Immigration et géopolitique urbaine : la question du logement à Oakland, Californie - article ; n°1 ; vol.21, pg 103-115
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Espace, populations, sociétés - Année 2003 - Volume 21 - Numéro 1 - Pages 103-115
La question du logement permet d'éclairer de nombreux aspects des redistributions spatiales qui s'opèrent dans la Baie de San Francisco sous la pression d'une forte immigration asiatique et hispanique. À Oakland, la politique de logement du maire Jerry Brown vise à redynamiser une ville économiquement sinistrée en attirant des populations blanches et aisées dans le centre-ville, profitant de l'envolée des prix dans la région de la Baie. Les premières améliorations visibles de l'économie restent toutefois dues au contexte global de croissance, mais aussi peut être à la personnalité, voire l'appartenance à la « race » blanche de Jerry Brown. Le succès à long terme de cette politique est moins évident et risque d'avoir des conséquences importantes pour la population, poussant les plus pauvres hors de la ville et contribuant à la dilution, déjà largement amorcée, de l'électorat noir.
Immigration and Urban Geopolitics: Housing Policy and Minorities in Oakland, CA.
The housing issue is an interesting window into the multiple spatial redistributions operating under the intense pressure of Asian and Hispanic immigration in the San Francisco Bay Area. In Oakland, mayor Jerry Brown's housing policy intends to revitalize an economically depressed city by attracting wealthy white populations into the city center thanks to skyrocketing housing prices in the Bay Area. The first signs of economic recovering in Oakland are certainly due to the global context of economic growth but probably also to Jerry Brown's personality if not to the fact he is white. The long term success of his policy is less certain and is likely to have tremendous consequences for the population like pushing the poor out of the city and participating to the already started dilution of Black electoral power.
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

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Publié par
Publié le 01 janvier 2003
Nombre de lectures 36
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Frederick Douzet
Immigration et géopolitique urbaine : la question du logement à
Oakland, Californie
In: Espace, populations, sociétés, 2003-1. Diversité des populations d'Amérique du Nord. pp. 103-115.
Résumé
La question du logement permet d'éclairer de nombreux aspects des redistributions spatiales qui s'opèrent dans la Baie de San
Francisco sous la pression d'une forte immigration asiatique et hispanique. À Oakland, la politique de logement du maire Jerry
Brown vise à redynamiser une ville économiquement sinistrée en attirant des populations blanches et aisées dans le centre-ville,
profitant de l'envolée des prix dans la région de la Baie. Les premières améliorations visibles de l'économie restent toutefois dues
au contexte global de croissance, mais aussi peut être à la personnalité, voire l'appartenance à la « race » blanche de Jerry
Brown. Le succès à long terme de cette politique est moins évident et risque d'avoir des conséquences importantes pour la
population, poussant les plus pauvres hors de la ville et contribuant à la dilution, déjà largement amorcée, de l'électorat noir.
Abstract
Immigration and Urban Geopolitics: Housing Policy and Minorities in Oakland, CA.
The housing issue is an interesting window into the multiple spatial redistributions operating under the intense pressure of Asian
and Hispanic immigration in the San Francisco Bay Area. In Oakland, mayor Jerry Brown's housing policy intends to revitalize an
economically depressed city by attracting wealthy white populations into the city center thanks to skyrocketing housing prices in
the Bay Area. The first signs of economic recovering in Oakland are certainly due to the global context of economic growth but
probably also to Jerry Brown's personality if not to the fact he is white. The long term success of his policy is less certain and is
likely to have tremendous consequences for the population like pushing the poor out of the city and participating to the already
started dilution of Black electoral power.
Citer ce document / Cite this document :
Douzet Frederick. Immigration et géopolitique urbaine : la question du logement à Oakland, Californie. In: Espace, populations,
sociétés, 2003-1. Diversité des populations d'Amérique du Nord. pp. 103-115.
doi : 10.3406/espos.2003.2067
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/espos_0755-7809_2003_num_21_1_2067DOUZET1 Département de Géographie et d'Histoire Frederick
UFR Lettres et Sciences Humaines
33, boulevard du Port
95011 Cergy-Pontoise Cedex
fredDouzet@compuserve.com
Immigration et géopolitique
urbaine : la question du
logement à Oakland, Californie
En juillet 2001, un propriétaire d'apparte justification valable pour toute expulsion.
ments de la Baie de San Francisco a été jugé La mesure EE, « just-cause eviction » a été
coupable de discrimination à l'égard de ses adoptée par une courte majorité des habi
tants d'Oakland, au grand dam du maire locataires africains-américains2. Profitant de
Jerry Brown. Deux ans plus tôt, le conseil l'envol des tarifs immobiliers dans la région
municipal avait clairement rejeté ce projet de la Baie, il avait acquis plus de 150 loge
de loi et le maire l'avait fermement combattments dans la ville d'Oakland, qu'il rentabil
u tout au long de la campagne de 2002. isait en contournant habilement les lois sou
mettant l'augmentation des loyers à l'arbi Ce conflit éclaire de nombreux aspects des
trage d'une commission municipale. De redistributions spatiales qui s'opèrent dans
nombreux locataires noirs se sont vus expul la Baie de San Francisco sous la pression
ser de leur logement avec un préavis de 30 d'une forte immigration asiatique et hispa
jours, puis aussitôt remplacer par des immig nique, dont les ramifications géopolitiques
rants latinos récents. Entre temps, le loyer sont multiples et interdépendantes.
