Idéologies, nation et structures sociales en Afrique noire - article ; n°57 ; vol.15, pg 135-170
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Description

Tiers-Monde - Année 1974 - Volume 15 - Numéro 57 - Pages 135-170
36 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1974
Nombre de lectures 35
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Yves Benot
Idéologies, nation et structures sociales en Afrique noire
In: Tiers-Monde. 1974, tome 15 n°57. pp. 135-170.
Citer ce document / Cite this document :
Benot Yves. Idéologies, nation et structures sociales en Afrique noire. In: Tiers-Monde. 1974, tome 15 n°57. pp. 135-170.
doi : 10.3406/tiers.1974.1992
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1974_num_15_57_1992IDÉOLOGIES MOBILISATRICES
IDÉOLOGIES
NATION ET STRUCTURES SOCIALES
EN AFRIQUE NOIRE
par Yves Bénot*
Quand on aborde l'Afrique noire d'aujourd'hui sous l'angle des idéo
logies qu'elle produit (celles des dirigeants et celles des opposants), on peut
se sentir d'abord rassuré sur la validité de ce point de vue, du fait que ses
représentants les plus qualifiés confèrent au mot idéologie un sens exclu
sivement positif. Tout le monde, ou peu s'en faut, paraît au moins d'accord
sur ce point, qu'il faut une idéologie; le débat, semble-t-il, ne commence
que lorsqu'il s'agit de définir et de choisir l'idéologie qui convient à l'Afrique
d'aujourd'hui.
Il est non moins clair que dans une telle conception, l'idéologie une
fois établie peut être imposée à l'ensemble de la population par des moyens
appropriés; sans doute, le mot « imposer » ne manquerait pas de choquer
les auteurs (auteurs apparents, immédiats) de ces idéologies, car le moyen
admis est toujours l'éducation, l'enseignement qui assume, bon gré mal
gré, le rôle de diffuseur de l'idéologie officielle.
L'identité des professions de foi en l'Idéologique et le Culturel (i) mérite
d'être illustrée avant tout, à la surface de ce qui est dit.
Le primat du Culturel sur le Politique
« Notre thèse était, est que la Culture est supérieure à la Politique, dont elle est la condi
tion préalable et le but ultime »,
* Auteur de l'ouvrage Idéologies des indépendances africaines, Paris, Maspero, 1972 (cf. revue
Tiers Monde, janv.-mars 1973, t. XIV, n° 53, p. 196).
(1) C'est à dessein que j'emploie des majuscules qui sont de mon cru. YVES BÉNOT
proclame Senghor au Colloque sur la négritude qu'il a pris soin d'organiser
en avril 1971 comme une réponse au Festival panafricain d'Alger de 1969.
Quelle culture ? Bien entendu, celle de la négritude, qui est une idéologie.
Et même, en lutte, car le vrai débat
« est entre les hommes de culture et les hommes de politique, entre l'idéologie de la Négritude
et les idéologies qui, en Europe, en Asie et en Amérique, sont au service des impérialismes
en lutte pour la domination du Monde ».
Quant aux dernières, le même texte en donne une brève liste, « Capitalisme
libéral, ou Socialisme démocratique, Marxisme-léninisme à la russe ou à
la chinoise », d'où il ressort sans ambiguïté que le marxisme est vu ici comme
une idéologie parmi d'autres (1). Soit, dira-t-on, mais les vues de Senghor
sont maintenant bien connues, de même qu'il est bien connu qu'elles ne pas une expression adéquate de la politique effectivement pratiquée au
Sénégal depuis une quinzaine d'années. Mais Senghor idéologue n'est pas
si seul que cela.
Contemporaine de ce discours sur la négritude, voici une intervention
de Sekou Touré lors d'une Conférence syndicale afro-européenne :
« II n'existe que deux sortes d'idéologies : celle du progrès, partant de la prise en consi
dération de l'entité supérieure que représente le peuple, et celle, réactionnaire, faisant de
l'individu la fin et du peuple le moyen » (2).
