L Afrique entre deux millénaires - article ; n°1 ; vol.70, pg 357-372
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L'Afrique entre deux millénaires - article ; n°1 ; vol.70, pg 357-372

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Description

Journal des africanistes - Année 2000 - Volume 70 - Numéro 1 - Pages 357-372
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 12
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Élikia M'Bokolo
L'Afrique entre deux millénaires
In: Journal des africanistes. 2000, tome 70 fascicule 1-2. pp. 357-372.
Citer ce document / Cite this document :
M'Bokolo Élikia. L'Afrique entre deux millénaires. In: Journal des africanistes. 2000, tome 70 fascicule 1-2. pp. 357-372.
doi : 10.3406/jafr.2000.1238
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0399-0346_2000_num_70_1_1238Elikia M'BOKOLO
« L'Afrique entre deux millénaires »
Après avoir hésité devant la lourde tâche de succéder à Georges Balan-
dier, le maître dont chacun connaît le talent, la capacité de synthèse, la
largeur de vue, j'ai finalement accepté de prononcer à mon tour la confé
rence Marcel Mauss.
J'ai accepté de le faire parce que, depuis deux ou trois ans, c'est un
exercice imposé parmi les Africains, aussi bien les « Africains de la dias
pora », comme on dit aujourd'hui, que les Africains du continent, que de
s'interroger sur « l'Afrique et le troisième millénaire », sur ce que l'Afrique
va devenir ou peut devenir au millénaire, sur ce que ce millénaire
naissant va lui apporter, peut lui apporter ou devrait lui apporter, en termes
d'opportunités, de ressources et de défis. J'ai donc spontanément proposé
que cette conférence Marcel Mauss me donne à mon tour l'occasion de me
livrer devant vous à cet exercice imposé. À ceci près que, à côté des réflexions
et approches que je viens d'évoquer et qui relèvent de la prospective, de la
philosophie politique ou de la stratégie politique, nationale, régionale,
continentale, voire planétaire, je propose évidemment — et je pense que le
Marcel Mauss que nous connaissons, si attentif aux dynamiques du monde
de son temps, n'aurait pas été en désaccord avec moi — une lecture, des
considérations et des propositions d'historien sans naturellement m'enfer-
mer dans cette démarche d'historien ou me limiter exclusivement à des
propos d'historien.
Alors cette Afrique, telle que je la perçois et, j'allais dire, telle que je la
sens, c'est un continent, ce sont des sociétés, des peuples, dont on ne peut pas
dire aujourd'hui que toutes leurs forces soient tournées exclusivement vers
la construction d'un hypothétique futur, mais dont on ne peut pas dire non
plus qu'ils se présentent comme embarrassés par leur histoire, encombrés de
leur passé, nostalgiques de ce passé au point d'être aveugles aux urgences du
présent et à leurs implications pour demain. Je dirais plutôt que je les sens et
que je les perçois comme dans un entre-deux, situés et se situant dans une
sorte de présent indéfini qui me semble imposer à l'historien au moins deux
Journal des Africanistes 70 (1-2) 2000 : 357-372 358 Élikia M'Bokolo
tâches : la première, qui relève proprement de la spéculation historienne,
viserait donc à cerner au plus près les bornes en amont et en aval de cet
entre-deux ; l'autre, qui accepterait de céder aux sollicitations de la prospect
ive et qui est attentive aux indicateurs parfois ténus d'un passage éventuel
de ce présent indéfini à une autre phase de notre devenir, oserait s'engager
dans quelques « pistes pour l'action », comme on le dit dans les consultances.
À un trimestre près, cette soirée pourrait être une soirée anniversaire,
car notre fin de siècle, qui correspond exceptionnellement à ce passage
formel d'un millénaire à un autre, a été précédée par une autre fin de siècle à
tous points de vue instructive pour nous. Une autre fin de siècle au cours de
laquelle des « Africains » — en tout cas ils se donnaient comme tels et c'est
pour nous peut-être une première définition de l'Afrique — des Africains
donc, des gens d'origine africaine, des gens descendant d'Africains qui
avaient été eux-mêmes emmenés d'Afrique, et qui constituaient la diaspora
de cette époque, donc ces Africains-là se sont réunis à Westminster Town
Hall (Londres, 23-25 juillet 1900), avec la résolution de mettre à profit le
prétexte d'une fin de siècle pour réfléchir aux enjeux de ce moment-là, aux
combats qui étaient déjà engagés ou qui seraient à engager pour relever ces
défis, ainsi qu'aux paradoxes de leur situation.
Une situation singulière, toute de tensions et de contradictions. D'un
côté, une Afrique aux prises avec la toute première colonisation, celle de
1900, avec ses violences, ses abus, ses brutalités et ses crimes. Une Afrique
qui, en dehors de l'espace propre d'un apartheid qui prenait forme et se
mettait en place, se trouvait déjà confrontée à la barrière de la couleur et à un
racisme qui ne disait pas toujours son nom. Et une Afrique défaite, au
premier regard irrémédiablement défaite, tant elle accumulait des revers,
comme la déroute et la mort de Rabah au Tchad en 1900 ou la défaite de
Samo ri qui précisément meurt en exil au Gabon en 1900. Mais d'un autre
côté, une Afrique en pleine effervescence, politique, intellectuelle, culturelle,
religieuse. L'Afrique des églises indépendantes et prophétiques, « éthiopien
nes » ici, « noires » là-bas, chrétiennes partout, qui prolifèrent au Nigeria,
en Gold Coast, sur la côte du Golfe de Guinée et en Afrique du Sud. Une
Afrique qui, du Bechuanaland au Tanganyika, de la Sierra Leone aux
Rhodésies, voit aussi en même temps toute une série d'insurrections, ces
résistances dites « primaires », dans lesquelles certains d'entre nous, Afri
cains d'aujourd'hui, voient les prémices du nationalisme moderne et l'un des
fondements de nos états indépendants. Une Afrique enfin qui, fière de la
victoire retentissante de Menelik II sur l'Italie à Adoua (1896), commençait
à rêver du jour où elle pourrait entrer triomphalement et par la grande porte
dans la cour des grandes nations. Réunis à Londres, au sein même de la
Journal des Africanistes 70 (1-2) 2000 : 357-372 Conference Marcel Mauss 359
première puissance impériale et posant un acte fondateur, sans peut-être en
mesurer la portée, ces gens-là — une poignée de quelque trente-deux per
sonnes se considérant comme des Africains et se définissant comme Afri
cains — ont tracé les bornes d'une première Afrique, toujours présente
dans nos consciences et active, j'allais dire une Afrique sans frontières, de
Dakar jusqu'à Djibouti, d'Alger jusque Capetown, relayée de diaspora en
diaspora jusqu'au cœur des Amériques et de l'Europe.
Aujourd'hui, cent ans après, si on essayait de refaire le même exercice de
dosage et de balancement, on se trouverait pris dans des contradictions
comparables. Quand nous regardons l'Afrique d'aujourd'hui, que devons-
nous retenir? Faut-il retenir le racisme, la xénophobie, le nationalisme,
l'ethnisme, dont on peut aujourd'hui mesurer l'ampleur et déplorer les
crimes ou doit-on se réjouir de voir l'ancien pays de l'apartheid se proclamer
« la nation arc-en-ciel » ? Faut-il s'arrêter sur les figures de Sani Abacha,
Nyasingbe Eyadema ou, au contraire, sur celles de Keneth Kaunda, Julius
Nyerere ou, pourquoi pas, Abdoulaye Wade ? Qu'est-ce qui est le plus
grave, des ravages du SIDA et de ceux du génocide rwandais ? Faut-il insister
sur les dérives, les tromperies et les désillusions d'opérations spectaculaires
comme restore hope ou se réjouir des efforts répétés d'un Julius Nyerere,
d'un Quet Masire, ou d'un Nelson Mandela pour réconcilier, comme on dit,
les frères ennemis du Burundi, du Rwanda et du Congo ? Entre les deux
Mobutu Sese Seko, le héros triomphant de l'« authenticité » et le léopard
déchu en 1997, quelle est la figure qui désigne le mieux les dynamiques et les
processus à l'œuvre dans l'Afrique d'aujourd'hui? Entre l'écrivain Ken
Saro Wiwa et ses huit compagnons pendus comme de vulgaires mécréants
et, de l'autre côté, un Franco Luambo Makiadi ou un Fêla Anikulapo
Kunti, portés en terre dans un déploiement de ferveur nationaliste et héroï-
sante, quelle est la figure qui nous parle le plus ? Et aussi, finalement, entre
l'appel désespéré de ces deux jeunes guinéens essayant à

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