Histoire et structure dans la connaissance de l homme - article ; n°4 ; vol.22, pg 792-828
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1967 - Volume 22 - Numéro 4 - Pages 792-828
37 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1967
Nombre de lectures 10
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

G. Lanteri-Laura
Histoire et structure dans la connaissance de l'homme
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 22e année, N. 4, 1967. pp. 792-828.
Citer ce document / Cite this document :
Lanteri-Laura G. Histoire et structure dans la connaissance de l'homme. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 22e
année, N. 4, 1967. pp. 792-828.
doi : 10.3406/ahess.1967.421572
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1967_num_22_4_421572chronique des sciences sociales
HISTOIRE ET STRUCTURE
DANS LA
CONNAISSANCE DE L'HOMME
A la mémoire de M. Merleau-Ponty.
Si, en écrivant au milieu de notre xxe siècle, nous nous trouvons
soucieux d'élucider l'acception et la fortune de ce terme de structure,
et son opposition aux mots de genèse et d'histoire, c'est dans la mesure
où nous avons de plus en plus l'impression et le sentiment que ce vocable
de structure s'emploie de nos jours dans toutes sortes de sens et s'attr
ibue sans façon à je ne ne sais combien d'objets, et l'éditeur moderne
de la « Physiologie du goût » de Brillât- Savarin imagine ironiquement
et à juste titre la locution de gastronomie structurale г, qui renvoie
d'ailleurs à un autre livre, non moins structuraliste, et qui traite, avec
le génie que l'on sait, du cru et du cuit, pour ne rien dire de l'opposition
pertinente du bouilli et du rôti 2. Cet humour et cette mauvaise humeur
se motivent de façon bien ambiguë, car ils connaissent une double
origine que nous ne devons pas unifier trop tôt. Notre désir de ren
voyer la structure à l'office dérive, en effet, de deux sources, que nous
ne devons pas plus confondre que le salé et le sucré, le syntagme et le
paradigme, les saucisses et la choucroute, pour ne rien dire de la figure
et du fond. Quand nous nous obligeons à y réfléchir, stimulés par un
certain jeûne intellectuel, nous voyons assez tôt que notre irritation
traduit deux ordres de raisons qu'il nous faut distinguer. Le plus évi
dent ne fait pas de problème : nous sommes irrités de voir ce mot de
« structure » employé par le premier venu, pour traiter de n'importe
quoi, si bien que nous nous demandons en fin de compte, qu'est-ce qui
1. J. F. Revel, in Brillât-Savarin, Physiologie du goût, Paris, Julliard, 1965,
p. 7.
2. C. Lévi-Strauss, Le cru et le cuit, Paris, Pion, lTe éd. 1964.
792 tilSTOIŘE EŤ STRUCTURÉ
pourrait ne pas être structural, et que nous pensons aux nouveaux
« Proverbes surréalistes » qu'on pourrait élaborer aux dépens de ces
structures-là x. Cette irritation est utile, elle nous permet de ne pas
nous laisser abuser par la mode et de douter du bon usage d'une notion
qui s'avère d'une telle ubiquité. S'il suffit d'accommoder à la sauce
structurale n'importe quel lieu commun pour lui assurer un rajeunis
sement inédit, une certaine colère exprime la réaction de l'esprit cr
itique et de la raison, et nous n'aurions pas de peine à en trouver des
précédents chez Voltaire, chez Swift et chez Rabelais.
Mais à trop invoquer le patronage de Rabelais, de Swift et de Volt
aire, nous risquons de nous masquer bien facilement la seconde racine
de notre mauvaise humeur 2, et, heureux d'avoir raison dans un cer
tain domaine, d'oublier que nous restons bien moins sûrs de nous dans
un certain autre ; si nous dénigrons si volontiers ce terme de structure,
en rappelant qu'il ne s'applique à tout que parce qu'il ne s'attribue
sérieusement à rien, c'est à la fois pour nous défendre contre son exten
sion injustifiée et pour nous masquer la gêne indubitable qu'il est venu
introduire dans les coutumes présentes de notre pensée. Nous aimons
bien remarquer que si la notion de structure va partout, elle n'est donc
nulle part, et grâce à cette réflexion, nous évitons de voir en face que,
dans un certain canton de la connaissance, son introduction est venue
tout récuser ; nous devons mépriser la mode, mais notre dégoût pour
les préjugés du moment ne nous donne pas le droit de rester aveugles :
la notion de structure a remis en question un certain nombre de nos
évidences présumées, nous ne le lui pardonnons pas, et notre manière
de lui en faire grief est de ne parler d'elle que pour dénoncer ses abus.
