manifesté par propre l'élément aux :
sonore |
wérà résonner
+ то crier animaux
(chose)
héyá pleurer + код
r (crier) (pleurs)
+ yui pousser des ko-gér youyous (youyous) la voix"
parler une + nú gbáyá
langue (langue sp.) gitf tóó
hommes le bruit (affûter) + wèn parler
(parole)
+ sïngà le timbre personnalisé
(nom propre)
+ gîmà le chant ti-gér
la mélodie (chanson)
+ bio... la musique
(tambour)
L'opposition héyá / tóó distingue les productions brutes de la voix, les
seules que peuvent produire les animaux, de la production élaborée d'une lan
gue, d'une parole, faculté propre aux hommes, le cri humain étant exprimé
par un terme spécifique híďá то (criée / chose).
N.B. Le verbe tóó « affûter » s'applique au sens propre aux objets à tran
chant (couteau, hache,...). Cet affûtage est une mise en état de l'objet en question
comme doit être mise en état la voix pour devenir parole. L'état contraire, lorsque
la lame « est émoussée » mbèla est rapproché par les locuteurs du terme ngbèla, il
« est idiot » qui désigne celui qui ne parvient pas, entre autres, à manier correcte
ment et intelligemment la parole.
La parole humaine
La production volontaire de « paroles » wèn requiert donc un support
« la voix » kà-gér que possèdent hommes et animaux, et un outil « la langue » ROULON et RAYMOND DOKO 177 PAULETTE
nú1 que seuls les humains savent utiliser. C'est en effet, pour les Gbaya
'bodoe, la maîtrise d'une langue qui distingue l'homme de l'animal, chaque
langue est définie par référence à la communauté qui l'emploie, par exemple
« le gbaya » nú gbáyá (langue / gbaya), « le mbororo » nú mbóróró un dia
lecte peul, ou par référence à un groupe plus réduit, comme c'est le cas du
« la'bi » nú làôî, la langue de l'initiation masculine des Gbaya. Dans tous ces
cas, il est toujours possible de parler de la langue en question comme d'un
élément dont disposent ces communautés en précisant par exemple « la lan
gue des Gbaya » nú kóó gbáyá (langue / de + les / gbaya). A un autre niveau,
la langue peut être définie comme spécifique d'un comportement culturelle-
ment distingué au sein de la communauté. C'est ainsi qu'on parle de « la lan
gue du menteur » nú ndélá (langue / mensonge), de « la langue du malade »
nú zéé ( — / maladie), de « la langue du lâche » nú kil ( — / peur) ou de « la
langue de l'affamé » nú wô ( — / faim), etc. comme on parle d'ailleurs d'une
démarche pareillement caractérisée telle par exemple « la démarche du ment
eur » náqá ndélá (marche / mensonge). Le langage étant l'apanage de
l'homme, celui-ci est seul à pouvoir produire à volonté des paroles, seul à parler
à sa guise.
La parole permet à l'homme d'exprimer sa « pensée » táá-mo (réflé
chie / chose), mais elle ne se confond pas avec elle. Sans aborder le niveau
de « la parole profonde » ďúká wèn2 (profonde / parole) soigneusement pré
parée par le locuteur et dont il faut nécessairement chercher le sens au-delà
des mots, « la parole ordinaire » géé wèn (simple / parole) manifeste toujours
la distance plus ou moins grande qui peut séparer parole et pensée. C'est l'exi
stence de cette dista

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