Et si la privatisation échouait ? Menaces sur la démocratie et la liberté en Europe centrale - article ; n°2 ; vol.22, pg 85-103
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Revue d’études comparatives Est-Ouest - Année 1991 - Volume 22 - Numéro 2 - Pages 85-103
En 1992, le Marché commun aura éliminé toutes les barrières à la libre circulation interne des hommes et des marchandises mais édifié dans le même temps un nouveau mur de Berlin pour tenir à distance les ex-pays de l'Est. La stagnation, la détérioration des économies et l'absence de perspectives en Europe centrale vont probablement provoquer une émigration illégale massive.
Les anciens pays communistes vivent des heures difficiles. Leurs économies sont handicapées par des entreprises boursouflées et inefficaces. Les dirigeants tchécoslovaques, hongrois et polonais savent que le passage à l'économie de marché exige une réduction de la part du secteur étatique. La propriété privée des moyens de production est nécessaire pour motiver les agents et améliorer les performances de l'économie. Les problèmes qui se posent à des pays souhaitant passer d'une société communiste, où l'État possède encore 80 à 100% des richesses, à une économie de marché sont sans précédents. Les pays occidentaux, qui n'ont privatisé qu'une très faible proportion de leur secteur nationalisé, bénéficiaient de marchés dynamiques, d'un système boursier, d'un marché du travail et d'un grand nombre de citoyens dotés de gros moyens et donc capables d'acheter un pourcentage important des actions des entreprises mises en vente. Aucune de ces conditions n'est présente dans les pays cherchant à se débarrasser du communisme.
Les trois pays concernés envisagent de privatiser les petites entreprises en les vendant aux enchères. Mais les employés de ces entreprises exigent qu'on reconnaisse leurs droits et qu'on leur accorde une priorité à l'achat. La privatisation des grandes entreprises est encore plus compliquée. Aucun de ces pays ne dispose d'un marché boursier mais, même s'il existait, cela ne changerait rien au problème de fond : les particuliers n'ont pas les ressources nécessaires pour acheter de grosses entreprises. Le gouvernement pourrait, bien sûr, les vendre - du moins celles qui sont rentables - aux investisseurs étrangers mais cette option éveille des réactions xénophobes.
La Pologne et la Tchécoslovaquie ont eu l'idée de recourir à un système de coupons, distribués dans le grand public pour qu'il puisse accéder à la propriété. Les ministres échafaudent des plans, proposant de vendre des actions aux nationaux et aux étrangers, de vendre les entreprises dans le cadre de sociétés mixtes et d'appliquer des mesures d'intéressement du personnel sous forme de distribution d'actions. Les autorités savent pertinemment qu'il faudrait faire vite mais il y a fort à parier que la privatisation dure des années.
Bien que les programmes de privatisation soient ambitieux dans les trois pays, seules la Hongrie et la Pologne ont commencé à vendre de grandes entreprises. En Hongrie, le mouvement de privatisation a été, pour l'essentiel, spontané. En Pologne, la première opération de privatisation a eu lieu au début de janvier 1991 avec la vente de cinq combinats à des investisseurs polonais privés, les actions ayant été réparties en petits lots. La Tchécoslovaquie n'a pas encore annoncé d'opération d'envergure bien qu'elle ait enfin adopté la législation adéquate en février 1991.
Privatization Now or Else. — The Impending Failure of Democracy and Freedom in Central Europe.
By 1992, the Common Market may have removed all barriers to internal flow of people and goods, while raising a new Berlin Wall between it and the former East Bloc Countries. Stagnation, deteriorating economies, and lack of opportunities in Central Europe are likely to produce a massive illegal immigration.
The former communist countries of central Europe are facing hard times. Their economies are saddled with bloated, inefficient enterprises. Officials in Czechoslovakia, Hungary, and Poland understand that moving to a market-based economy requires reducing the proportion of their economies owned and controlled by the state. Private ownership of the means of production is necessary in order to produce the appropriate incentives for good economic performance.
The problems facing countries attempting to make the transition from a communist society, where the state owns 80 to 100 percent of all assets, to a private market economy are unprecedented. Western countries that have privatized a very small portion of their economy have had the benefit of widespread markets, stock exchanges, meaningful accounting records, labor markets, and a substantial number of individuals with extensive assets who could purchase a significant number of shares in new companies. None of these conditions exists in countries attempting to throw off Marxism.
