Environnement infra-urbain des grandes villes africaines : pourquoi ? - article ; n°73 ; vol.19, pg 149-159
12 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Environnement infra-urbain des grandes villes africaines : pourquoi ? - article ; n°73 ; vol.19, pg 149-159

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
12 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Tiers-Monde - Année 1978 - Volume 19 - Numéro 73 - Pages 149-159
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1978
Nombre de lectures 25
Langue Français

Extrait

Hedi Eckert
Environnement infra-urbain des grandes villes africaines :
pourquoi ?
In: Tiers-Monde. 1978, tome 19 n°73. pp. 149-159.
Citer ce document / Cite this document :
Eckert Hedi. Environnement infra-urbain des grandes villes africaines : pourquoi ?. In: Tiers-Monde. 1978, tome 19 n°73. pp.
149-159.
doi : 10.3406/tiers.1978.2784
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1978_num_19_73_2784ENVIRONNEMENT INFRA-URBAIN
DES GRANDES VILLES AFRICAINES
POURQUOI ?*
par Hédi Eckert**
L'image que projettent et diffusent de l'Afrique les maîtres des
moyens d'information1 reste étrangement semblable à celle que des
générations de commandants de cercle, d'ethnologues et de voyageurs
distingués avaient patiemment façonnée et peaufinée : fascinant kalé
idoscope d'un univers infiniment fractionné, diversifié, incongru et
surtout haut en couleur. Le tourisme a fait de cette vision son argument
publicitaire de base. La recherche scientifique s'excite sur les parti
cularités linguistiques et architecturales d'un monde rural qui ne les
vit plus. Un volet important des projets de développement vise en
même temps la destruction systématique de ce monde rural stigmatisé
comme arriéré et sous-développé.
Il est très peu question des villes africaines, tant historiques que
contemporaines. Et lorsqu'on les évoque, c'est pour parler des comptoirs
coloniaux ou encore des bidonvilles, constellation désordonnée de
villages grouillant d'une population à laqueUe on prête une série de
caractéristiques : immigrants ruraux déracinés, familles composées essen
tiellement de parasites familiaux, chômeurs latents ou patents, activités
économiques parasitaires (micro-commerces des rues et des vastes
marchés urbains) mais combien pittoresques et le don inné2 de l'Africain
pour le commerce, son tribalisme.
Que nous apprennent de tels clichés qui constituent néanmoins la
trame de bon nombre de rapports d'experts et d'ouvrages scientifiques ?
* L'article vise essentiellement les villes du Sahel et, pour une part, les cités histo
riques du Maghreb. Il s'appuie sur l'expérience de l'auteur en Tunisie et au Tchad, ainsi
que sur les résultats d'une mission organisée en commun par le cilss — Club des Amis
du Sahel — et enda dans les pays sahéliens.
** Expert des Nations Unies en participation populaire à l'amélioration de l'habitat.
1. Les thèses désormais connues et admises de Samir Amin sur la bipolarisation du sys
tème mondial en un centre et une périphérie à travers le mécanisme de l'échange inégal font
partie intégrante de notre appareil théorique.
2. Cf. La Nigeria, par Hervé Laroche, Paris, puf, 1968, coll. « Que sais-je ? », n° 1015.
Revue Tien-Monde, t. XIX, n° 73, Janvier-Mars 78 I50 HÉDI ECKERT
II est à penser que les outils de l'analyse traditionnellement utilisés
et forgés pour cerner d'autres réalités sont parfaitement inadaptés et
nous renvoient de la réalité une image caricaturale.
Nous pensons aussi qu'il est insuffisant de vouloir ramener la ville
africaine contemporaine à une pernicieuse malfaçon de la ville colo
niale. Ses racines sont plus profondes et s'alimentent d'un processus
socio-économique spécifique que les réalités tant coloniales que post
ou néo-coloniales ne font que masquer et rendre de plus en plus opaque
à l'heure actuelle.
Si l'on semble implicitement nier à la ville africaine son originalité
spécifique et son devenir propre, bien que fortement contrariés, on
s'emploie par contre à minimiser, comme une maladie honteuse, son
importance numérique, son poids démographique. Des métropoles gigan
tesques et ayant toutes dépassé le cap du million d'habitants sont
officiellement présentées comme d'honnêtes villes moyennes : Dakar