avait quasiment doublé. La plupart des nou Dans un contexte économique très pregnant,
veaux locataires ne parlaient qu'espagnol et les rivalités de pouvoir se multiplient entre
ignoraient tout de leurs droits civiques, écar les groupes ethno-raciaux alors qu'une lutte
tant ainsi tout risque de recours devant la acharnée pour l'espace met en compétition
commission d'arbitrage. La loi interdit les les investisseurs à la recherche de profits, les
évictions basées sur des critères raciaux. villes à la recherche d'investisseurs, et les
L'éviction pour raison de profit est, en familles à revenus modérés à la recherche
revanche, parfaitement légale. Ou du moins d'un logement abordable. La question
l'était jusqu'aux élections de novembre ethno-raciale surgit régulièrement au cœur
2002, où un groupe de militants a réussi à des débats sur le logement et le développe
réunir suffisamment de signatures pour sou ment urbain, alors que l'afflux constant de
mettre au vote un projet de loi imposant une nouveaux immigrants modifie les rapports
1 Géographe, chercheuse à l'Institut Français de 2 Henry K. Lee, « Jury says landlord guilty of race
Géopolitique, Maître de conférences en civilisation bias », The Oakland Tribune, 31 août 2001.
américaine à l'Université de Cergy-Pontoise. |
|
,
104
Les quartiers d'Oakland, Californie
LÉGENDE
Fruitvaie Quartier
lALAMEDAl Ville
San Baie Francisco de Autoroutes
(jj) Centre-ville
natowh San Antonio
Central East
Oakland
©F. Douzet, 2003
La Baie de San Francisco, CA Personnes propriétaires de leur logement, 1990
% Propriétaires
■ [ 75 93 ]
■ [ 50 , 75 [
H [ 25 , 50 [
[ 10 , 25 [
Abs. de données Source : Bureau of the Census 105
de force entre les groupes et génère de nou comprendre pourquoi Oakland a peut-être
veaux enjeux politiques, économiques, aujourd'hui le potentiel d'attirer ce type
sociaux et culturels. d'habitants, si ce potentiel est susceptible ou
La question du logement s'avère ainsi être non d'être réalisé et quelles sont les implica
une vitrine intéressante dans l'étude de l'imtions pour la ville en termes de développe
pact majeur de l'immigration actuelle sur les ment économique et de population.
territoires urbains et leurs populations en Descendre à l'échelle d'un petit territoire
Californie. Et c'est sans doute dans la région urbain permet de prendre toute la mesure de
de la Baie de San Francisco qu'elle se pose l'imbrication de la question du logement, du
avec le plus d'acuité. Cette région se dis développement urbain et des rivalités de
tingue par une flambée des prix du logement pouvoir liées à l'immigration mais aussi aux
liée à la fulgurante réussite économique des stratégies d'intégration des différents
acteurs de la Silicon Valley et à l'attrait groupes ethno-raciaux.
constant qu'elle exerce sur les populations A travers l'exemple de la ville d'Oakland,
étrangères ou d'autres régions des États- on peut ainsi montrer toute la complexité
Unis. Arrivé à saturation, le marché du loge des enjeux de l'immigration asiatique et hi
ment s'ouvre désormais aux territoires spanique sur un territoire urbain, particulièr
urbains jusque-là totalement délaissés par ement bien illustré par les rivalités de pouvoir
les investisseurs comme par les populations dans le logement. Derrière cette question se
de classe moyenne ou aisée en recherche de profilent celles du développement écono
logement, mais vers lesquels se sont massi mique de la ville, du devenir des populations
vement dirigés les immigrants récents. C'est les plus démunies, de la discrimination
notamment le cas de la ville d'Oakland, que raciale, de l'intégration socio-économique
les dirigeants espèrent régénérer économi des minorités ou encore de la perte de pou
quement en attirant une nouvelle génération voir politique des Noirs ; et chacune de ces
questions trouve un ancrage spatial clair d'habitants, financièrement aisée.
Les forces du marché ne sont pourtant qu'un dans le territoire de la ville.
des éléments d'explication permettant de
UN PARADOXE ECONOMIQUE
La ville d'Oakland représente un étrange minales de trois réseaux ferrés transconti
paradoxe. Ses atouts géographiques et éco nentaux, le B ART (Bay Area Rapid Transit),
nomiques auraient dû lui permettre de se l'équivalent du RER parisien, et se trouve au
remett

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