Galilée bricoleur - article ; n°1 ; vol.94, pg 85-105
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Actes de la recherche en sciences sociales - Année 1992 - Volume 94 - Numéro 1 - Pages 85-105
Galilée bricoleur Galilée Bricoleur is an analisys of Galileo's strategies for the establishment of a new socio-professional role, that of the mathematical natural philosopher. These strategies were rooted in his representation of himself and his discoveries as fitting the culture of the Medici court. I argue that the establishment of this new role for himself aimed also at the social and cognitive legitimation of mathematical physics and Copernicanism. The analysis focuses mainly on Galileo's court-based patronage tactics and on his representation of his 1610 discovery of the satellites of Jupiter as the Medicean Stars, that is, not primarily as scientific discoveries but as emblems of the Medici dynasty and as court spectacles.
Galilée bricoleur Cet article présente une analyse des stratégies de Galilée pour créer une nouvelle position professionnelle et sociale, celle de philosophe et mathématicien des phénomènes naturels. Au fondement de ces stratégies, la représentation qu'il donne de lui-même et de ses découvertes présentées comme des produits parfaitement ajustés à la culture de cour des Médicis. Il est indéniable qu'en cherchant à se créer cette nouvelle position, Galilée visait aussi à faire reconnaître la physique mathématique et le copernicisme. L'analyse est centrée principalement sur les stratégies de mécénat de Galilée à la cour et sur la façon dont il a présenté les satellites de Jupiter, qu'il a découverts en 1610, comme des étoiles médicéennes, c'est-à-dire non pas essentiellement comme des découvertes scientifiques, mais comme emblèmes de la dynastie des Médicis et spectacles de cour.
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 92
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Monsieur Mario Biagioli
Galilée bricoleur
In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 94, septembre 1992. pp. 85-105.
Abstract
Galilée bricoleur
"Galilée Bricoleur" is an analisys of Galileo's strategies for the establishment of a new socio-professional role, that of the
mathematical natural philosopher. These strategies were rooted in his representation of himself and his discoveries as fitting the
culture of the Medici court. I argue that the establishment of this new role for himself aimed also at the social and cognitive
legitimation of mathematical physics and Copernicanism. The analysis focuses mainly on Galileo's court-based patronage tactics
and on his representation of his 1610 discovery of the satellites of Jupiter as the "Medicean Stars", that is, not primarily as
scientific discoveries but as emblems of the Medici dynasty and as court spectacles.
Résumé
Galilée bricoleur
Cet article présente une analyse des stratégies de Galilée pour créer une nouvelle position professionnelle et sociale, celle de
philosophe et mathématicien des phénomènes naturels. Au fondement de ces stratégies, la représentation qu'il donne de lui-
même et de ses découvertes présentées comme des produits parfaitement ajustés à la culture de cour des Médicis. Il est
indéniable qu'en cherchant à se créer cette nouvelle position, Galilée visait aussi à faire reconnaître la physique mathématique et
le copernicisme. L'analyse est centrée principalement sur les stratégies de mécénat de Galilée à la cour et sur la façon dont il a
présenté les satellites de Jupiter, qu'il a découverts en 1610, comme des "étoiles médicéennes", c'est-à-dire non pas
essentiellement comme des découvertes scientifiques, mais comme emblèmes de la dynastie des Médicis et spectacles de cour.
Citer ce document / Cite this document :
Biagioli Mario. Galilée bricoleur. In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 94, septembre 1992. pp. 85-105.
doi : 10.3406/arss.1992.3028
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1992_num_94_1_3028;
;
GALILÉE BRICOLEUR 85
MARIO BIAGIOLI
Illustration non autorisée à la diffusion
Galilée
bricoleur
exceptionnelle en comparaison de tous les autres artistes
et officiels de la cour des Médicis. Bien qu'il soit difficile
de faire des comparaisons absolues entre les niveaux de
revenu des courtisans, le traitement de Galilée semble
avoir été au moins trois fois plus important que le trait
ement le plus élevé d'un artiste ou d'un ingénieur et une
Galilée Dans Médicis philosophe on récompensé La étayer aux et simple Cosme Westfall preuve est découvertes une les explication. tenté pour n'était ne II hypothèses culture empirique, et a ce récompensèrent leur de avancé mathématicien pas dernier astronomiques trouver utilité pas qui un Ce avec coperniciennes copernicien. cependant, jury accorde n'est technologique normal plus de la pas du prix largesse pas de une Grand-duc. pour que ne vraisemblance Galilée Nobel les grande que confirme les ou avoir découvertes leur Médicis Galilée avant en l'on importance La contribué l6O9-l6lO, importanpas cour connaît. la que devint aient lettre cette des de les à fois et demie supérieur à celui d'un Primo Segretario
comme Belisario Vinta ou Curzio Picchena.2 Le traitement
de Galilée était comparable à celui du Maggiordomo
Maggiore, le fonctionnaire le plus important de la cour.