These countries envision privatizating small enterprises through an auction of such businesses. However, employees of these concerns have asserted their claim to the properties and demand that they be given priority in purchasing the assets. Privatization of large enterprises presents even more difficulties. In none of these countries does a working capital market exist. The underlying problem is that the public does not have the assets to purchase large firms. The government could sell these firms, at least the profitable ones, to foreign investors ; but this raises xenophobic feelings.
Poland and Czechoslovakia have both proposed using voucher schemes to distribute ownership to their citizens. In addition government ministers plan on selling stock to locals and foreigners, selling the company in a joint venture, and using employee stock option plans. Although authorities in these countries assert the importance of moving fast in privatizing assets, these methods are likely to take years.
Although all three countries project an ambitious program of privatization, only Hungary and Poland have actually begun to privatize any large firms. Most of the privatizations in Hungary has been of the spontaneous type. In Poland the first privatization took place in early January 1991 with the sale of stock in small lots of five concerns to individual Polish investors. Czechoslovakia has announced no major privatizations yet, although it finally passed legislation authorizing privatization in February 1991.
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 23
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Thomas Gale Moore
Et si la privatisation échouait ? Menaces sur la démocratie et la
liberté en Europe centrale
In: Revue d’études comparatives Est-Ouest. Volume 22, 1991, N°2. pp. 85-103.
Citer ce document / Cite this document :
Moore Thomas Gale. Et si la privatisation échouait ? Menaces sur la démocratie et la liberté en Europe centrale. In: Revue
d’études comparatives Est-Ouest. Volume 22, 1991, N°2. pp. 85-103.
doi : 10.3406/receo.1991.1503
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/receo_0338-0599_1991_num_22_2_1503Résumé
En 1992, le Marché commun aura éliminé toutes les barrières à la libre circulation interne des hommes
et des marchandises mais édifié dans le même temps un nouveau mur de Berlin pour tenir à distance
les ex-pays de l'Est. La stagnation, la détérioration des économies et l'absence de perspectives en
Europe centrale vont probablement provoquer une émigration illégale massive.
Les anciens pays communistes vivent des heures difficiles. Leurs économies sont handicapées par des
entreprises boursouflées et inefficaces. Les dirigeants tchécoslovaques, hongrois et polonais savent
que le passage à l'économie de marché exige une réduction de la part du secteur étatique. La propriété
privée des moyens de production est nécessaire pour motiver les agents et améliorer les performances
de l'économie. Les problèmes qui se posent à des pays souhaitant passer d'une société communiste,
où l'État possède encore 80 à 100% des richesses, à une économie de marché sont sans précédents.
Les pays occidentaux, qui n'ont privatisé qu'une très faible proportion de leur secteur nationalisé,
bénéficiaient de marchés dynamiques, d'un système boursier, d'un marché du travail et d'un grand
nombre de citoyens dotés de gros moyens et donc capables d'acheter un pourcentage important des
actions des entreprises mises en vente. Aucune de ces conditions n'est présente dans les pays
cherchant à se débarrasser du communisme.
Les trois pays concernés envisagent de privatiser les petites entreprises en les vendant aux enchères.
Mais les employés de ces entreprises exigent qu'on reconnaisse leurs droits et qu'on leur accorde une
priorité à l'achat. La privatisation des grandes entreprises est encore plus compliquée. Aucun de ces
pays ne dispose d'un marché boursier mais, même s'il existait, cela ne changerait rien au problème de
fond : les particuliers n'ont pas les ressources nécessaires pour acheter de grosses entreprises. Le
gouvernement pourrait, bien sûr, les vendre - du moins celles qui sont rentables - aux investisseurs
étrangers mais cette option éveille des réactions xénophobes.
La Pologne et la Tchécoslovaquie ont eu l'idée de recourir à un système de coupons, distribués dans le
grand public pour qu'il puisse accéder à la propriété. Les ministres échafaudent des plans, proposant de
vendre des actions aux nationaux et aux étrangers, de vendre les entreprises dans le cadre de sociétés
mixtes et d'appliquer des mesures d'intéressement du personnel sous forme de distribution d'actions.
Les autorités savent pertinemment qu'il faudrait faire vite mais il y a fort à parier que la privatisation dure
des années.
