L âme et ses facultés d après Aristote - article ; n°34 ; vol.9, pg 153-172
21 pages
Français

L'âme et ses facultés d'après Aristote - article ; n°34 ; vol.9, pg 153-172

-

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
21 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

Revue néo-scolastique - Année 1902 - Volume 9 - Numéro 34 - Pages 153-172
20 pages

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1902
Nombre de lectures 22
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Clodius Piat
L'âme et ses facultés d'après Aristote
In: Revue néo-scolastique. 9° année, N°34, 1902. pp. 153-172.
Citer ce document / Cite this document :
Piat Clodius. L'âme et ses facultés d'après Aristote. In: Revue néo-scolastique. 9° année, N°34, 1902. pp. 153-172.
doi : 10.3406/phlou.1902.1741
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-5541_1902_num_9_34_1741VI:
L'AME ET SES FACULTÉS
d'après artstote;
I.
Tous les anciens philosophes, ou à peu près, ont con
sidéré l'âme comme un principe de mouvement1). Ainsi
pensaient Thaïes2) et Pythagore3). C'était également l'opi
nion d'Heraclite4), celle de Démocrite5) et celle d'Anaxa-
gore6). Platon lui-même admettait cette manière de voir,
et c'est de là qu'il partait pour édifier, sa psychologie tout
entière7).
Comme, d'autre part, ces penseurs ne comprenaient pas
encore qu'une chose pût en mouvoir une autre sans être
elle-même en mouvement8), ils ont abouti dans leurs re
cherches à deux conceptions principales de l'âme : la pre
mière d'après laquelle son essence est d'être en mouvement,
c'est ce qu'enseignaient Leucippe et Démocrite9); la seconde
d'après laquelle l'essence de l'âme est- de se mouvoir elle-
même, tel était le sentiment de Platon et des Platoniciens10).
1) Arist., De an., A, 2, 403b, 28-29 : <paj\ yaP ^vtot *<*i (xâXiïTa xal TtpwTO);
<]>U/T)V sTvai TO Xtvoov. Et ces quelques-uns (Ivtot), c'est presque tout le monde,
comme on le voit par la suite.
2) Id., Ibid.., A, 2, 405a, 19-21.
3) Id. Ibid., A, 2, 404a, 16-19.
4) Id. A, 2, 405a, 25-29.
5) Id. Ibid., A, 2, 403b, 31 et sqq.
6) Id. A, 2, 404a, 25-26; 405a, 13-19.
7) Id. Ibid., A, 2, 404a, 20-25; 404b, 16-30; 3, 406b, 26 et sqq.
8) Id. A, 2, 403b, 29-31 : O'nrjOévTe; ôè to jxt) xivoûfj.evov auTo
xive^Ev l'tepov, Twv xivou|j<ivtov ttjv ^u^tjv ÛTrsXaêov sTvat.
9) Id., Ibid., A, 2, 403b,. 31 et sqq.; Ibid., A, 2, 405a, 7-13 : y.[V£"ÎTai' TE XOÙ
xiveï ta à'XXa irpurctoç...
îo) 11., Ibid., A, 2, 404a, 20-25 : ÊVt TauTÔ 8s «pspovTai xal ô'aoi Xs^'ouat ttjV
fv to aÛTo xivo'jv...; Ibid., I, 2, 404b, 16-30. 154 CLODIUS PIAT
Or, ces deux conceptions sont l'une et l'autre entachées
d'erreur.
Il y a quatre espèces de mouvements : la translation,
l'altération, la diminution et l'accroissement ; et c'est dans
l'espace que tous ces mouvements s'accomplissent. Si donc
le propre de l'âme consiste à se mouvoir de l'un quelconque
d'entre eux, il faut aussi qu'elle soit dans l'espace ; il faut
qu'elle y soit par elle-même, non par accident : ce qui
semble tout à fait contraire aux données- de l'expérience
intime. L'âme n'est pas dans l'espace à la manière d'un
corps ; elle n'y est pas en vertu de son- essence : elle ne s'y
trouve que grâce à l'organisme dont elle a pris possession,
comme « la blancheur ou la dimension de trois coudées»1).
En outre, supposé que le propre de l'âme soit de se mouv
oir, quel est son mouvement l Si elle va vers le haut, c'est
du feu ; si elle va vers le bas, c'est de la terre ; si elle
oscille entre ces deux extrêmes, c'est de l'air ou de l'eau :
dans tous les cas, l'âme est un corps2). Et cette thèse,
que l'on trouve dans tous les systèmes mécanistes, a fait
son temps : elle est devenue de plus en plus insoutenable,
au fur et à mesure que la psychologie a gagné en précision.
La pensée proprement dite, la pensée telle qu'elle sort du
vouî, n'a pas • seulement l'unité de la grandeur : elle n'est
pas seulement continue ; elle est plutôt *. indivisible » . Com
ment pourrait-elle n'être que la modalité d'un corps 3) ?
On observe -quelque chose d'approchant dans les formes
inférieures de l'activité mentale. L'imagination, le souve
nir et même la sensation enveloppent un élément- sut gene
ris qui ne ressemble- ni aux phénomènes du feu ni à ceux
de l'air : il s'y trouve toujours quelque trace de perception.
Et la perception ne peut dériver de l'étendue ; car on n'en
fait ni des moitiés ni des quarts : elle est tout entière ou
1) Arist., De an., A, 3, 406a, 12-22.
2) Id., Ibid., A, 3, 406a, 27-30.
3) Id., A, 3, 407a, 2-10. L*AME ET SES FACULTES 155
n'est pas du tout l). De plus, les modes de l'âme ne demeur
ent pas à l'état d'éparpillement, comme les grains de
poussière dont parlait Pythagorc ; ils se ramènent à l'unité
d'un même principe. A chaque instant, je subis ou produis
une foule de phénomènes qui forment la trame de ma vie
intérieure : je vois, je touche, je sens et j'entends ^, j'ima
gine et me souviens-; je pense, je raisonne, je veux et me
meus. moi-même. Et tous ces phénomènes, je les englobe
dans une même vue qui les pénètre plus ou moins de sa
.clarté. Comment cette synthèse se produit-elle, si l'âme
n'est qu'une coordination d'atomes ? Comment puis-je per
cevoir le multiple, si je ne suis pas un2)?\La théorie méca-
niste n'explique donc ni les états psychologiques, ni l'unité
du sujet qui les saisit et les compare. Et cette critique de
fond n'est. pas la seule que l'on puisse lui opposer. Si-l'âme
se compose d'atomes, il n'y a plus de démarcation possible
entre l'être brut et l'être animé : tout sent et tout pense ;
tout vit et au même degré : ce qui contredit la plus univers
elle et la plus constante des apparences ?). Si l'âme se
compose d'atomes, ^lle est toujours déterminée ; elle ne se
détermine jamais elle-même ; il ne reste plus de place pour
la liberté dans le monde : ce qui renverse la condition et le
principe de la moralité 4).
Telles sont les principales difficultés de la théorie d'après
laquelle l'âme est un être en mouvement : elle conduit tout
droit au matérialisme; et le matérialisme ne se défend pas.
On se heurte à des obstacles analogues, lorsqu'on sou
tient,- avec Platon, que l'âme «se meut elle-même». Car, si
l'âme se meut au sens précis du'mot, c'est donc qu'elle est
en mouvement ; et, si elle est en mouvement, il faut du
•même coup qu'elle, soit un corps. De plus, la conception
platonicienne soulève des objections qui lui sont propres et
1) Arist., De gen. et corr., B, 6, 334a, 9-15.
2) Id., De an., A, 5, 409b, 26 et sqq.; Ibid., A, 5, 410b, 10-15.
3) Id., Ibid., A, 5, 410b, 7-10.
4) Id., Eth. Nie, F, 5, 1112a, 30-34; Ibid., 6, 1113b, 30 et sqq. .
CLODIUS PI AT 156
dont on ne voit point la solution. La « pensée » nous appar
aît plutôt comme un arrêt que comme un mouvement l).
Et, supposé qu'elle soit un mouvement, comment expli
quer,' dans ce cas, l'intcllection divine elle-même, cette
éternelle intellection qui donne le branle aux sphères et
par suite aux astres ! Ou bien, l'intelligence « royale »
procède par points ; et alors elle n'enveloppera jamais tout
son objet, vu que le nombre de points enfermés dans chaque
sphère est infini. Ou bien elle procède par parties ; et alors
elle connaîtra plusieurs fois la même chose, vu que chaque
sphère est un tout fini. Deux conséquences qui sont éga
lement-inadmissibles. Il n'y a ni succession, ni- limite, ni
répétition dans le développement de la pensée divine : elle
est toujours tout ce qu'elle peut être 2); Platon; -d'ailleurs,
veut expliquer par sa définition de l'âme le devenir qui se
manifeste dans la nature; et il n'y réussit pas. « L'âme,
dit-il, se meut • elle-même/ et par- le mouvement qu'elle
s'imprime elle meut les corps avec lesquels elle est entrela
cée. » Mais,- si l'âme se meut- elle-même, ellc-peut aussi ne
pas se mouvoir. Si elle peut ne pas se mouvoir, l'impulsion
qu'elle produit au dehors peut aussi ne pas être, et- dans ce
cas, le mouvement cosmique n'a plus rien de 'nécessaire 3)-;
il n'est que contingent : ce qui est impossible. Impossible
aussi que l'âme qui préside aux révolutions célestes ne soit
pas heureuse. Platon avoue lui-même que, si elle est au-

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents