L année 1800 — Perfectibilité, progrès et révolution dans De la littérature de Mme de Staël - article ; n°108 ; vol.30, pg 9-22
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L'année 1800 — Perfectibilité, progrès et révolution dans De la littérature de Mme de Staël - article ; n°108 ; vol.30, pg 9-22

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Description

Romantisme - Année 2000 - Volume 30 - Numéro 108 - Pages 9-22
On se propose d'abord d'examiner l'idée de progrès dans De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales à la lumière du dialogue que Mme de Staël ne cesse d'entretenir avec la pensée des Lumières, dont elle se veut l'héritière et qui selon elle inspire la «bonne» Révolution française. Il ne s'agit donc pas seulement de rappeler le modèle staëlien du progrès de la littérature, mais aussi de situer ce modèle dans le cadre plus large d'une réflexion sur l'histoire qui tente d'évacuer le schéma cyclique, renonce aux conjectures traditionnelles sur l'origine, renouvelle la conception voltairienne de la «civilisation» et récuse la tentation fataliste et le découragement devant les épreuves. Pour Mme de Staël, le progrès est d'abord garanti par la possibilité de l'initiative humaine : il n'a pas de sens sans liberté. Le livre se présente ici à la fois comme un bilan et comme un programme : l'idée de progrès permet de mesurer la distance théorique qui sépare les révolutionnaires des philosophes. Selon Mme de Staël, il faut arracher la Révolution à l'hypothèque du malheur de l'histoire (c'est-à-dire au traumatisme de la Terreur), ce qui passe par le recyclage des thèmes de la pensée «éclairée», mais ne peut faire l'économie d'un retour mélancolique de l'image de la destruction.
This article proposes to examine the idea of progress in De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales in light of the dialogue which Mme de Stael constantly maintains with the thought of the Enlightenment, of which she wishes to be the heir and which according to her inspires the «good» French Revolution. It is thus not only a matter of describing the Staelien model of the progress of literature, but also of situating this model in the larger context of a reflection on history, a reflection which attempts to eliminate the cyclical schema, renounce traditional speculations about origins, revive the Voltairian conception of « civilization », and reject fatalist temptations and discouragement when faced with setbacks. For Mme de Stael, progress is first of all guaranteed by the possibility of human initiative: it has no meaning without freedom. The book presents itself here simultaneously as an account and as a program: the idea of progress allows one to measure the theoretical distance which separates the revolutionaries from the philosophes. According to Mme de Stael, the Revolution must be torn from its mortgage to the misfortune of history (that is to the trauma of the Terror), which is done by repeating the themes of « enlightened » thought, but which cannot avoid a melancholy return of the image of destruction.
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Mme Florence Lotterie
L'année 1800 — Perfectibilité, progrès et révolution dans De la
littérature de Mme de Staël
In: Romantisme, 2000, n°108. pp. 9-22.
Citer ce document / Cite this document :
Lotterie Florence. L'année 1800 — Perfectibilité, progrès et révolution dans De la littérature de Mme de Staël. In: Romantisme,
2000, n°108. pp. 9-22.
doi : 10.3406/roman.2000.975
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_2000_num_30_108_975Abstract
This article proposes to examine the idea of progress in De la littérature considérée dans ses rapports
avec les institutions sociales in light of the dialogue which Mme de Stael constantly maintains with the
thought of the Enlightenment, of which she wishes to be the heir and which according to her inspires the
«good» French Revolution. It is thus not only a matter of describing the Staelien model of the progress
of literature, but also of situating this model in the larger context of a reflection on history, a reflection
which attempts to eliminate the cyclical schema, renounce traditional speculations about origins, revive
the Voltairian conception of « civilization », and reject fatalist temptations and discouragement when
faced with setbacks. For Mme de Stael, progress is first of all guaranteed by the possibility of human
initiative: it has no meaning without freedom. The book presents itself here simultaneously as an
account and as a program: the idea of progress allows one to measure the theoretical distance which
separates the revolutionaries from the philosophes. According to Mme de Stael, the Revolution must be
torn from its mortgage to the misfortune of history (that is to the trauma of the Terror), which is done by
repeating the themes of « enlightened » thought, but which cannot avoid a melancholy return of the
image of destruction.
Résumé
On se propose d'abord d'examiner l'idée de progrès dans De la littérature considérée dans ses rapports
avec les institutions sociales à la lumière du dialogue que Mme de Staël ne cesse d'entretenir avec la
pensée des Lumières, dont elle se veut l'héritière et qui selon elle inspire la «bonne» Révolution
française. Il ne s'agit donc pas seulement de rappeler le modèle staëlien du progrès de la littérature,
mais aussi de situer ce modèle dans le cadre plus large d'une réflexion sur l'histoire qui tente d'évacuer
