L'Afrique dans la tradition des sciences sociales au Brésil - article ; n°1 ; vol.67, pg 47-83

Luis-Rodolfo Vilhena

Description

Journal des africanistes - Année 1997 - Volume 67 - Numéro 1 - Pages 47-83
Ce texte entend retracer l'histoire de la réflexion dans les sciences sociales brésiliennes à propos d'une Afrique essentiellement métaphorique, et qui est, avant tout, une Afrique « brésilienne ». La question est de situer le Noir à l'intérieur de la formation nationale. Il s'agit de savoir quels sont les critères enjeu pour définir, d'une part, des caractéristiques éventuelles de différentes négritudes, et, d'autre part, les impacts relatifs de ces négritudes sur le caractère national.
The aim of this text is to outline the history of an essentially imaginary, and above all Brazilian Africa within the Brazilian social sciences. The pervading concern is to locate the black man with the Brazilian nation. What are the criteria used to define varyng notions of blackness and to evaluate their impact upon national character?
37 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: JOURNAL_DES_AFRICANISTES
• Publié le: 01 janvier 1997
• Nombre de lectures: 19
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 3 Mo

Extrait

Luis-Rodolfo Vilhena
L'Afrique dans la tradition des sciences sociales au Brésil
In: Journal des africanistes. 1997, tome 67 fascicule 1. pp. 47-83.
Résumé
Ce texte entend retracer l'histoire de la réflexion dans les sciences sociales brésiliennes à propos d'une Afrique essentiellement
métaphorique, et qui est, avant tout, une Afrique « brésilienne ». La question est de situer le Noir à l'intérieur de la formation
nationale. Il s'agit de savoir quels sont les critères enjeu pour définir, d'une part, des caractéristiques éventuelles de différentes
négritudes, et, d'autre part, les impacts relatifs de ces négritudes sur le caractère national.
Abstract
The aim of this text is to outline the history of an essentially imaginary, and above all "Brazilian" Africa within the Brazilian social
sciences. The pervading concern is to locate the black man with the Brazilian nation. What are the criteria used to define varyng
notions of "blackness" and to evaluate their impact upon national character?
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Vilhena Luis-Rodolfo. L'Afrique dans la tradition des sciences sociales au Brésil. In: Journal des africanistes. 1997, tome 67
fascicule 1. pp. 47-83.
doi : 10.3406/jafr.1997.1120
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0399-0346_1997_num_67_1_1120Rodolfo VILHENA* Luis
L'Afrique dans la tradition
des sciences sociales au Brésil1
Résumé
Ce texte entend retracer l'histoire de la réflexion dans les sciences sociales
brésiliennes à propos d'une Afrique essentiellement métaphorique, et qui est, avant
tout, une Afrique « brésilienne ». La question est de situer le Noir à l'intérieur de la
formation nationale. Il s'agit de savoir quels sont les critères enjeu pour définir, d'une
part, des caractéristiques éventuelles de différentes négritudes, et, d'autre part, les
impacts relatifs de ces négritudes sur le caractère national.
Mots-clefs
Brésil, identité nationale, racisme, Bastide, Casa grande
Abstract
The aim of this text is to outline the history of an essentially imaginary, and above
all "Brazilian" Africa within the Brazilian social sciences. The pervading concern is
to locate the black man with the nation. What are the criteria used to define
varyng notions of "blackness" and to evaluate their impact upon national character?
Keywords
Brazil, national identity, racisme, Bastide, Casa grande
1 Ce Professeur texte est à l'Université la seconde d'Etat version de d'une Rio de communication Janeiro (UERJ). présentée au séminaire Images de
l'Afrique au Brésil qui s'est tenu à l'Université de l'État de Rio de Janeiro, en date du 25 et
26 octobre 1996. Les commentateurs en étaient Ricardo Benzaquém de Araujo, Maria Laura
Cavalcanti et Beatriz Gois Dantas. J'ai également mis à profit les remarques de Marc-Henri
Piault dans le sens de le rendre plus accessible à un public non brésilien.
Journal des Africanistes 67 (1) 1997: 47-83 48 LUÍS RODOLFO VlLHENA
INTRODUCTION
Je souhaite ici élargir quelques-uns des résultats de mon enquête sur les
études de folklore dans le champ intellectuel brésilien2. Replacée dans le contexte
de la pensée sociale brésilienne, cette enquête a mis en lumière des thèmes et des
problèmes qui traversent ce domaine plus large, et que je voudrais traiter et
