Frans van Kalken et les Marnix - article ; n°2 ; vol.9, pg 201-209
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1954 - Volume 9 - Numéro 2 - Pages 201-209
9 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1954
Nombre de lectures 34
Langue Français

Extrait

Lucien Febvre
Frans van Kalken et les Marnix
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 9e année, N. 2, 1954. pp. 201-209.
Citer ce document / Cite this document :
Febvre Lucien. Frans van Kalken et les Marnix. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 9e année, N. 2, 1954. pp. 201-
209.
doi : 10.3406/ahess.1954.2265
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1954_num_9_2_2265FRANS VAN KALKEN ET LES MARNIX
Qui ne connaît chez nous Frans van Kalken ? Parce qu'il est un des maîtres
en renom de l'Université Libre de Bruxelles? a publié, dans la
Collection Armand Colin, un excellent petit livre sur La Belgique qui reçut
partout un accueil chaleureux ? Parce que, grâce à sa diplomatie cordiale, il a
joué enfin, dans notre pays, et notamment à La Société d'Histoire Moderne,
un rôle de premier plan? Sans doute. Mais on connaît avant tout Frans
van Kalken parce qu'il est Frans van Kalken, un homme alerte, agissant,
volontiers combatif et mordant quand il s'agit de défendre une cause qui
l'intéresse, plein d'esprit à la française et d'humour à la belge, au demeurant
le meilleur fils du monde tant qu'on ne le caresse pas à rebrousse-poil. —
Et voilà : il nous apporte un cadeau de plus. Une étude menée à frais communs
avec un de ses collègues de l'U. L. В., M. Tobie Jonckheere, sur Marnix de
Sainte- Aldegonde (1540-1598). Sous-titres : Le politique et Le pamphlétaire,
c'est la part de Frans van Kalken ; — Le pédagogue, c'est le royaume de
Tobie Jonckheere. Petit livre élégant de 124 pages, édité à Bruxelles par
l'Office de Publicité et daté (déjà!) de 1952. — En tête, une très belle gravure
de Jean Wiericx nous rend curieusement vivante la figure de Sainte-Alde-
gonde. Une figure bien de chez nous, franc-comtoise : elle fait songer au
Granvelle gravé en 1556 par Collaert. Tête ronde, cheveux très bouclés « en
front de taureau » ; quelque chose de volontaire, de tenace et en même temps
d'ouvert. Je dis : « Une figure bien de chez nous ». Je supplie nos amis belges
de ne pas voir là une revendication « bourguignonne »! Je reviendrai dans
un instant sur les origines de Marnix. Je crois qu'on en peut tirer quelque
chose pour comprendre le personnage. Et d'autres personnages du même
temps.
On est, faut-il le dire, un peu surpris quand on lit le chapitre bibliogra
phique très soigné que Frans van Kalken a consacré à son héros, et qu'on voit
combien et combien de livres, de brochures, d'articles, de pamphlets, de
panégyriques, etc., etc., ont été dédiés à la mémoire de cet homme. Sans
doute, aux côtés du prince d'Orange, il joua son rôle dans la grande tragédie
des Pays-Bas, et, doté d'une bonne plume, écrivit des ouvrages plus réputés
que lus. Du moins en France. Ils y étaient même à peu près ignorés lorsqu'Ed.
Quinet, transplanté un peu brutalement de Paris sur les rives de l'autre
Seine — celle qui prend deux n — tomba sur les écrits de son compatriote
lointain, s'enflamma aussitôt et ménagea à Marnix les honneurs d'une étude, 202 ANNALES
publiée en 1854. Faut-il dire étude, ou manifeste? Le travail de Quinet
représentait une attaque véhémente contre le catholicisme à la Philippe II
et faisait de Marnix, à la mode romantique, un précurseur véhément de
tous ceux qui prétendirent, au xvine et au xixe siècle, « étrangler l'infâme »4
De. 1857 à 1860, les œuvres de Marnix furent à leur tour publiées avec la
participation de Quinet2.
Cependant, malgré ses efforts, l'auteur du Bijenkorf der heilige roomsche
Kercke publié en 1568 et dont une version française, sous le nom de Tableau
des différends de la religion, vit le jour en deux tomes, après là mort de
Sainte-Aldegonde, en 1599 et 1605, ne fut jamais chez nous autre chose qu'un
nom3, et ne souleva la moindre passion partisane. On verra amplement dans
l'alerte revue de Frans van Kalken qu'il n'en fut pas ainsi chez nos voisins.