le schéma cyclique, renonce aux conjectures traditionnelles sur l'origine, renouvelle la conception
voltairienne de la «civilisation» et récuse la tentation fataliste et le découragement devant les épreuves.
Pour Mme de Staël, le progrès est d'abord garanti par la possibilité de l'initiative humaine : il n'a pas de
sens sans liberté. Le livre se présente ici à la fois comme un bilan et comme un programme : l'idée de
progrès permet de mesurer la distance théorique qui sépare les révolutionnaires des philosophes.
Selon Mme de Staël, il faut arracher la Révolution à l'hypothèque du malheur de l'histoire (c'est-à-dire
au traumatisme de la Terreur), ce qui passe par le recyclage des thèmes de la pensée «éclairée», mais
ne peut faire l'économie d'un retour mélancolique de l'image de la destruction.Florence LOTTERIE
L'année 1800 - Perfectibilité, progrès et révolution
dans De la littérature de Mme de Staël
Dans les Considérations sur la Révolution française, publiées à titre posthume en
1818, Mme de Staël se plaint des «refrains continuels des journalistes françois depuis
quinze ans» qui ravalent son œuvre à une série de lieux communs dont le sens s'est
retrouvé figé; et parmi ces thèmes que la plaisanterie a flétris, «la perfectibilité de
l'espèce humaine» figure en bonne place l. Il est vrai que du milieu des louanges et
attaques qui accompagnent la publication, en 1800, de ce maître-livre qu'est De la li
ttérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales, émerge fortement
la discussion, prolongée durant plusieurs années, que Rœderer appela en 1803 la
« querelle de la perfectibilité » 2.
Tel était en effet le concept théorique majeur sur lequel s'articulait l'ouvrage, se
plaçant par là d'emblée sous le patronage de la philosophie des Lumières qui, de
Rousseau à Condorcet, avait popularisé le mot.
En parcourant les révolutions du monde et la succession des siècles, il est une idée pre
mière dont je ne détourne jamais mon attention; c'est la perfectibilité de l'espèce
humaine. Je ne pense pas que ce grand œuvre de la nature morale ait jamais été aban
donné; dans les périodes lumineuses, comme dans les siècles de ténèbres, la marche
graduelle de l'esprit humain n'a point été interrompue3.
Dès le discours préliminaire, le ton est donné : il est celui de la foi résolue,
appuyée sur ce qu'on appelle au xvme siècle «histoire philosophique» ou «histoire de
l'esprit humain», en une loi de progression humaine continue et linéaire. Mais si ce
qu'on peut ici considérer comme la dernière des grandes œuvres «philosophiques»
assume un héritage, elle est aussi en rupture avec le discours éclairé et permet d'ouv
rir sur une nouvelle problématique, même s'il ne s'agit pas encore de l'hypostase du
«Progrès», pour des raisons qu'il nous appartiendra de rappeler.
En rupture, le texte l'est d'abord par sa démolition en règle de la notion de
« cycle » et de « siècle » car, contrairement à une idée longtemps reçue sans discussion,
l'âge des Lumières reste intellectuellement tributaire du schéma de la décadence 4.
1. Mme de Staël, Considérations sur la Révolution française, J. Godechot (éd.), Taillandier, 1984,
p. 419.
2. Journal de Paris, 21 fructidor an XI (4 septembre 1803).
3. Mme de Staël, De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales, A. Blaes-
chke (éd.), Garnier, 1998, p. 40-41.
4. Des études déterminantes ont heureusement tordu le cou à l'image d'un siècle tout uniment progress
iste et optimiste. Sur la place de l'idée de décadence, voir notamment : Jochen Schlobach, «Pessimisme
des philosophes? La théorie cyclique de l'histoire au XVIIF siècle», Studies on Voltaire, 155, 1976,
p. 1971-1987; R. Mortier, «L'idée de décadence littéraire au xvme siècle», dans Le Cœur et la raison,
Oxford-Bruxelles, Voltaire Foundation/Éditions de l'Université de Bruxelles, 1990, p. 53-57; Jean-Marie
Goulemot, Le Règne de l'histoire. Discours historiques et révolutions. XVIIe -XVIIIe siècle, Albin Michel,
1996.
ROMANTISME n° 108 (2000-2) 10 Florence Lotterie
Plus que par sa définition de la littérature 5 ou même du statut historique et culturel
qu'elle lui accorde - et qui, pour le coup, est neuf - c'est peut-être à partir de ce
geste séparateur que s'éclaire le mieux la conception staëlienne du progrès, philoso
phie de l'histoire au sein de laquelle la littérature s'affirme à la fois comme un reflet
et comme un moteur, mais à la faveur d'une conception originale de l'historicité de
ce qui ne s'appelle plus ici les «mœurs», mais la «civilisation». Le sens du mot héri
te bien de Montesquieu et de Voltaire : les mœurs, ce sont les réalisations matérielles
de l'industrie humaine, les institutions sociales, la loi, ce qui règle la police des rap
ports, la religion, les apports de la culture, mais aussi l'esprit qui les fonde et les unit.
À la fois ressort de l'histoire, lieu de fusion des représentations culturelles de leur
diffusion, ce qui en fait l'instrument de mesure et de formation privilégié de cet
«esprit» cher au XVIIIe siècle, la littérature n'est fait de civilisation par excellence
qu'à la condition que se trouvent garanties les conditions de son déploiement par le
principe de liberté. Certes, elle contribue à l'imposer - c'est le progrès émancipateur
des « lumières » — mais il subira des revers historiques tant que ne sera pas consolidée,
dans et par un espace public rénové (autrement dit : républicain) une manière d'ad
mettre le rôle politique de l'activité littéraire elle-même tributaire de l'état général de
la civilis

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