Gustave Geffroy et l apprentissage des faits divers - article ; n°97 ; vol.27, pg 59-68
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Romantisme - Année 1997 - Volume 27 - Numéro 97 - Pages 59-68
Naturalist writing, in trying to keep its distance front both serialised novels and novels about legal cases, often finding points of similarity with short articles, had to devaluate the strange textual objects which sometimes acted as a model (i. e. real life drama) or sometimes as a foil (they were essentially melodramatic). Gustave Geffroy distinguished himself from other naturalist writers by inserting a selection of descriptions from short articles in L'Apprentie, in the shape of an enormous textual cyst. This resulted in discords and genetic conflicts, even if the insertion of newpapers articles, in the heart of a novel, enables the reader to go from one narrative style to another without any clashes. However, the fictional accounts of short articles in Geffroy 's novel, more so than in newspaper articles, have certain similarities with physiology, chronicles, short stories - in other words, with all brief forms of writing with which naturalist writing seemed to play with. On the pretext of describing les tragédies de faubourg, the novel opens itself up to unanimous life, by captivating the morbid breakout of news headlines, by seizing all that is timeless and marvellous in the daily newspapers. Even if Geffroy tones down the surprising effects in the mounting, even if the narration keeps its moralising tone, L'Apprentie seems in many respects to be an experimental work. It introduces the collages which were often to influence poetic and noveslistic writing during the 2Oth Century.
En cherchant à se tenir à distance du roman-feuilleton et du roman judiciaire, l'écriture naturaliste, qui trouve souvent des assises mimétiques dans les faits divers, se voit contrainte de dévaluer ces étranges objets textuels qui tantôt lui servent de modèle (ce sont des « drames vrais »), tantôt figurent un repoussoir (ils sont mélodramatiques par essence). Gustave Geffroy se différencie des autres écrivains naturalistes en insérant dans L'Apprentie, sous la forme d'un énorme kyste textuel, un montage de récits de faits divers. Il en résulte des dissonances, des conflits génériques, même si la lecture des journaux, au sein même du roman, assure en principe le passage sans heurt d'un niveau narratif à un autre. Toutefois, les récits fictifs de faits divers, dans ce roman de Geffroy, plus qu'à des articles de journaux, s'apparentent à des physiologies, à des chroniques, à des nouvelles, c'est-à-dire à toutes les formes brèves avec lesquelles semble jouer l'écriture naturaliste. Sous prétexte de raconter des « tragédies de faubourg », le roman s'ouvre à la vie unanime en captant l'éclat morbide de l'actualité, en saisissant ce qu'il y a d'intemporel ou de merveilleux dans le quotidien. Même si Geoffroy atténue les effets de surprise des montages, même si la narration reste marquée par un ton moralisateur, L'Apprentie semble à bien des égards un récit expérimental. Il annonce ces collages qui marqueront bien souvent l'écriture poétique et romanesque au XXe siècle.
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 30
Langue Français