articuler à une réflexion sur la présence de l'Afrique dans ce domaine. Couvrant
un vaste ensemble de travaux distribués sur près d'un siècle, je serai contraint
d'osciller entre une vision panoramique — où des œuvres complexes et
diversifiées seront présentées et abordées dans une perspective très générale —
et des analyses de détail illustrant des aspects plus proches de mes intérêts de
recherche initiaux. Loin de prétendre épuiser le sujet, je m'estimerai heureux si
j'ai pu fournir quelques hypothèses générales qui demanderont à être développées
dans des études plus approfondies, et esquisser les traits généraux d'un panorama
utile sur le développement des Sciences Sociales3 au Brésil.
Comme on l'a déjà observé, l'étude de leur propre société a exercé un attrait
constant sur les chercheurs qui marquent l'histoire de la pensée sociale
brésilienne. Il y a encore quelques décennies, même lorsqu'ils s'intéressaient à
des sujets très spécifiques, les chercheurs brésiliens se concentraient volontiers
sur des objets concernant leur société, et justifiaient leur travail en invoquant leur
prétendue contribution à l'examen des « problèmes nationaux ». C'est ainsi que
« l'Afrique » envisagée par les sciences sociales brésiliennes au cours de leur
développement doit être entendue métaphoriquement. La réalité socio-culturelle
du continent africain n'a intéressé les principales figures de notre histoire
intellectuelle que dans la mesure où elle les aidait à comprendre une « Afrique
brésilienne ». On réfléchissait avant tout à ce que la présence, durant la plus
grande partie de la période coloniale et le demi-siècle qui a suivi l'indépendance,
d'un grand nombre d'esclaves d'origine africaine impliquait pour notre vie
nationale, ainsi qu'à la part prise par leurs descendants à la constitution de la
société et de la culture brésiliennes. Comprise en ce sens très métaphorique,
« l'Afrique brésilienne » apparaît comme un des thèmes centraux dans la tradition
des sciences sociales au Brésil.
32 II Ces est recherches important de sont rappeler à l'origine qu'au de Brésil, ma thèse ce terme de doctorat de Sciences (Vilhena, Sociales 1995). a un sens plus précis
que celui de la dénomination d'un vaste ensemble de disciplines qui s'opposent aux « sciences »
dites « naturelles ». Dans les années 30 ont été créés les premiers diplômes universitaires en
« Sciences Sociales » englobant une formation à la fois en Sociologie, en Anthropologie et en Politiques. Encore aujourd'hui, les titres spécifiques pour chacune des ces disciplines
ne peuvent être obtenus qu'au niveau du 3e cycle, lequel ne s'est généralisé au Brésil qu'à partir
de la fin des années 60. Il est ainsi commun de considérer comme Sciences Sociales stricto sensu
l'ensemble de ces trois disciplines dont la spécificité, durant la période envisagée dans mon article,
n'était pas encore très nette dans le champ intellectuel brésilien. C'est dans ce sens qu'il faut
donc entendre mon emploi de ce terme.
Journal des Africanistes 67 (I) 1997: 47-83 L'Afrique dans la tradition des sciences sociales au Brésil 49
Ces caractéristiques ont donné une tonalité spécifique au domaine d'études
récent qui se développe au Brésil sous le nom de « pensée sociale brésilienne ».
Si cette appellation se réfère de manière assez vague à diverses réflexions sur des
thèmes sociaux et politiques apparus dans ce pays, la persistance de cet effort
obsessionnel d'auto-réflexion finit par donner à l'ensemble ainsi désigné une
certaine unité. L'adjectif « brésilienne » marque bien sûr que cette « pensée » a
été conduite au Brésil, mais aussi qu'elle a porté le plus souvent sur ce pays et
sur les problèmes qu'il a à se définir comme nation moderne.
Actuellement, bénéficiant d'une situation institutionnelle relativement fa
vorable — surtout si on la compare à ce qu'il en est ailleurs en Amérique Latine
(cf. Miceli, 1995 : 9) — , les chercheurs en sciences sociales cherchent à élargir
leur spectre thématique et manifestent une certaine défiance à l'égard du zèle
missionnaire de certains de leurs prédécesseurs4, qu'il perçoivent comme un stade
idéologique dépassée. D'où une série de travaux sur l'histoire des sciences
sociales brésiliennes, où les auteurs tentent de repérer le moment crucial où ce
stade idéologique a été dépassé au profit d'une perspective véritablement
scientifique. Dans mon enquête sur l'image de l'Afrique dans la tradition des
sciences sociales, je parcourerai une aire très vaste de la pensée soci