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Heiner Wittmann

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• Publié par: Mocel
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• Langue: Français

Extrait

Gilles FLORET
LA NAUSEE
DANS
LA POESIE EST-ALLEMANDE
ENTRE 1980 ET 1989
Deux figures exemplaires:
Hans-Eckardt Wenzel & Steffen Mensching
1993
Thèse présentée devant le Centre de Recherches Germaniques et Scandinaves
de l’Université de Nancy II
Directeur des recherches: Monsieur le Professeur J. M. PAUL
© Gilles Floret 1993. Tous droits réservés.Sommaire
Introduction 2
I. Les origines lointaines de la Nausée 13
1. Vers une approche de définition de la Nausée 13
2. Maladie et littérature 24
2.1 L’historicité de la maladie 24
2.2 L’esthétique de la dualité, du fragment et de l’innovation 30
2.3 L’influence de la poésie prolétarienne et expressionniste 52
2.4 La tradition de la littérature est-allemande 72
3. Les influences de la littérature étrangère 101
3.1 L’influence du spleen baudelairien 101
3.2 L’influence de la Nausée sartrienne 119
4. La Nausée dans la tradition du cabaret 137
II. Les manifestations de la Nausée 152
1. La Nausée somatique 152
2. La Nausée psychique 180
2.1 La dimension spatio-temporelle de la Nausée 180
2.2 L’environnement naturel de la Nausée 204
2.3 Le cheminement de la Nausée 222
3. Typologie de la Nausée 240
3.1 La Nausée, une névrose ? 240
3.2 Les traumatismes de l’enfance 265
III. L’évolution de la Nausée 291
1. La fuite dans le rêve et l’utopie 291
2. De la mélancolie à la folie 321
3. La mort, une alternative à la Nausée ? 352
4. Nausée et créativité 377
4.1 L’écriture, une thérapie ? 377
4.2 Les outils de la création 396
Conclusion 415
Annexe 423
Bibliographie 462Introduction
A la lumière des événements qui se sont produits en RDA entre le 7 octobre 1989 et le 3
octobre 1990 qui commémore l’achèvement de l’unité allemande sur le plan politique, c’est
avant tout un sentiment mêlé de surprise et de satisfaction qui s’impose au témoin attentif de
la vie socio-culturelle de ce pays. En l’espace d’un an on a pu en effet assister à l’agonie, puis
à l’effondrement d’un système, d’un régime, d’une idéologie. Cependant, on a tendance à
oublier aujourd’hui que cet effondrement des structures étatiques de la RDA a entraîné avec
lui la disparition de tout un pan de la culture allemande, de toute une génération de peintres,
de musiciens et d’écrivains, représentants d’une identité nationale propre à la RDA. Cette
coupe sombre dans la vie culturelle allemande a engendré depuis lors un climat de fin de
siècle qui hypothèque pour les générations à venir la réponse apportée à la question
allemande.
L’effet de surprise provient en premier lieu de la rapidité avec laquelle les événements se
sont précipités depuis les premières manifestations de mécontentement à Leipzig au
lendemain du 7 octobre 1989 jusqu’à la commémoration de l’unité politique de l’Allemagne.
Douze mois ont suffi à balayer quarante années d’identité nationale, une identité qui fut
scellée le 7 octobre 1949 et qui n’a cessé de se définir dans la vie culturelle de la RDA tout au
long de ses quatre décennies d’existence en sursis.
Il serait prétentieux de la part d’un observateur étranger à la RDA de prétendre que ce
bouleversement historique était prévisible puisqu’il correspond à la conjonction de divers
éléments extérieurs à la RDA, difficiles à cerner sans un recul historique préalable. Il suffit
d’invoquer par exemple le changement de cap dans la politique extérieure de l’ex-URSS qui
se concrétise dès 1985 dans la perestroïka d’une part et la glasnost d’autre part. Sur la scène
internationale, ces deux concepts vitaux pour la survie de l’Union Soviétique se manifestent
par l’abandon des satellites du bloc de l’est assujettis depuis la fin de la seconde guerre
mondiale ainsi que par un repli sur le territoire national où les conflits entre nationalités se
profilent à l’horizon.
