Innovation technologique et pratiques domestiques : analyse d'une expérience domotique - article ; n°1 ; vol.17, pg 91-102

Véronique Beillan

Description

Sociétés contemporaines - Année 1994 - Volume 17 - Numéro 1 - Pages 91-102
On the basis of a sociological follow-up study of an experiment in home-automation involving fifteen social homes, this study examines the conditions of social appropriation of new domestic technology. After presenting the method of data collection based on 3 waves of interviews over a period of 3 years with housedolds of an estate of automated homes, the article provides the first results and suggests new openings for more basic research during the third and last phase of the study. The comparative analysis of results from the first two waves of interviews reveals the resistance of expectations and attitudes of households with respect to automated homes but also the heterogeneous and ambivalent nature of their attitudes. The socio-economic and socio-cultural factors which inhibit the social integration of the technique are also identified. One is able to describe the links between the automation of tasks and certain other elements such as the status and identity of women, the organization and hierarchy of domestic activities and the custom of delegating and externalizing domestic work.
À partir du suivi sociologique d'une expérience domotique portant sur quinze logements du secteur HLM, cette étude traite des conditions d'appropriation sociale d'une nouvelle technologie domestique. Après un exposé de la méthode de recueil des données, basée sur la réalisation de trois vagues ď entretiens - réparties sur trois ans - auprès des ménages du lotissement domotique, l'article présente les premiers résultats ainsi que les nouvelles pistes de recherche à approfondir lors de la troisième et dernière phase du suivi. L'analyse comparative des deux premières vagues d'entretiens a permis de noter la permanence des attentes et des attitudes des ménages à l'égard de la domotique mais aussi le caractère hétérogène et ambivalent de ces dernières. Des freins ď ordre socio-économique et socio-culturel à l'intégration sociale de la technique ont été identifiés. Ainsi, des liens se dessinent entre l'automatisation des tâches et certains éléments tels que le statut et l'identité de la femme, l'organisation et la hiérarchisation des activités domestiques, les pratiques de délégation et ď externalisation du travail domestique.
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: SOCIETES_CONTEMPORAINES
• Publié le: 01 janvier 1994
• Nombre de lectures: 34
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Véronique Beillan
Innovation technologique et pratiques domestiques : analyse
d'une expérience domotique
In: Sociétés contemporaines N°17, Mars 1994. pp. 91-102.
Citer ce document / Cite this document :
Beillan Véronique. Innovation technologique et pratiques domestiques : analyse d'une expérience domotique. In: Sociétés
contemporaines N°17, Mars 1994. pp. 91-102.
doi : 10.3406/socco.1994.1156
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/socco_1150-1944_1994_num_17_1_1156Abstract
On the basis of a sociological follow-up study of an experiment in home-automation involving fifteen
social homes, this study examines the conditions of social appropriation of new domestic technology.
After presenting the method of data collection based on 3 waves of interviews over a period of 3 years
with housedolds of an estate of automated homes, the article provides the first results and suggests
new openings for more basic research during the third and last phase of the study. The comparative
analysis of results from the first two waves of interviews reveals the resistance of expectations and
attitudes of households with respect to automated homes but also the heterogeneous and ambivalent
nature of their attitudes. The socio-economic and socio-cultural factors which inhibit the social
integration of the technique are also identified. One is able to describe the links between the automation
of tasks and certain other elements such as the status and identity of women, the organization and
hierarchy of domestic activities and the custom of delegating and externalizing domestic work.
Résumé
À partir du suivi sociologique d'une expérience domotique portant sur quinze logements du secteur
HLM, cette étude traite des conditions d'appropriation sociale d'une nouvelle technologie domestique.
Après un exposé de la méthode de recueil des données, basée sur la réalisation de trois vagues ď
entretiens - réparties sur trois ans - auprès des ménages du lotissement domotique, l'article présente
les premiers résultats ainsi que les nouvelles pistes de recherche à approfondir lors de la troisième et
dernière phase du suivi. L'analyse comparative des deux premières vagues d'entretiens a permis de
noter la permanence des attentes et des attitudes des ménages à l'égard de la domotique mais aussi le
caractère hétérogène et ambivalent de ces dernières. Des freins ď ordre socio-économique et socio-
culturel à l'intégration sociale de la technique ont été identifiés. Ainsi, des liens se dessinent entre
l'automatisation des tâches et certains éléments tels que le statut et l'identité de la femme, l'organisation
et la hiérarchisation des activités domestiques, les pratiques de délégation et ď externalisation du travail
domestique.♦ ♦♦♦♦♦♦ VÉRONIQUE BEILLAN ♦ ♦♦♦♦♦♦
INNOVATION TECHNOLOGIQUE
ET PRATIQUES DOMESTIQUES :
ANALYSE D'UNE EXPÉRIENCE DOMOTIQUE
de RÉSUMÉ lotissement nouvelle délégation hétérogène dessinent attentes socio-culturel comparative logements sur la recherche femme, réalisation et technologie î entre du À et des domotique, et partir ď l' secteur à organisation Г externalisation ambivalent attitudes l'intégration approfondir automatisation de deux trois du domestique. HLM, premières V suivi vagues article des et de cette sociologique ménages sociale lors du la présente ces ď des Après vagues hiérarchisation travail étude entretiens de tâches dernières. de la un à traite domestique. les d'entretiens la l'égard troisième exposé d'une et technique premiers - certains réparties des Des de des expérience conditions la et freins la activités résultats a méthode éléments ont sur dernière permis domotique trois été ď d'appropriation domestiques, ordre identifiés. ainsi de tels ans phase recueil noter mais que - auprès socio-économique du le portant les la Ainsi, des aussi statut permanence suivi. les nouvelles des données, sociale pratiques le des ménages et sur L'analyse caractère l'identité liens quinze pistes basée d'une des du de se et
Le terme de domotique est apparu récemment et bien que l'on puisse en trouver
des définitions, telle celle du Larousse : « La domotique recouvre l'ensemble des
techniques qui tendent à intégrer à l'habitat tous les automatismes en matière de
sécurité, de gestion de l'énergie, de communication », dans la pratique, le consensus
ne s'est pas encore fait sur le sens à donner à cette notion. Un simple automatisme
tel que des volets mécaniques roulants peut-il être considéré comme de la
domotique ?
D'autres définitions mettent davantage l'accent sur la dimension « service » que
sur la dimension technique de la domotique. Michel Muffat (1989), par exemple, la
définit comme « l'ensemble des services de l'habitat assurés par des systèmes
réalisant plusieurs fonctions et pouvant être connectés entre eux et à des réseaux
internes et externes de communication. Parmi ces fonctions on trouve notamment
l'économie et la gestion technique, l'information et la communication, la maîtrise
du confort, la sécurité et l'assistance ». Philippe Dard, sociologue au Centre
Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB), propose une définition plus
globalisante qui met aussi l'accent sur la notion de service et élargit le champ
d'application de la domotique au-delà des limites de la maison. Pour lui, la
domotique irrigue le quartier voire la ville : « En dépit de son radical " domus " , la n'a pas pour référence exclusive l'espace morphologique de la
Sociétés Contemporaines (1994) n" 17 (p. 91-102)
91 BEILLAN ♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦ VÉRONIQUE
" " maison , mais plus largement l'ensemble des lieux concernés par la vie
domestique et par des pratiques d'habiter. Ces lieux sont de différente nature : le
logement, l'immeuble, le quartier, des équipements urbains publics ou privés, voire
même le travail » (1993).
Ce flou sémantique est naturel dans un contexte de gestation de la technique.
Toutefois, le travail d'observation et d'étude impose de délimiter l'objet d'analyse
et de circonscrire son champ d'application. Cette recherche est ainsi partie du
postulat selon lequel il y a domotique lorsqu'il y a mise en relation de deux
automatismes entre eux (par exemple, un volet mécanique roulant devient de la
domotique dès lors que l'on peut le commander à distance). La domotique implique
donc un système qui intègre au moins deux fonctions. Cette acception est ainsi plus
proche de la seconde définition qui insiste sur la mise en relation des fonctions entre
elles et avec des réseaux extérieurs que de la première. De plus, il paraît moins
restrictif de définir la domotique sous l'angle des services (comme le font M. Muffat
et P. Dard) que sous l'unique angle de la technique. On pourrait, en raccourci, dire
qu'il s'agit d'un ensemble de services médiatisés par une offre technique.
En termes d'applications, la domotique permet d'assurer des fonctions de gestion
de l'énergie, de commande à distance des appareils domestiques (télé-action), de
sécurité, de communication. Elle peut également comprendre des systèmes
d'assistance et de santé : télé-surveillance, télé-enseignement, télé-achat.
La recherche dont les premiers résultats sont présentés ici s'inscrit dans le cadre
d'une expérimentation domotique dans un lotissement HLM de quinze maisons, dans
le centre de la France. Elle s'attache à la dimension « comportements et usages » de
cette nouvelle technologie domestique afin de cerner le processus d'appropriation
sociale de cette innovation et de dégager les principes organisateurs des
comportements dans la mesure où il n'y a pas d'acquisition spontanée de la
technique l. Pour répondre à cet objectif, une approche de type socio-technique est
rapidement apparue comme trop réductrice : ce type d'approche sous-tend une vision
déterministe de la technique en postulant qu'elle a un effet structurant sur les
pratiques. L'intégration d'un modèle d'analyse plus proche de l'anthropologie des
usages - dans l'esprit des travaux de Kaufman (1992), Schwach (1992), Denèfle
(1992) et Ostner (1992) - qui laisse une plus grande part aux déterminants culturels
et symboliques des pratiques, est apparu plus fécond. En effet, les pratiques au sens
des habitudes domestiques et comme éléme