Extrait

M. Jean-Louis Cabanes
Gustave Geffroy et l'apprentissage des faits divers
In: Romantisme, 1997, n°97. pp. 59-68.
Citer ce document / Cite this document :
Cabanes Jean-Louis. Gustave Geffroy et l'apprentissage des faits divers. In: Romantisme, 1997, n°97. pp. 59-68.
doi : 10.3406/roman.1997.3237
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1997_num_27_97_3237Résumé
En cherchant à se tenir à distance du roman-feuilleton et du roman judiciaire, l'écriture naturaliste, qui
trouve souvent des assises mimétiques dans les faits divers, se voit contrainte de dévaluer ces
étranges objets textuels qui tantôt lui servent de modèle (ce sont des « drames vrais »), tantôt figurent
un repoussoir (ils sont mélodramatiques par essence). Gustave Geffroy se différencie des autres
écrivains naturalistes en insérant dans L'Apprentie, sous la forme d'un énorme kyste textuel, un
montage de récits de faits divers. Il en résulte des dissonances, des conflits génériques, même si la
lecture des journaux, au sein même du roman, assure en principe le passage sans heurt d'un niveau
narratif à un autre. Toutefois, les récits fictifs de faits divers, dans ce roman de Geffroy, plus qu'à des
articles de journaux, s'apparentent à des physiologies, à des chroniques, à des nouvelles, c'est-à-dire à
toutes les formes brèves avec lesquelles semble jouer l'écriture naturaliste. Sous prétexte de raconter
des « tragédies de faubourg », le roman s'ouvre à la vie unanime en captant l'éclat morbide de
l'actualité, en saisissant ce qu'il y a d'intemporel ou de merveilleux dans le quotidien. Même si Geoffroy
atténue les effets de surprise des montages, même si la narration reste marquée par un ton
moralisateur, L'Apprentie semble à bien des égards un récit expérimental. Il annonce ces collages qui
marqueront bien souvent l'écriture poétique et romanesque au XXe siècle.
Abstract
Naturalist writing, in trying to keep its distance front both serialised novels and novels about legal cases,
often finding points of similarity with short articles, had to devaluate the strange textual objects which
sometimes acted as a model (i. e. real life drama) or sometimes as a foil (they were essentially
melodramatic). Gustave Geffroy distinguished himself from other naturalist writers by inserting a
selection of descriptions from short articles in L'Apprentie, in the shape of an enormous textual cyst.
This resulted in discords and genetic conflicts, even if the insertion of newpapers articles, in the heart of
a novel, enables the reader to go from one narrative style to another without any clashes. However, the
fictional accounts of short articles in Geffroy 's novel, more so than in newspaper articles, have certain
similarities with physiology, chronicles, short stories - in other words, with all brief forms of writing with
which naturalist writing seemed to play with. On the pretext of describing les tragédies de faubourg, the
novel opens itself up to unanimous life, by captivating the morbid breakout of news headlines, by
seizing all that is timeless and marvellous in the daily newspapers. Even if Geffroy tones down the
surprising effects in the mounting, even if the narration keeps its moralising tone, L'Apprentie seems in
many respects to be an experimental work. It introduces the collages which were often to influence
poetic and noveslistic writing during the 2Oth Century..
Jean-Louis CABANES
Gustave Geffroy et l'apprentissage des faits divers
Les écrivains naturalistes éprouvent « comme une gêne » à l'égard des récits de
faits divers. Ceux-ci jouent tantôt le rôle de modèle, tantôt celui de repoussoir '. Ils
donnent aux romanciers l'occasion d'engranger, dans les avant-textes, des réserves
mimétiques et sollicitent, par une sorte d'émulation, leur compétence narrative. La fic
tion, qui aspire à devenir tranche de vie, s'informe parfois dans les journaux. Le pe
rsonnage de Lalie Bijard naît d'une coupure de presse, d'un article de Louis
Ratisbonne, dans L'Événement 2. On sait que l'intrigue de La Bête humaine se fonde
sur la combinaison de deux faits divers : « On aurait l'affaire Fenayrou compliquée de
l'affaire Barrême 3 ». Pour dresser le procès des romans-feuilletons qui machinent du
faux à partir d'intrigues sanglantes, complexes et convenues, Zola dans ses textes pr
ogrammatiques, Maupassant dans ses Chroniques, en viennent à invoquer comme
modèle narratif « le drame vrai » 4 des faits divers. Au nom de la vérité, un autre
genre est mis en cause : le roman policier. Gustave Geffroy ironise dans ses Notes
d'un journaliste sur la manière dont Gaboriau fait triompher l'infaillible M. Lecoq 5.
La constante résolution des énigmes policières est le signe évident qu'il s'agit là de
fictions mensongères car il est dans la nature des faits divers qu'un grand nombre
d'entre eux se présentent comme des mystères irrésolus. L'infaillibilité de l'enquêteur,
1 Les premières pages de cet article se souviennent de la thèse de Chantai Pierre-Gnassounou,
Fictions, Imaginaires, Imaginations dans Les Rougon-Macquart, Université de Paris III, 1996. Voir p. 48-
52.
2. Voir Dossier préparatoire de L'Assommoir, B.N., N.A.F., Ms. 10271, P 212.
3. Dossier de La Bête humaine, B.N., Ms. 10274, P 348.
4. Zola oppose aux romans de Balzac, dont les intrigues lui semblent marquées par « l'amour des aven
tures extraordinaires », la simplicité efficace de Madame Bovary. Voir Les Romanciers naturalistes, O.C.,
Cercle du Livre précieux, 1968, t. XI, p. 98 : « Le roman va devant lui, contant les choses au jour le jour, ne
ménageant aucune surprise, offrant tout au plus la matière d'un fait divers. » L'expression « drame vrai »
figure dans Le Roman expérimental (Zola, O.C., éd. cit., t. X, p. 1307), elle fournit à Maupassant le titre
d'une nouvelle, Un drame vrai, publiée le 6 août 1882 dans Le Gaulois et dans laquelle il semble s'en
prendre à « MM. de Montépin et du Boisgobey ». Mais ce récit bref, encadré par les commentaires du narra
teur, est un texte ironique. Le « drame vrai » narré par le conteur est l'un de ces faits divers extraordinaires
dont « l'histoire semble inventée par quelque romancier populaire ou quelque dramatique en délire ». L'écri
vain récuse au nom du vraisemblable la valeur esthétique de son récit (« Un roman fait avec une donnée
pareille [...] révolterait tous les vrais artistes ») tout en invoquant par ailleurs, pour légitimer la narration, la
catégorie de l'intéressant : l'histoire contée est « saisissante, bien machinée et fort intéressante en son étran-
geté » (Maupassant, Contes et nouvelles, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », t. I, 1974, p. 495-497).
Ce « double jeu » ne trouve sa véritable dimension que si l'on se souvient que dans une Chronique {Le
Gaulois, 14 juin 1882), Maupassant commentait un fait divers (la découverte dans la Seine du cadavre d'un
homme bâillonné et roulé dans un tuyau de plomb) en proposant une première version des faits telle que
« MM. X. de Montépin, Du Boisgobey et Cie » auraient pu l'inventer et une seconde version opposée à la
première et conforme à la réalité, nécessairement « plus simple ». Il y a donc un bon usage des faits divers,
une manière de les narrer, conforme à l'esthétique naturaliste. Elle tourne le dos à la dramatisation excessive
du roman-feuilleton, elle s'en tient à la nudité des faits, elle refuse toute théâtralisation du narratif.
ROMANTISME n° 97 (1997-3) Jean- Louis Cabanes 60
chez Gaboriau, est d'ailleurs à l'opposé de la faillibilité des juges, des médecins, dans
les romans de Zola et de Maupassant. Denizet, le magistrat de La Bête humaine, mais
aussi le docteur Pascal, se trompent. On oublie trop souvent que la mise en scène du
savoir, dans les récits naturalistes, a pour pendant l'évocation de stratégies herméneut
iques erronées, la représentation d'une doxa fluctuante, crédule, aveugle. Dignifier le
fait divers revient ainsi, pour les écrivains, à exalter la vérité des romans naturalistes
en dénonçant des genres « illégitimes » : le roman-feuilleton, ce « tord-boyaux des
portières » 6 et « le roman judiciaire à un sou » 7 dont les évidences, les dénouements
se dénoncent comme mensonge

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