Bien que les programmes de privatisation soient ambitieux dans les trois pays, seules la Hongrie et la
Pologne ont commencé à vendre de grandes entreprises. En Hongrie, le mouvement de privatisation a
été, pour l'essentiel, spontané. En Pologne, la première opération de privatisation a eu lieu au début de
janvier 1991 avec la vente de cinq combinats à des investisseurs polonais privés, les actions ayant été
réparties en petits lots. La Tchécoslovaquie n'a pas encore annoncé d'opération d'envergure bien
qu'elle ait enfin adopté la législation adéquate en février 1991.
Abstract
Privatization Now or Else. — The Impending Failure of Democracy and Freedom in Central Europe.
By 1992, the Common Market may have removed all barriers to internal flow of people and goods, while
raising a new Berlin Wall between it and the former East Bloc Countries. Stagnation, deteriorating
economies, and lack of opportunities in Central Europe are likely to produce a massive illegal
immigration.
The former communist countries of central Europe are facing hard times. Their economies are saddled
with bloated, inefficient enterprises. Officials in Czechoslovakia, Hungary, and Poland understand that
moving to a market-based economy requires reducing the proportion of their economies owned and
controlled by the state. Private ownership of the means of production is necessary in order to produce
the appropriate incentives for good economic performance.
The problems facing countries attempting to make the transition from a communist society, where the
state owns 80 to 100 percent of all assets, to a private market economy are unprecedented. Western
countries that have privatized a very small portion of their economy have had the benefit of widespread
markets, stock exchanges, meaningful accounting records, labor markets, and a substantial number of
individuals with extensive assets who could purchase a significant number of shares in new companies.
None of these conditions exists in countries attempting to throw off Marxism.
These countries envision privatizating small enterprises through an auction of such businesses.However, employees of these concerns have asserted their claim to the properties and demand that
they be given priority in purchasing the assets. Privatization of large enterprises presents even more
difficulties. In none of these countries does a working capital market exist. The underlying problem is
that the public does not have the assets to purchase large firms. The government could sell these firms,
at least the profitable ones, to foreign investors ; but this raises xenophobic feelings.
Poland and Czechoslovakia have both proposed using voucher schemes to distribute ownership to their
citizens. In addition government ministers plan on selling stock to locals and foreigners, selling the
company in a joint venture, and using employee stock option plans. Although authorities in these
countries assert the importance of moving fast in privatizing assets, these methods are likely to take
years.
Although all three countries project an ambitious program of privatization, only Hungary and Poland
have actually begun to privatize any large firms. Most of the privatizations in Hungary has been of the
spontaneous type. In Poland the first privatization took place in early January 1991 with the sale of
stock in small lots of five concerns to individual Polish investors. Czechoslovakia has announced no
major privatizations yet, although it finally passed legislation authorizing privatization in February 1991.Et si la privatisation échouait ?
Menaces sur la démocratie et la liberté
en Europe centrale
Thomas Gale MOORE*
Le Marché commun lèvera toutes les barrières à la libre circulation
interne des hommes et des biens en 1992 mais il édifiera, à cette occasion,
un nouveau mur de Berlin qui l'isolera des anciens pays est-européens. La
stagnation, la détérioration des économies et les maigres possibilités qui
s'offrent en Pologne, en Tchécoslovaquie, en Hongrie, en Roumanie, en
Bulgarie et en Yougoslavie risquent de provoquer le flux d'émigration le
plus massif de tous les temps. Seul un renouveau de ces économies serait
à même de conjurer cette tragédie.
Les pays anciennement communistes de l'Europe centrale vivent des
temps difficiles. Depuis janvier 1990, ils doivent payer en dollars le pétrole
que l'Union soviétique leur vendait auparavant en roubles et à des prix
nominaux inférieurs aux prix mondiaux. La crise Irak-Koweit a, dans un
premier temps, fait bondir les prix du pétrole à des niveaux inconnus
depuis dix ans. L'effondrement du Comecon et de son système d'échanges
et l'unification de l'Allemagne ont eu un effet dévastateur sur le commerce
extérieur du bloc.
Tous ces facteurs sont venus peser sur des économies déjà handicapées
par des entreprises bouffies et inefficaces. Ces unités appartenant à l'État
emploient des effectifs en surnombre dont la productivité est extrêmement
faible, utilisent des techniques obsolètes et produisent des biens médiocres
dont le marché mondial n'a que faire. Beaucoup d'entre elles devraient être
fermées et les autres ont besoin d'une restructuration. Il faudrait qu'elles
soient toutes transférées à la propriété privée.
* Senior Fellow à la Hoover Institution et ancien membr

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