L avancée fulgurante du complexe soja dans le Mato Grosso : facteurs clés et limites prévisibles - article ; n°179 ; vol.45, pg 567-594
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L'avancée fulgurante du complexe soja dans le Mato Grosso : facteurs clés et limites prévisibles - article ; n°179 ; vol.45, pg 567-594

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Tiers-Monde - Année 2004 - Volume 45 - Numéro 179 - Pages 567-594
concentrating on transport infrastructures. The agronomic and economic viability of the capital intensive agricultural model developed around the soybean remains uncertain due to the notable difficulties of transport and to environmental conservation, which is hardly taken into account.
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2004
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Pierre Bertrand
L'avancée fulgurante du complexe soja dans le Mato Grosso :
facteurs clés et limites prévisibles
In: Tiers-Monde. 2004, tome 45 n°179. pp. 567-594.
Abstract
concentrating on transport infrastructures. The agronomic and economic viability of the capital intensive agricultural model
developed around the soybean remains uncertain due to the notable difficulties of transport and to environmental conservation,
which is hardly taken into account.
Citer ce document / Cite this document :
Bertrand Jean-Pierre. L'avancée fulgurante du complexe soja dans le Mato Grosso : facteurs clés et limites prévisibles. In:
Tiers-Monde. 2004, tome 45 n°179. pp. 567-594.
doi : 10.3406/tiers.2004.5510
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_1293-8882_2004_num_45_179_5510L'AVANCEE FULGURANTE
DU COMPLEXE SOJA
DANS LE MATO GROSSO:
FACTEURS CLÉS
ET LIMITES PRÉVISIBLES1
par Jean-Pierre Bertrand*
Le boom du « complexe soja » dans le Mato Grosso s 'explique
par un certain nombre de facteurs favorables : une demande inter
nationale soutenue, la mise en place d'un modèle de production
compétitif grâce à l'adaptation des variétés de soja aux conditions
locales, tandis que les politiques de l'État, de la région et des acteurs
privés se concentraient sur des infrastructures de transport. La viabilité
agronomique et économique du modèle agricole intensif en capital déve
loppé autour du soja reste incertaine notamment à cause des difficultés
de transport et d'une préservation de l'environnement peu prise en
compte.
Nous avons montré il y a quelques années, dans cette même revue,
dans quelles conditions le « complexe soja » avait émergé dans les
années 1930 aux États-Unis, transformant radicalement les usages du
soja en faisant de son tourteau - à côté de son huile - la source princi
pale de protéine concentrée destinée à l'élevage intensif des volailles,
des porcs et des vaches laitières (J.-P. Berlan, J.-P. Bertrand, L. Lebas,
♦ Chercheur à I'inra, MONA, Nogent-sur-Marne.
1. Travail réalisé par une équipe franco-brésilienne, financé par le Fonds commun inra-cirad et le
credal (Centre de recherche et de Documentation sur l'Amérique latine) et auquel ont participé Richard
Pasquis (ciRAD, TERA), José Garcia Gasquès (IPEA), Patricio Mendez (cirad, calim), Chloé Cadier
(ciRAD), Marie-Gabrielle Piketty (cirad, ecopol), Néli Aparecido de Mello, Andréa Bolzon et Magda
Wehrmann (cds), François-Michel Le Tourneau (ens), Hervé Théry (cnrs et UMR ens/ird), Jean-Marc
Boussard et Jean-Pierre Bertrand (inra, MONA).
Revue Tiers Monde, t. XLV, n° 179, juillet-septembre 2004 568 Jean-Pierre Bertrand
1976). Au début des années 1970, les États-Unis dominaient largement
les marchés mondiaux du soja. L'embargo décrété par l'administration
états-unienne au cours de l'été 1973 allait ouvrir les yeux des pays
importateurs (surtout la CEE et le Japon) sur leur état de dépendance
et ils n'auront dès lors pas cessé de soutenir les initiatives des pays
potentiellement producteurs et exportateurs concurrents comme le
Brésil et l'Argentine. Mais qui, à l'époque, aurait parié sur une remise
en cause aussi rapide des positions états-uniennes ? En une vingtaine
d'années ce sera chose faite : le Brésil et l'Argentine dominent désor
mais les marchés internationaux des huiles et des tourteaux de soja.
Aujourd'hui, c'est une région, un État du Brésil qui inquiète les États-
Unies : le Mato Grosso.
