Esthétique de l art musulman. La peinture - article ; n°3 ; vol.28, pg 681-710
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1973 - Volume 28 - Numéro 3 - Pages 681-710
30 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1973
Nombre de lectures 36
Langue Français
Poids de l'ouvrage 5 Mo

Extrait

Alexandre Papadopoulo
Esthétique de l'art musulman. La peinture
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 28e année, N. 3, 1973. pp. 681-710.
Citer ce document / Cite this document :
Papadopoulo Alexandre. Esthétique de l'art musulman. La peinture. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 28e année,
N. 3, 1973. pp. 681-710.
doi : 10.3406/ahess.1973.293374
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1973_num_28_3_293374de l'art musulman. Esthétique
La peinture*
Existe-t-il une peinture musulmane ? Question simple, anodine en appar
ence, à laquelle l'homme cultivé mais non spécialisé, se rappelant vaguement
avoir entendu parler de l'interdiction des images par l'Islam mais ayant vu des
reproductions de miniatures arabes, persanes, mogoles ou turques, ne saurait
que répondre. Ce qui est plus grave, c'est que les auteurs spécialisés dans le
sujet depuis le début du siècle, ne paraissent guère s'être posé sérieusement
la question et demeurent au fond devant ce problème dans la même attitude
que l'honnête homme de notre temps : on constate d'une part l'interdiction des
images représentant des êtres vivants, et de l'autre l'existence de fait d'une
peinture ne figurant que des êtres vivants — et singulièrement l'homme lui-
même — , qui s'est magnifiquement développée, surtout comme illustration
de manuscrits, du début du xuie à la fin du xvne siècle dans tous les pays
islamiques de haute civilisation.
Ne s'étant pas sérieusement posé cette question liminaire si simple, les
historiens de l'art musulman n'ont guère de position sur le fond du problème.
On le voit à la confusion qui règne jusque dans les titres des ouvrages.
Tantôt, en effet, on parle de Painting in Islam (Arnold), Arts des pays de
l'Islam (Wiasmiatine et Kratchkovska) , de Islamische Kleinkunst (Ktihnel),
d'Art musulman (Migeon), de Handbook of Muhamedan Art (Dimand), de
L'Islam et l'Art musulman (Wiet), tantôt au contraire de Peinture des Manuscr
its arabes, persans et turcs (Blochet), de Catalogue of Persian and Indo-Persian
Works of Art (Goldston), de Persian Miniature Painting (Binyon, Wilkinson et
Gray), de Miniatures persanes, turques, indiennes (Wiet), à' Art persan (Survey
of Persian Art) de Peinture arabe (Ettinghausen) , de Peinture persane (Gray).
Empressons-nous d'ajouter que cette opposition dans les titres n'entraîne
cependant aucune différenciation dans la manière de concevoir le sujet : il est
* L'auteur donne ici les éléments essentiels d'une thèse : Esthétique de l'Art musulman.
La Peinture (Préface d'E. Souriau), soutenue à la Sorbonně en 1971, éditée en 1972
par le Service de reproduction des thèses de l'Université de Lille, б vol. de 1959 pages,
881 planches, 270 diagrammes, 287 cartes, courbes ou dessins. L'ouvrage a été couronné
par l'Institut de France (Prix Dagnan-Bouveret 1972 de l'Académie des Sciences Morales
et Politiques).
681 LE MONDE SAUF L'EUROPE
manifeste que les auteurs qui qualifient la peinture à! islamique ou de musulmane
se sont rarement posé la question précise des rapports éventuels entre la théolo
gie et la philosophie musulmanes et une manière de concevoir les formes, la
composition, la perspective qui leur conviendraient, pas plus que les autres
n'ont prétendu la nier pour affirmer l'influence prédominante des milieux natio
naux. Hélas ! les titres sont si peu étudiés que, même dans le grand ouvrage
de Binyon, Wilkinson et Gray, Persian Miniature Painting, on trouve des
miniatures mésopotamiennes, mogoles, turques et indiennes. T. W. Arnold,
à qui l'on doit un livre sur The Old and New Testament in Muslim Religious
Art, n'envisage en réalité que les sujets des miniatures et non l'esthétique de
la peinture, et montre qu'il n'y a guère de Prophète des écritures saintes « qui
ait échappé à la main sacrilège du peintre persan ». Ce qui prouve que malgré
l'interdiction de peindre des êtres vivants, les artistes non seulement se sont
concentrés presqu'exclusivement sur l'homme mais n'ont pas craint de mettre
en scène les événements marquants de la religion et tous les grands prophètes
musulmans, notamment Noé, Abraham, Jésus et Mahomet, sans parler de
personnages saints tels que Salomon, Joseph ou Ali, et différents héros de
l'Islam.
Les organisateurs de la dernière exposition d'art musulman qui s'est tenue
en été 1972 à l'Orangerie se sont prudemment abstenus, eux aussi, de prendre
position en l'appelant Arts de l'Islam de l'origine à ijoo, ce qui signifie seul
ement qu'on a rassemblé des œuvres produites dans les pays où régnaient des
souverains musulmans. On n'affirme donc rien sur l'existence ou non d'une
esthétique proprement musulmane. Et le préjugé contre la peinture musulmane
en particulier est si répandu que l'auteur du compte rendu du Monde x ne
craignait pas d'écrire : « La présence de miniatures persanes, par exemple,
quelque justifiée qu'elle soit, surprendra ceux qui s'attendent à un art pur, où
l'interdit religieux frappe les représentations figuratives. » Et plus loin : « La
miniature persane compose une salle finale, riche et délicate, peut-être en marge,
mais toute à la gloire de nos collections publiques. Nous sommes assez loin de
l'art pur de l'Islam. »
Soulignons en passant l'inexactitude habituelle du terme « miniatures
persanes » appliqué à des illustrations de manuscrits arabes de Syrie, de Méso
potamie ou d'Egypte, comme à des miniatures mogoles ou turques. Et on
retrouve encore sous la plume de l'auteur des considérations à base raciale que
l'on espérait définitivement abandonnées : « Les arts de l'Islam que nous avons
là ne sont pas souvent absolument fidèles aux très hautes exigences spirituelles
d'une pensée sémitique. »
La même question demeure donc : Existe-t-il une peinture musulmane ?
Mais que doit-on appeler 'peinture musulmane ? Est-ce simplement celle qui
s'est pratiquée à partir de la conquête arabe dans les territoires soumis à
l'Islam ? Il est évident que la définition serait trop large, les arts coptes, les
évangéliaires syriaques continuaient de fleurir et même la peinture byzantine
dans les divers monastères grecs ou dans les églises et les évangéliaires melkites.
L'appellera-t-on musulmane si l'objet était en outre commandé par un
mécène arabe ou converti à l'Islam ? Mais il est évident que toutes les œuvres
des premiers siècles furent byzantines par leur esthétique et exécutées d'ailleurs
1. P. M. Grand, « Difficile et délicieuse : l'exposition Arts de l'Islam », Le Monde,
30 juin 1971.
682 PAPADOPOULO LA PEINTURE MUSULMANE A.
par des Grecs ou des chrétiens de Syrie, comme les mosaïques et les peintures
murales des mosquées et des châteaux de Syrie au vine siècle.
Nommera-t-on musulmanes les œuvres exécutées par des artistes convertis
à cette religion ? Mais d'une part on s'engagerait alors dans une voie sans issue
car nous ne connaissons pas les auteurs de la plupart des objets ornés de figures
dans les divers domaines, — céramique, bois, métaux, ivoires — -, à l'exception
de quelques rares œuvres signées. Les noms, lorsqu'on en a, sont d'ailleurs très
souvent de consonance chrétienne jusqu'à la fin du xine siècle. Les fresques
ne sont pas signées et de toutes les miniatures arabes on ne possède que deux
manuscrits dont on connaisse l'auteur des illustrations. Que supposer des
autres ? D'ailleurs, même si l'artiste ou l'artisan était chrétien, cela impliquer
ait-il que son œuvre n'était pas d'une esthétique musulmane, ou inversement,
s'il était musulman, cela prouverait-il qu'elle était conforme aux prescriptions
du Coran et des hadîth 2 ? Car on est bien d'accord, n'est-ce pas, que si la pein
ture sous ses diverses formes ne s'adaptait pas, grâce à divers procédés, à la
théologie musulmane telle que phénoménologiquement elle était ressentie et
acceptée, on ne saurait la nommer musulmane mais seulement mésopotamienne,
égyptienne, syrienne, arabe, persane, etc. Il est bien évident que si un

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