La vulgarisation du terme nous choque par elle-même, et nous donne
bonne conscience pour oublier que ce terme peut prendre un sens digne
de notre attention, même s'il devient un sens corrosif.
La manipulation journalière du mot de structure, son passage de
quelques champs réservés aux spécialistes au bien commun à toute la
réflexion, sa répétition dans des secteurs qui, jusque-là, n'en avaient
cure, se situent à peu près une dizaine d'années après la fin de la guerre.
Nous avions alors pris vite l'habitude, en opposition à l'intellectua
lisme désincarné d'une certaine pensée occidentale entre 1918 et 1939,
grâce à notre méditation de la crise de 1929, en raison des options
imposées par l'occupation allemande et de leur issue dans la Résistance,
d'estimer que toute connaissance de l'homme prenait racine dans son
historicité irréductible, que la notion de « nature humaine » était une
1. P. Éluard et B. Péret, 152 proverbes mis au goût du jour, Paris, Éditions sur
réalistes, lre éd. 1925.
2. Relisons Hegel, qui nous apprit autrefois à distinguer la certitude de la vérité.
Cf. Phénoménologie de Vesprit, trad. J. Hyppolite, Paris, Aubier, lre éd., tome I (1939)
et tome II (1941) ; cf. tome I, pp. 195 sqq.
793 ANNALES
duperie et que nous ne pouvions parler que de l'existence humaine,
et seulement en termes de devenir 1. Cette vue globale, que personne
n'a alors plus justement exprimée que Merleau-Ponty 2, nous per
mettait une ébauche de synthèse entre l'histoire singulière de chaque
homme et l'histoire de l'humanité, qui nous aidait à faire notre profit
de Marx en même temps que de Freud. Au second nous pouvions pen
ser demander qu'il nous affranchît de l'illusion d'être quelque chose
avant de l'être devenu, et nous en retenions que tout l'homme pouvait
s'expliquer par ce qu'il fait et ce qui lui advient 3, si bien que la con
naissance de l'homme s'identifie à celle de son développement, et du
premier nous attendions qu'il nous montrât que l'homme n'est jamais
que par référence à un devenir historique, si bien que les clefs de l'a
nthropologie sont celles de l'histoire 4. Nous pensions avoir ainsi mis en
lumière un aspect fondamental de la connaissance : n'envisager chaque
homme qu'en fonction de ce qu'il devenait et n'étudier n'importe quel
phénomène de la culture ou des sciences que par référence à son con
texte historique, en sachant qu'à côté de la catégorie de la genèse, il
fallait aussi tenir compte de celle de l'interprétation, car si l'homme
n'est que ce qu'il accomplit, il n'en sait jamais qu'une partie bien limi
tée, et il ne se trouve pas plus de conscience intégrale de soi que de
conscience complète de classe. L'amour et le travail sont l'homme, et
sont irréductiblement transcendants. Malgré ses laborieux rapports
avec le marxisme et la psychanalyse, la pensée phénoménologique 6,
dans la crise même qui est inhérente à l'œuvre de Husserl, arrivait à
décrire les types noématiques de la présence de la genèse dans l'expé
rience actuelle, et des notions, comme celle de la puissance, du négatif,
chez Hegel, et de la transcendance du sujet, chez Sartre, permettaient
de rendre compte descriptivement de ce hiatus, et de son tragique e.
Il est certain que la partie vivante de la phénoménologie des années 1945
1. Nous renvoyons ici à toute l'œuvre de J.-P. Sartre, et, plus particulièrement,
à trois textes : « Transcendance de l'Ego » in Recherches philosophiques, Paris, Boivin,
2e 1936-1937, éd. 1948, tome et « Avant-propos VI, pp. 85 sqq., » à P. Esquisse Nizan, d'une Aden théorie Arabie, des Paris, émotions, F. Maspéro, Paris, Hermann, éd. 1960,
pp. 9-62.
2. Cf. Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, lre éd.
1945, pp. 180-202 et 494-520.
3. Cf. S. Freud, La science des rêves, trad. I. Meyerson, Paris, P.U.F. et Club fr

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