Le front du soja avance en effet à vive allure dans les États du
Nord et du Centre-Ouest du Brésil : du Rondonia jusqu'au sud du
Para en passant par le Mato Grosso, le Tocantins, le Maranhao et
même le Roraïma. Il occupe les zones de savane (les « Cerrados »)
qui sont défrichées et mises en culture dans le cadre d'exploitations
agricoles de taille importante, mécanisées et mettant en œuvre des
techniques modernes. Il s'agit d'un territoire immense à mettre en
valeur et les avancées du front du soja se manifestent avec plus ou
moins de vigueur et de visibilité statistique. Mais c'est incontesta
blement dans le Mato Grosso que les processus sont les plus mar
qués et les enjeux économiques et environnementaux les plus
importants.
À l'instar du Parana ou du Mato Grosso do Sul qui connaissaient
dans les années 1980 les taux de croissance de la production de soja les
plus élevés, ce sont désormais les États situés plus au nord du pays,
notamment le Mato Grosso, qui progressent le plus vite. Nous ne
reviendrons pas ici en détail sur l'histoire des cycles agro-exportateurs
au Brésil, qui marque encore les paysages et les mentalités dans ce
pays (voir l'ouvrage de base de Celso Furtado, 1959), mais on peut
légitimement se demander si le cas du soja reproduit ou non les cycles
du passé.
Ce mouvement pionnier du sud vers le nord à la conquête de terres
nouvelles, ce front du soja qui avance en mobilisant producteurs,
négociants, industriels et un très grand nombre d'acteurs nécessaires à
son fonctionnement et à sa reproduction élargie (conseillers agricoles,
fonctionnaires, services bancaires et autres activités connexes) res-
semble-t-il à des phénomènes bien connus au Brésil ? Peut-il faire
notamment penser aux cas du café ou du bois - qui restent, notons-le,
de grands produits agricoles et sylvicoles d'exportation -, activités
pionnières qui, en général, laissaient pratiquement exsangues les L'avancée fulgurante du complexe soja 569
régions occupées, puis abandonnées après le passage du front (voir,
dans le cas du café, P. Monbeig, 1954).
De fait, plusieurs différences doivent être soulignées dans le cas
du front du soja. La production se maintient dans les noyaux ini
tiaux (sauf dans quelques municipes du Rio Grande do Sul et de
Santa Catarina qui ont abandonné la culture), même si les rythmes
de croissance y sont très faibles, tandis que les États situés plus au
nord progressent rapidement en accueillant les migrants venant préc
isément du sud. Ces migrants ont souvent connu plusieurs étapes
dans leur parcours. Ils disposent de capitaux, de connaissances, achè
tent des terres et recrutent la main-d'œuvre peu qualifiée sur place.
Le front du soja s'étend en tache d'huile plutôt que par vagues
successives.
Une autre caractéristique du front du soja est qu'il n'est pas seul
ement agricole mais très largement agro-industriel et qu'il participe
donc à Г agro-industrialisation de l'agriculture et de l'élevage local. Un
double marché intérieur se développe en même temps que les exportat
ions des produits dérivés du soja : celui de l'huile de soja, qui est
aujourd'hui la principale huile consommée au Brésil, et celui des tour
teaux de soja, qui alimente une industrie des aliments pour le bétail
compétitive, moyen pour le pays de progresser sur le marché inter
national des viandes de volaille et de porc.
Enfin, une singularité de la dynamique du front du soja dès lors
qu'il s'attaque aux écosystèmes amazoniens complexes - ici, principa
lement, la partie couverte de savane arborée, de « Cerrados » - est que
s'enclenche un processus qui a comme résultat d'implanter un système
de production simple - le modèle soja-maïs - dont l'expansion est
considérable, et dont les effets sont multiples sur l'agriculture, l'él
evage et, plus généralement, sur l'environnement.
Comment expliquer ce développement spectaculaire du « complexe
soja » dans le Mato Grosso ? Quels sont les principaux facteurs écono
miques qui fondent cette progression fulgurante ? Quelles sont les
conséquences de ce boom sur les autres activités et notamment sur les
infrastructures ? Quels sont les limites prévisibles de ce processus ?
1. LE COMPLEXE SOJA BRÉSILIEN EST COMPÉTITIF
L'expansion du soja a été continue au Brésil depuis le début des
années 1970. Si certains chocs macro-économiques, intervenus notam
ment dans les années 1980 - forte inflation, crises de la dette -, ont 570 Jean-Pierre Bertrand
pu momentanément freiner son élan1, cette culture, d'abord déve
loppée dans les États du sud du Brésil, gagne aujourd'hui ceux qui
jouxtent l'Amazonie e

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