Faire l'histoire de la pensée économique ? Questions pour un débat - article ; n°4 ; vol.29, pg 655-687

Jean-Paul Degaudemar

Description

Revue économique - Année 1978 - Volume 29 - Numéro 4 - Pages 655-687
tentent de plaquer sur le déroulement propre de l'économie le modèle normatif de l'histoire empirique. A travers les questions posées : question des modes de légitimation sociale des discours économiques, questions des lieux et des tempo­ralités où se déploient ces discours, questions de leurs naissances, de leurs développements et de leurs morts, l'auteur vise à restituer le statut théorique fondamen­tal d'une «généalogie de l'économie», et par là-même à plaider contre le sens probable de la désaffection contemporaine pour toute réflexion collective en matière d'histoire de la pensée économique.
To make the history of economic thought ? Questions for a debate
What means « to make the history of economic thought » ? The author tries to call in questions the different possible ways, and to prove especially the failures of traditionnel approaches which try to apply to the characteristic rythm of economy, the normative model of empirical history. Through asking : question of social legitimation modes of economic treatises, questions of places and temporalities where those treatises are spread oui, questions of their birthes, their developments and their deaths, the author tries to explain the fundamental theoretical statute of a « genealogical » approach to economy, and to plead also agàinst the contemporary indifference for collective work about history of economic thought.
33 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: REVUE_ECONOMIQUE
• Publié le: 01 janvier 1978
• Nombre de lectures: 19
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