En ce qui concerne la RDA, ce changement de climat correspondait à la fin de la guerre
froide et signifiait à court terme une remise en cause de son existence. En effet, les
événements de Pologne ainsi que l’ouverture du rideau de fer par la Hongrie ne pouvaient
qu’accélérer l’affaiblissement économique du pays perceptible dès le début des années 80.
2 C’est Mikhail Gorbatchev en personne qui vient apporter le message funeste aux dirigeants
de la RDA le 7 octobre 1989. L’effet de surprise est tel pour les observateurs étrangers que
nul n’est alors en mesure d’apprécier les conséquences tragiques de ce qui est en train de se
produire à Berlin. Les meilleurs experts français de la RDA sont eux aussi pris au dépourvu
comme en témoigne cette déclaration de Gilbert Badia datée du 15 septembre 1989: Quant au
risque d’explosion qui mettrait en question l’existence même de la RDA, en l’état actuel de
1notre information, il ne nous paraît pas probable.
Cependant, si les experts ont été littéralement dépassés par les événements, il n’en reste pas
moins vrai qu’un certain malaise était perceptible à tous les niveaux de la société est-
allemande depuis le début des années 80, comme il ressort des études réalisées sur le climat
social, en particulier par les diplomates en poste à Berlin-est. Ces études concernent surtout le
niveau de vie qui a légèrement baissé depuis la fin des années 70. Les magasins d’Etat étant
mal approvisionnés, la population se ravitaille le plus souvent dans les magasins de luxe ou
dans les Intershops pour ceux qui disposent de devises étrangères. Parallèlement, l’influence
de la publicité occidentale propagée par le canal des médias ouest-allemands a contribué à
renforcer ce malaise latent et cette frustration sociale en créant de nouveaux besoins
inaccessibles pour la plupart des consommateurs.
Ce malaise social a trouvé son expression dans la production littéraire et artistique de la RDA
dès le début des années 80. Peut-on cependant affirmer que ce malaise était le signe avant-
coureur d’un mal beaucoup plus profond ? Afin d’apporter un début de réponse à cette
question, il est nécessaire d’établir dans un premier temps le diagnostic de ce malaise à travers
l’oeuvre des derniers représentants de la poésie est-allemande qui sont les témoins des
derniers soubresauts d’une littérature nationale.
1. Gilbert Badia, Allemagnes d’aujourd’hui et de demain: Perspectives et conditions
d’une hypothétique réunification, in Connaissance de la RDA, 28/29 (1989), p. 22.
3 S’il est vrai que la littérature de RDA a connu au cours des dernières décennies une évolution
2positive qui a transformé un certain provincialisme cararctéristique des années 50 en une
3littérature nationale d’essence socialiste , ce serait une erreur que d’occulter les rapports
difficiles existant entre la littérature et la société est-allemande. Sans vouloir revenir sur les
problèmes de la censure déjà évoqués par Stefan Hermlin, Hermann Kant et d’autres, nous ne
pouvons passer sous silence le débat concernant les rivalités entre une "littérature officielle" et
une "littérature dissidente", dans la mesure où nos recherches sur la notion de Nausée
pourraient donner au lecteur le sentiment d’une analyse partiale visant à glorifier une certaine
contestation au sein de la littérature de RDA. C’est à juste titre qu’Uwe Kolbe évoque le
4caractère amoral du travail d’écriture en général, ce qui met pratiquement sur le même plan
la littérature nationale et la littérature dissidente.
Il s’agit là d’un précepte capital pour une interprétation objective de la problématique du mal
de vivre que l’on peut déceler chez ces jeunes poètes. Dès lors que se pose un problème
moral, le lecteur se trouve automatiquement confronté à une exploitation subjective du sujet.
Il convient donc de parcourir à nouveau l’itinéraire poétique de ces jeunes écrivains afin de
reconstituer le plus fidèlement possible la genèse de leur malaise.
Délimiter un sujet de recherche exige à la fois un esp