avec 580000 habitants pour l'agglomération, 500000 pour Abidjan,
Douala et banlieue 250 000 habitants et Accra avec 564000 habitants3.
Des capitales sahéliennes ont l'allure de grosses bourgades avec
150000 habitants pour Ouagadougou (1974), 100 000 habitants et plus
pour Niamey (1973) et 179 000 habitants pour N'Djaména (1973). En
fait, les deux premières ont aujourd'hui dépassé le cap des 300 000 habi
tants, alors que N'Djaména en compte en 1977 plus de 400000.
Devant ces millions d'urbains d'Afrique de l'Ouest, on peut parfois
se demander pourquoi les décideurs du développement ont si résol
ument et exclusivement opté pour une perspective de développement
rural sans mentionner le marché urbain régional, ses populations, ses
conditions de vie. Quant aux très sporadiques et ponctuels projets
urbains, ils se confinent la plupart du temps au niveau d'un schéma
directeur d'aménagement et d'urbanisme sécrétant ici ou là une cité
populaire vite accaparée par les couches aisées de la population ou
encore une cité-jardin pour expatriés. Pour mieux les relier au centre-
ville, l'assainissement de l'un ou l'autre quartier populaire est pratiqué
par son eradication pure et simple : on déguerpit et on dégourbifie,
avec le bulldozer et le gendarme.
Comment expliquer l'émergence rapide de nombreuses métropoles
millionnaires et de toute une série de grandes villes de l'intérieur?
La rapide croissance naturelle des populations africaines due à des
facteurs parmi lesquels on cite généralement la diffusion de la médecine
3. Tous ces chiffres ont été relevés, avec indication de la date du recensement ou de l'est
imation, dans Fischer Welt-Almanacb '77, Munich (rfa), Fischer Taschenbuch Verlag, 1976. ENVIRONNEMENT DES GRANDES VILLES AFRICAINES 151
occidentale et la paix coloniale est un élément nécessaire, mais insuffi
sant, pour expliquer la constitution du fait urbain africain. Dans le
contexte de domination économique qui prévaut et qui fournit une
série d'éléments d'explication, nous pensons qu'il est urgent d'isoler
la spécificité du devenir des villes d'Afrique. Une meilleure connais
sance des populations et de l'économie urbaine nous autorisera seule
à formuler les premières hypothèses. Les statistiques officielles, au-delà
du fait qu'elles n'enregistrent que la moitié ou les deux tiers des effectifs,
sont généralement muettes ou évasives sur la composition socioprofes
sionnelle des populations et sur les revenus des travailleurs ou personnes
actives occupées. Devant une telle carence, il faut entreprendre systéma
tiquement des enquêtes de terrain susceptibles d'apporter les premières
lumières.
Nous essaierons maintenant de profiler très schématiquement les
réalités socio-économiques de la ville africaine contemporaine et qu'il
a été possible d'observer, avec des approches inégales, dans un certain
nombre de villes à travers des enquêtes de terrain. Ce profil schémat
ique fera l'objet d'une série d'interprétations qui s'éclaireront essentie
llement de la régularité des faits observés à des endroits très différents
et fort lointains les uns des autres.
Invariablement, la répartition de la population active par branches
d'activité et catégories socioprofessionnelles révèle la structure suivante :
de 20 à 25 % environ des actifs employés ou occupés tirent des revenus,
pour une large part modestes, mais sûrs, puis corrects et, pour une minor
ité, confortables et plus, d'un emploi généralement salarié dans le sous-
système « moderne »4 de l'économie urbaine. Dans cette catégorie d'actifs,
les salariés du secteur public ou gouvernemental sont largement major
itaires (70 à 85 %) et se recrutent essentiellement parmi les fonction
naires de tous les échelons, les secrétaires et commis d'administration,
les plantons et les chauffeurs et les « ouvriers d'administration » (répa
rateurs et autres prestataires de service affectés aux différents départe
ments). Le quart restant est représenté par les salariés des « grandes
sociétés modernes », classiques compagnies de la traite coloniale et mixtes ou privées à capital étranger et qui, généralement ident
ifiées comme entreprises industrielles, pratiquent le commerce d'import
ation, la manutention, l'entretien et la distributio

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents