L école frénétique française et la prose romantique en Russie (1831-1836) - article ; n°1 ; vol.49, pg 231-241
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L'école frénétique française et la prose romantique en Russie (1831-1836) - article ; n°1 ; vol.49, pg 231-241

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Revue des études slaves - Année 1973 - Volume 49 - Numéro 1 - Pages 231-241
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1973
Nombre de lectures 70
Langue Français

Extrait

Monsieur Paul Kalinine
L'école frénétique française et la prose romantique en Russie
(1831-1836)
In: Revue des études slaves, Tome 49, 1973. Communications de la délégation française au VIIe Congrès
international des slavistes (Varsovie, 21-27 août 1973). pp. 231-241.
Citer ce document / Cite this document :
Kalinine Paul. L'école frénétique française et la prose romantique en Russie (1831-1836). In: Revue des études slaves, Tome
49, 1973. Communications de la délégation française au VIIe Congrès international des slavistes (Varsovie, 21-27 août 1973).
pp. 231-241.
doi : 10.3406/slave.1973.2017
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1973_num_49_1_2017FRÉNÉTIQUE FRANÇAISE L'ÉCOLE
ET LA PROSE ROMANTIQUE EN RUSSIE
(1831-1836)
PAR
PAUL KALININE
< — Paul ! cria la comtesse de derrière son paravent, envoie-moi un roman nouveau,
n'importe quoi; seulement, vois-tu, pas dans le goût d'aujourd'hui.
— Comment vous le faut-il, grand' maman?
— Un roman où le héros n'étrangle ni père ni mère, et où il n'y ait pas de noyés.
Rien ne me fait plus de peur que les noyés.
— Où trouver à présent un roman de cette espèce? En voudriez-vous un russe?
— Bah! est-ce qu'il y a des romans russes? Tu m'en enverras un, n'est-ce pas,
tu ne l'oublieras pas? » (1).
Si l'on étudie souvent le fantastique de La Dame de Pique pour en faire,
encore plus justement qu'on ne l'imagine, un modèle de récit romantique,
un autre aspect de l'œuvre n'est guère évoqué, qui demeure lié à la polémique
que Puskin engage par l'intermédiaire de sa nouvelle avec les tendances à
la mode dans la prose des années 1830 en Russie. On a essayé de définir
ailleurs ^ le passage de la forme versifiée à la prose, si caractéristique de
cette période, il s'agirait à présent d'en faire ressortir quelques aspects aussi
révélateurs qu'insuffisamment analysés. On peut regretter, par exemple,
qu'un consciencieuse étude d'ensemble consacrée à la genèse du roman
russe (3) les passe pratiquement sous silence. Omission d'autant plus fâcheuse
qu'assurément l'apogée de la forme prosaïque en Russie dans les deux der
niers tiers du XIXe siècle doit beaucoup à cette phase d'expériences et d'in
certitudes. Elle s'explique sans doute par le cadre choisi. C'est qu'il importe
U) Pouchkine, La Dame de Pique, trad. de Mérimée in Œuvres complètes de Prosper
Mérimée, t. VIII, 1, éd. Champion, Paris, 1931, p. 44.
(2) P. Kalinine, « Pouchkine, Gogol et le passage à la forme prosaïque dans les années 1830
en Russie », in Actes du XIIe Congrès de la F.I.L.L.M., Cambridge, 1972.
(3) Istorija russkogo romana, I, pod. red. G. M. Fridlendera, M.-L., 1962. 232 PAUL KALININE
tout particulièrement en ce cas de s'évader des limites d'une littérature
nationale pour percevoir l'étendue de phénomènes qui se déroulent quasi-
simultanément dans des pays souvent fort éloignés. Ce qui entre en jeu ici
n'est pas la notion classique, et dépassée, en littérature comparée, d'influence,
mais la constitution d'un ensemble, d'un langage, fonctionnant comme un
système cohérent (1) et dont la multiplicité des langues nationales n'est que
l'instrument. Dans cette perspective, et même s'il convient d'emblée de
souligner l'absence d'une étude approfondie des relations littéraires franco-
russes autour de 1830 (2), il est permis, en s'appuyant sur le dépouillement
des revues et périodiques des deux pays, d'avancer quelques fortes présompt
ions :
1. Le mouvement d'échange qui fonde un ensemble de relations franco-
russes s'effectue quasi-exclusivement dans le sens France-Russie. La ren
contre active de Mérimée avec la littérature russe et l'influence réelle de
celle-ci sur le futur auteur de Lokis datent de plus tard (3). Rien, ni dans les
collaborations d'Edme Héréau à la Revue Encyclopédique (4), ni les
curiosités d'un Nodier plus attiré d'ailleurs par la Pologne parfaitement
galh'cisée de Jan Potocki (б) ou 1'Шугіе controuvée de Smarra (6^, qui puisse
être comparé à l'abondance de renseignements sur l'actualité littéraire en
France que reçoivent les lecteurs de revues ou journaux « romantiques »,
d'inspiration libérale comme Moskovski] telegraf, Teleskop, Literaturnaja
gazeta, Molva, Evropeec, Sovremennik, ou « classiques », en fait partisans
de l'ordre établi, comme le Vestník Evropy, Severnyj Archiv ou Biblioteka
dl j a čtenija. Rien dans la vie littéraire parisienne, où la médiocre Antholo
gie russe de Dupré de Saint-Maure publiée en 1827 se détache dans une
solitude remarquable, rien chez les coryphées du romantisme français, dont
Lamartine fournit probablement le niveau moyen d'information O, qui
U) Sur ce point cf. Ju. M. Lotman, Struktura chudoiestvennogo teksta, M., 1970, p. 29.
<2) L'ouvrage de Michel Cadot, La Russie dans la vie intellectuelle française, Fayard, 1967,
porte sur une période plus tardive, 1839-1856.
(3) Cf. dans le tome VIII, part. 1 des Œuvres de Mérimée, cité plus haut l'étude d'Henri
Mongault, p. vii-cxli. Tout en situant vers 1829 les premiers contacts de Mérimée avec des
Russes de passage en France comme Aleksandr Ivanovic Turgenev ou Sergej Aleksandrovič
Sobolevskij, Mongault reporte à 1848 son apprentissage de la langue qui aboutira à la traduction
de Pikovaja Dama dans la Revue des Deux Mondes du 15 juillet 1849.
(*) En particulier le premier article de quelque étendue consacré à Puškin à paraître en fran
çais (Revue Encyclopédique, t. XXIII, 1824, p. 643).
(5> Sur la filiation inavouée par Nodier des Aventures de Thibaud de la Jacquière (1821)
et du Manuscrit trouvé à Saragosse de Jan Potocki (1805), cf. l'introduction de Roger Caillois
à l'éd. Gallimard du Manuscrit, Paris, 1958, p. 23.
<e> Smarra ou les Démons de la Nuit, songes romantiques trad. de l'esclavon du comte
Maxime Odin par Ch. Nodier, à Paris, chez Pontbieu, 1821. Sur la place exacte de l'élément
slave dans son œuvre, cf. M. Maixner, Charles Nodier et VIllyrie, Paris, Didier, 1960.
<7> Dans son Cours familier de littérature, t. XXIII, entretien 133, p. 77, la condescen
dance que le poète affecte vis-à-vis de « Pouskine (sic) imitateur pompeux de Byron » témoigne
en 1866 d'une ignorance que l'on conçoit difficilement moins énorme en 1830. ÉCOLE FRÉNÉTIQUE ET PROSE ROMANTIQUE 233
ait une commune mesure avec l'intérêt inlassable que Puškin porte à l'évo
lution des lettres françaises et dont témoignent ses notes, articles, remarques
critiques, et la lecture possible de certaines de ses œuvres.
2. Cet échange revêt une ampleur et une unité d'orientation remarquables.
Pas de revue, de recueil, d'almanach qui ne paraisse à Pétersbourg sans une
traduction d'Eugène Sue, de Paul de Kock, de Jules Janin ou de Victor
Hugo. La gallomanie, entretenue avec soin par N. A. Polevoj, directeur de
la première revue du temps (1), demeure le phénomène prédominant même
si la vogue d'Hoffmann (2) s'adjuge dès 1825 une place importante. Dans
cette véritable hégémonie littéraire les productions de l'école frénétique
française occupent la première place comme le note A. I. Beleckij dans sa
présentation du romantisme russe ^h Ainsi une liste établie par Puškin
et retrouvée dans ses papiers ^ nous livre le cercle de ses intérêts roma
nesques français en 1831. Sur six auteurs mis en cause, trois au moins relèvent
à l'époque de l'esthétique frénétique : Eugène Sue dont Puškin critique
vivement ailleurs &) le roman « terrifiant » de Plick et Plock, Victor Hugo
dont la réputation de romancier est consacrée en Russie par Le Dernier
Jour d'un condamné (1829) ^ et enfin Jules Janin dont L'âne mort et la
femme guillotinée (7) ne dissimule pas une parenté indiscrète avec l'œuvre
de Hugo.
3. En même temps, il est loisible d'observer à l'intérieur de cet ensemble
afrénétique» une évolution rapide aussi bien en France qu'en Russie. S'achevant
sur le fracas de La Symphonie Fantastique qui

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