Le morbus biographicus s'en est donné à cœur joie. Qui n'a commis son petit,
ou son grand Marnix? L'un le parangonne à Érasme pour la satire, à Hiitten
pour le mordant, à Luther pour la colère et à Rabelais pour la jovialité....
Mais l'autre traite volontiers Marnix de « voyou endurci ». Quinet le proclame
« le plus grand des Belges », le chanoine Prims ne voit en lui qu'un « étudiant
vagabond toujours en révolte ». — Tout cela laisse le bon lecteur français
un peu pantois. Avec tout le temps qu'on a passé à biographier et à rebio-
graphier Sainte-Aldegonde (polissez-le sans cesse et le repolissez !), que de
beaux et profitables tableaux d'histoire humaine n'aurait-on pas faits...,
voire d'histoire belge, je dis de grande histoire ! Mais comme l'homme n'est
que contradiction, je ne laisserai pas Sainte-Aldegonde, ni Frans van Kalken,
sans avoir ajouté ma petit page à cette littérature foisonnante. Disons : une
page d'introduction. Ce sera mon hommage.
***
D'un point de vue non politique, d'un point de vue humain, qu'est-ce
qu'il y a d'intéressant dans la vie de Sainte-Aldegonde, Philippe, dont on ne
peut séparer sur ce plan la vie de son frère aîné, Jean, qui a retenu le nom de
Toulouse? C'est l'étrange chemin parcouru en trois générations par une
famille bourgeoise, celle des Marnix. Chemin au sens précis du terme, puisque
la famille opère, en ce laps de temps assez réduit, deux transplantations
successives : de Savoie en Franche-Comté, puis de Franche-Comté aux Pays-
Bas. Chemin au sens figuré,. puisque le grand-père est à l'origine un modeste
officier de petite Cour princière qui devient un des agents politiques en vue
de la famille des Habsbourg. Puisque le père marche sur les traces de son
« auteur », mais avec le souci marqué, semble-t-il, d'accroître par des moyens
de finance la fortune déjà rondelette amassée par le premier des Marnix dont
1. On sait que « la mode romantique » sur ce point a persisté. Et que j'ai dû tirer Rabelais
des griffes de ceux qui voulaient l'embrigader prématurément dans l'armée des étrangleurs
de • l'infâme ».
2. Si Quinet s'intéresse à Marnix c'est en effet, de toute évidence, que, bressan lui-même
(il est né à Bourg-en-Bresse), il eut l'attention attirée par ce petit-fils de compatriote au nom
bien de chez lui et qui, lui aussi, s'était ou avait été transplanté aux Pays-Bas.
3. Bonne analyse de l'ouvrage dans le livre de van Kalken, p. 19-25. FRANS VAN KALKEN ET LES MARNIX 203 -
l'histoire s'occupe. Puisque les deux fils enfin, laissés orphelins de bonne
heure par leur mère (Philippe avait 5 ans et Jean 7 ou 8 quand elle disparut),
mal à l'aise dans le nouveau foyer que leur père se reconstitua tout aussitôt,
privés enfin de ce père à 17 ans l'un, à 20 ans l'autre (chiffres ronds), rompent
aussitôt avec la tradition qui avait fait la notoriété de leur famille, et d'obéis
sants et dociles officiers de leurs souverains respectés, de conformistes résolus
dans le domaine religieux comme dans le domaine politique, les deux
domaines étant étroitement liés, se font révoltés, rebelles, transfuges de la
foi dynastique et de la foi religieuse de leurs parents — ceci avec une soudai
neté, une violence, une persistance vraiment singulières. Pour un historien
du xvie siècle, pour un homme qui se soucie fortement de ces « passages » si
impressionnants toujours (mais celui-là est d'une singulière rapidité), voilà
sans doute ce qui frappe tout de suite dans cette tragédie de générations, une
des moins explicables, du dehors, que le xvie siècle nous présente.
•\
Le berceau d'abord. Marnix est le nom d'un hameau du Bugey, proche
de Nattages au bord du Rhône, dans l'actuel canton de Belley (Ain). Marnix,
Nattages, vieux établissements humains. Le dernier était déjà, à la fin du
xie siècle, aux mains d'une famille qui en portait le nom, sous la suzeraineté
des comtes de Savoie. Le premier, Marnix, déjà son nom, tel quel, au
xive siècle1. Maillon d'une chaîne assez lâche de noms en ix qui se tendent
d'Ambutrix à Saint-Genix par Malix et Armix

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