Monsieur Jean-Paul de
Gaudemar
Faire l'histoire de la pensée économique ? Questions pour un
débat
In: Revue économique. Volume 29, n°4, 1978. pp. 655-687.
Résumé
tentent de plaquer sur le déroulement propre de l'économie le modèle normatif de l'histoire empirique. A travers les questions
posées : question des modes de légitimation sociale des discours économiques, questions des lieux et des tempo-ralités où se
déploient ces discours, questions de leurs naissances, de leurs développements et de leurs morts, l'auteur vise à restituer le
statut théorique fondamen-tal d'une «généalogie de l'économie», et par là-même à plaider contre le sens probable de la
désaffection contemporaine pour toute réflexion collective en matière d'histoire de la pensée économique.
Abstract
To make the history of economic thought ? Questions for a debate
What means « to make the history of economic thought » ? The author tries to call in questions the different possible ways, and
to prove especially the failures of traditionnel approaches which try to apply to the characteristic rythm of economy, the normative
model of empirical history. Through asking : question of social legitimation modes of economic treatises, questions of places and
temporalities where those treatises are spread oui, questions of their birthes, their developments and their deaths, the author tries
to explain the fundamental theoretical statute of a « genealogical » approach to economy, and to plead also agàinst the
contemporary indifference for collective work about history of economic thought.
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de Gaudemar Jean-Paul. Faire l'histoire de la pensée économique ? Questions pour un débat. In: Revue économique. Volume
29, n°4, 1978. pp. 655-687.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reco_0035-2764_1978_num_29_4_408404■
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FAIRE L'HISTOIRE
DE LA PENSÉE ÉCONOMIQUE ?
Questions pour un débat
L
— une préservés 20 que es ans, est marginalisation audience extinction économistes comme parfois des souvent enseignements limitée tenté progressive, auraient-ils davantage extrême de leurs le penser régulière des fondamentaux d'histoire perdu publications comme chercheurs face le du à de spécialités sens un moins quand ; la en double de pensée ce leur en celles-ci domaine, de France contexte histoire économique, fin sont d'études et depuis ? : donc posOn
sibles 1.
On est tenté de fournir à cet état de fait une cause très simple :
à ne considérer l'histoire de la pensée économique que comme le
processus de rationalisation croissante d'une discipline, les coupes
contemporaines de ce processus sont censées en contenir les formes
les plus achevées, les meilleurs éléments constitutifs d'une « science
économique ». Il peut alors y avoir curiosité d'histoire, mais point
nécessité. On fera de l'histoire de la pensée économique pour étendre
un champ culturel de référence, éventuellement pour mettre en évi
dence les distances cognitives parcourues, mais le plus souvent dans
la quiétude théorique que la connaissance du passé ne peut que
1. On retiendra en particulier la collection « Intervention en économie polit
ique » ouverte conjointement par les Presses Universitaires de Grenoble et les
Editions Maspéro, et les ouvrages qui y ont été publiés, de C. Benetti, J. Carte-
uer, etc.. Cela semble, pour ces dernières années, la seule exception d'impor
tance. Demeurent néanmoins quelques thèses.
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Revue économique — N° 4, juillet 1978. Revue économique
conforter les certitudes du présent. On évoquera Smith et Ricardo
comme en mathématiques on évoque Euclide ou Pythagore. De grands
esprits pour leur temps. Des curiosités pour le nôtre.
Les pages qui suivent visent naturellement à troubler la sénérité
parfois bien affligeante de certain scientisme économique. Elles for
mulent, malgré le ton parfois virulent de la polémique, moins des
certitudes établies, moins des jugements sans appel, que des appels
à des interrogations, que des questions pour fonder un rapport actif
à l'histoire de la pensée économique, élaborer une méthode
généalogique.
On ajoutera que ces pages sont nées d'une double expérience
d'enseignant et de chercheur en ce domaine. Et aussi d'un itinéraire,
peut-être de moins en moins atypique, qui débuta par une double
entrée en économie : Arrow, Debreu, Leontieff, et toute une tech
nologie fondée sur les transformées de Laplace, le théorème de
Pontryagin, etc.. d'une part ; Marx d'autre part. Il fallut bien un
jour tenter de penser cette dualité...
METTRE EN QUESTIONS
Question ou plutôt questions préalables. Que peut signifier « faire
l'histoire de la pensée économique»? Peut-on assigner un objet
particulier à ce qui se constituerait comme discipline spécifique?
Spécifique par sa transversalité posée d'emblée : carrefour
qui verrait converger en elle l'irrésistible continuité des flux de la
chronologie et l'inévitable discontinuité des situations épistémolo-
giqués ? Histoire d'une part, pensée économique d'autre part?
Le premier constat est celui d'un dissensus. Il n'y a pas une pensée
économique ni a fortiori une science économique dont il s'agirait de
préciser les contours, ou d'affiner les méthodes. Bien ignorants ou
plutôt bien naïfs, à coup sûr idéologues, ceux qui prétendraient
le contraire. Pour une raison fondamentale tenant à l'imprécision à
la fois de l'objet (l'Economique) et du mode théorique qui s'exerce sur
lui (l'Economie). Y a-t-il un champ identifiable de réalité que l'on
puisse désigner comme l'Economique? Y a-t-il un champ cognitif
identifiable, un territoire du savoir que l'on puisse désigner comme
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l'Economie ? Et quel rapport entretiennent entre elles ces deux
questions ? A cela, on le sait, les réponses sont nombreuses et contrad
ictoires. Les travaux les plus pertinents d'« épistémologie écono
mique » des vingt dernières années ont seulement permis d'y voir plus
clair dans la multiplicité du questionnement et d'esquisser une triple
dimensionnalité du dissensus :
— soit l'Economique est considéré comme champ pré-existant, comme
donné objectivable, extérieur' par conséquent a priori à la réflexion
humaine pouvant s'exercer sur lui ;
— soit, autre versant peut-être du même positivisme, l'Economique
est réduit au seul champ de mise en -œuvre d'une axiomatique ;
la réalité économique et sociale n'est plus alors décrite que par
référence, par mesure d'une distance entre elle et son modèle,
par une sorte d'évaluation du degré d'impureté du réel;
— soit l'Economique et l'Economie ne sont pensés que dans un rap
port actif réciproque, dans une dialectique constante entre la
théorie de la connaissance et son objet. Versant marxiste : la cr
itique de l'Economie ne saurait passer que par la critique de l'Ec
onomique.
Je ne tenterai pas ici de développ'er ce point ni même d'esquisser
une épistémologie de l'épistémologie elle-même. Je voudrais seul
ement souligner que ce dissensus doit constituer la base même de toute
tentative d'histoire de la pensée économique : non pas seulement
faire un exposé des différences en dessinant les contours de' différentes
« écoles » mais interroger le statut de ces différences. Deux exemples
canoniques s'il en est : Walras et Marx. Walras : pas le fondateur de
l'axiomatique néo-classique mais celui qui veut théoriser dans un
même mouvement l'Economie pure et l'Economie sociale 2. Peut-on
comprendre Walràs sans comprendre le rapport qu'entretiennent ces
deux découpes disciplinaires ?
Si l'Economique pour Walras reste le domaine des valeurs
d'échange, des richesses, l'Economie est susceptible de deux accept
ions : l'Economie pure qui dit le Vrai à travers une théorie de l'échan
ge, de la richesse en elle-même, un Vrai d'une axiomati-
2. A lire par conséquent en parallèle. On l'oublie trop souvent, les « Eléments
d'économie po