Même le sculpteur Gianbologna -le plus célèbre parmi
les artistes des Médicis au début du siècle, qui fut courti
sé à plusieurs reprises par deux empereurs- aurait reçu
ce scientifique, mais parce qu'ils les apprécièrent comme moins de la moitié du salaire de Galilée plusieurs années
spectacles et comme merveilles exotiques.1 Si l'attente de plus tard3 Autant qu'il est possible de le dire, le salaire
Galilée pour entrer à la cour des Médicis, déçue à plu de Galilée était parmi les dix salaires les plus élevés du
Grand-duché de Toscane à cette époque4 sieurs reprises avant l6lO, fut rapidement et généreuse
ment satisfaite après ces découvertes, c'est bien parce II ne suffit pas de se pencher sur la façon dont les
que les Médicis devaient avoir perçu les satellites de mathématiciens et les philosophes contemporains
Jupiter comme de véritables merveilles. De même, l'att jugeaient l'importance scientifique de Galilée pour com
prendre cette situation exceptionnelle. Il faut plutôt étu- ribution à Galilée de mille écus d'appointement était
3 - H. Trevor-Roper, Princes and Artists, Londres, Thames and
1 - R. Westfall, Scientific Patronage : Galileo and the Telescope, Isis, Hudson, 1976. Giambologna gagnait 300 écus par an en l602 (ASF,
76, 1985, pp- 18-22 Galileo and the Accademia dei Lincei, in P. Miscellanea Medicea 474, c3), aussi bien qu'en I606 {ASF,
Galluzi (ed.), Novità celesti e crisi del sapere, Florence, Giunti Guardaroba 279, cl3). Il apparaît comme l'artiste le mieux
Barbera, 1984, p. 199. payé dans l'ensemble de ces deux "rôles".
2 - Cela parce que certains courtisans recevaient des bonifications 4 - Le salaire de cour le plus élevé en 1588 était celui d'Orazio
telles que viandes, bois, chandelles et chevaux, en plus de leurs Rucellai, le plus grand majordome ( Maggiordomo Maggiore), qui
salaires, Arcbivio di Stato di Firenze (abrégé infra en ASP), gagnait 1000 écus par an (ASF, Depositeria Generale 389, p. 1)
Depositeria Generale 389, PP- 5, 11. Belisario Vinta, un secrétaire ( Segretario), gagnait 480 écus par an :
;
86 Mario Biagioli
dier le public totalement différent qui était celui de la discours de la cour des Médicis, il se propose aussi de
mettre en lumière le rôle joué par la cour dans la trajeccour des Médicis, et analyser la façon dont Galilée ajust
ait ses découvertes au discours non scientifique de la toire de légitimation sociale qu'a parcourue à l'origine la
cour. C'est ainsi que nous pouvons comprendre la science moderne pour passer de l'université à l'académie
récompense exceptionnelle qu'il obtint de Cosme II. scientifique.
Bien que les courtisans fussent habituellement incom
pétents en astronomie ou en mathématiques, Galilée doit
avoir considéré la cour comme un public de choix puis-
qu'après 1Ó04, il essaya plusieurs fois de quitter l'univer Les étoiles dans le contexte
sité pour la cour5. Ce n'étaient pas seulement la
perspective d'un bon salaire et l'exemption de toute Certaines des raisons de l'intérêt des Médicis pour les
étoiles de Jupiter sont faciles à saisir. Dans la dédicace charge d'enseignement qui attiraient Galilée à la cour : il
espérait aussi par ce moyen éviter les contraintes de la du Sidereus Nuncius, Galilée dit à Cosme II que les satel
lites de Jupiter sont des monuments de la dynastie des hiérarchie des disciplines caractéristique de l'université,
Médicis9 et des monuments d'une durée exceptionnelle qui voulait que les mathématiciens soient
subordonnés aux philosophes du point de vue du statut et d'une visibilité universelle (au moins pour les observat
épistémologique comme des salaires6. La philosophie eurs équipés de bons télescopes). Mais il y avait d'autres
raisons derrière l'enthousiasme des Médicis pour les traitait des causes physiques réelles des phénomènes
naturels tandis que les mathématiques devaient se borner découvertes de Galilée. Celles-ci n'avaient de sens que
à l'étude de leurs aspects quantitatifs. Par conséquent, les pour une public florentin familier de la mythologie déve
mathématiciens se voyaient refuser la possibilité de pro loppée par les Médicis depuis la fondation de la dynastie
duire des interprétations philosophiques ou physiques par Cosme I au milieu du XVIe siècle. Dans cette mythol
légitimes des phénomènes naturels7. ogie, l'analogie entre cosmos et Cosme était mise en évi
Mais si un savant considéré comme mathématicien ne dence ad eternum et Jupiter était régulièrement associé à
pouvait pas devenir philosophe à l'université, il pouvait Cosme I, le fondateur de la dynastie et le premier des
le devenir à la cour où son statut social et intellectuel "dieux médicéens"10. Par conséquent, si Galilée pouvait
était moins déterminé par sa disc

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