Bien entendu, il y a un abîme entre cette déclaration et celles de Senghor;
et il saute aux yeux qu'en dépit de l'appel, tant de fois répété, de Senghor
à une « civilisation de l'Universel », c'est Sekou Touré et non Senghor qui
se place d'emblée sur le terrain des principes généraux d'une pensée politique
progressiste. Du même coup et conformément à une inspiration constante
dans les textes de Sekou Touré, se trouve écartée la tentation de recourir
à l'appel du chauvinisme; Senghor pour sa part, quand les circonstances
politiques le pressent, n'hésite pas à sacrifier son universalisme pour s'en
prendre à
« l'effroyable pression des idéologies étrangères qui veulent empêcher notre effort pour
forger une idéologie nationale, négro-africaine et sénégalaise I » (3).
Donc, de par son contenu et son inspiration, il ne saurait être question
de confondre l'idéologie du progrès invoquée par Sekou Touré avec l'Idéo
logie senghorienne.
(1) Ce discours de Senghor intitulé : Problématique de la négritude et prononcé le 1 2 avril 1 969
a été publié d'abord dans le numéro spécial du Soleil, quotidien de Dakar, le 8 mai 1971,
puis aux Editions Présence africaine, Colloque sur la négritude, 1972. Les majuscules sont de
Senghor.
(2) Cité d'après Horqya-Hebdo, 20 mars 1969.
(3) Le Soleil, 5 avril 1973.
136 IDÉOLOGIES EN AFRIQUE NOIRE
Mais cela dit, si l'on en revient au problème général du rôle de l'idéologie,
il apparaît qu'ici aussi le marxisme est une idéologie (i) et surtout, que la
thèse du primat du culturel va réapparaître et avec beaucoup plus de netteté.
« C'est pourquoi, dit Sekou Touré après avoir rappelé les conditions de développement
propres à l'Afrique et les « complexes » nés de la colonisation, en Afrique, la Révolution
culturelle doit devancer et préparer la Révolution politique, économique et sociale. Elle
seule garantira le succès du bon qualitatif et quantitatif à l'intérieur d'un régime... » (2).
Ce ne sont pas là des paroles jetées en passant et oubliées ensuite, mais
un thème permanent.
« Beaucoup de moyens sont envisagés pour la transformation de notre société, mais
nous avons tous retenu que la Réforme de l'Education en Guinée doit se révéler le moyen
suprême le plus décisif »,
dit Sekou Touré devant le Conseil supérieur de l'Education le ier octo
bre 1971. Ainsi l'idéologie, bien que tout doive partir du peuple selon
Sekou Touré, n'en est pas moins, ici aussi, le fait premier et qui exige sa
pénétration à travers l'enseignement (de l'école ou du parti) dans les ment
alités pour les reconvertir (3).
Nkrumah, pour sa part, s'il s'efforce de situer l'idéologie dans les struc
tures sociales réelles et de la définir dans une conception plus profondément
inspirée du marxisme, ne va pourtant pas négliger de mettre l'accent sur le
rôle clef de l'idéologie comme facteur nécessaire de la cohésion d'une société
donnée, et tout spécialement des sociétés de classes.
« Car, outre qu'elle s'efforce de promouvoir des attitudes et des fins communes à toute
la société, l'idéologie dominante est aussi ce qui décide de la forme que les institutions
doivent prendre en telle ou telle circonstance et de l'orientation à donner aux efforts de
tous » (4).
Si l'idéologie est un facteur décisif de cohésion dans une société quelle
qu'elle soit — et parfois de coercition, mais toujours le but de maintenir
sur pied l'ensemble constitué — , il en résulte pour Nkrumah que l'Afrique
nouvelle, si elle veut se libérer effectivement de l'impérialisme sous toutes
ses formes, a besoin d'une idéologie qui assure sa propre cohérence interne
face à l'impérialisme ; et c'est le but du consciencisme que d'établir cette idéologie
de la libération.
(1) « L'erreur est de considérer l'idéologie comme le produit d'un homme; le marxisme
n'est pas né uniquement de Marx. » Cette dernière phrase est soulignée dans Horoya-Hebdo,
20 mars 1969.
(2) Même source.
(3) Horoya-Hebdo, 28 janvier 1972.
(4) Consciendsm, p. 57 de l'édition anglaise (Heinemann édit., 1964). La traduction est
mienne. Une seconde édition, revue, a été publiée en 1970 (Panaf Books).
47 YVES BÉNOT
Néanmoins, avec cet ouvrage qui
« pour la première fois introduit nos problèmes vitaux dans la Sphère la plus haute de

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