L effet Montyon - article ; n°93 ; vol.26, pg 65-82
19 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

L'effet Montyon - article ; n°93 ; vol.26, pg 65-82

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
19 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Romantisme - Année 1996 - Volume 26 - Numéro 93 - Pages 65-82
En déléguant à l'Académie française le soin d'attribuer deux prix fondés par lui, M. de Montyon a exercé une influence considérable sur la « Compagnie » au XIXe siècle. Il a en effet contribué à définir institutionnellement ce que nous appelons aujourd'hui « Littérature » et qui pour l'Académie renvoie à un projet moral et utilitaire. L'auteur doit se faire modeste pour toucher des lecteurs aux capacités réduites, mais cette limite imposée à l'imagination ou à des élans personnels en vient à prendre une coloration esthétique, par une assimilation entre la beauté du geste et la beauté du texte. L'utilité crée aussi son style, un style curieusement illustré par des écrivains qui peuvent s'illustrer ailleurs, au théâtre de vaudeville par exemple. C'est donc tout un pan de la vie littéraire, récusé par la « modernité », qu'on donne ici à apercevoir.
By delegating to the Académie francaise the right to give two prizes founded by himself, M. de Montyon had a strong influence over the activities of the « Compagnie » during the XIXth century. As a matter of fact, he contributed in giving an institutional definition of « Literature », as we call it today, which implied for the Academie francaise a moral and utilitarian purpose. The writer was supposed to be modest in order to touch readers with limited abilities. But this limitation to the writer's imagination or personal impulse became an aesthetic purpose of its own through the assimilation of the beauty of the process of writing with the beauty of the text. Utility created its own style which was illustrated in a curious manner by writers who could have won fame elsewhere, in vaudeville theatres for example. Thus, it is a whole aspect of literary life, to which « modernity » has objected, which is involved here.
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 33
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M. Francis Marcoin
L'effet Montyon
In: Romantisme, 1996, n°93. pp. 65-82.
Résumé
En déléguant à l'Académie française le soin d'attribuer deux prix fondés par lui, M. de Montyon a exercé une influence
considérable sur la « Compagnie » au XIXe siècle. Il a en effet contribué à définir institutionnellement ce que nous appelons
aujourd'hui « Littérature » et qui pour l'Académie renvoie à un projet moral et utilitaire. L'auteur doit se faire modeste pour toucher
des lecteurs aux capacités réduites, mais cette limite imposée à l'imagination ou à des élans personnels en vient à prendre une
coloration esthétique, par une assimilation entre la beauté du geste et la beauté du texte. L'utilité crée aussi son style, un style
curieusement illustré par des écrivains qui peuvent s'illustrer ailleurs, au théâtre de vaudeville par exemple. C'est donc tout un
pan de la vie littéraire, récusé par la « modernité », qu'on donne ici à apercevoir.
Abstract
By delegating to the Académie francaise the right to give two prizes founded by himself, M. de Montyon had a strong influence
over the activities of the « Compagnie » during the XIXth century. As a matter of fact, he contributed in giving an institutional
definition of « Literature », as we call it today, which implied for the Academie francaise a moral and utilitarian purpose. The writer
was supposed to be modest in order to touch readers with limited abilities. But this limitation to the writer's imagination or
personal impulse became an aesthetic purpose of its own through the assimilation of the beauty of the process of writing with the
beauty of the text. Utility created its own style which was illustrated in a curious manner by writers who could have won fame
elsewhere, in vaudeville theatres for example. Thus, it is a whole aspect of literary life, to which « modernity » has objected,
which is involved here.
Citer ce document / Cite this document :
Marcoin Francis. L'effet Montyon. In: Romantisme, 1996, n°93. pp. 65-82.
doi : 10.3406/roman.1996.3127
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1996_num_26_93_3127Francis MARCOJN
L'effet Montyon
Lors de la séance solennelle du 24 août 1819, le comte Daru, directeur de
l'Académie française, se reportait près de quarante ans en arrière pour évoquer cet
anonyme qui avait conçu « l'heureuse idée d'offrir un encouragement à la vertu » et
dont l'œuvre, après avoir disparu sous la Révolution en même temps que l'Académie,
allait être relevée. C'est le 28 avril 1782 qu'avait été publié le prospectus du prix
extraordinaire et annuel fondé par un citoyen en faveur de la vertu. Mais quelques
mois plus tôt, grâce au même anonyme, la « Compagnie » avait déjà décerné le prix
de « l'ouvrage le plus utile » à Mme d'Esclavelles d'Epinay pour ses Conversations
d'Emilie. En effet, le 18 novembre 1780, lui était parvenu le Mémoire d'« un citoyen
qui aime les Lettres, et qui les croit utiles à l'humanité », désirant « fonder un Prix en
faveur de l'ouvrage de Littérature dont il pourra résulter un plus grand bien pour la
société ». Lequel citoyen déposait une somme de douze mille livres pour constituer
une rente viagère sur la tête du Roi, le revenu annuel permettant d'acheter une
médaille d'or formant le prix.
Si l'on en croit la Correspondance littéraire du baron de Grimm, tout le monde
connaissait le nom de cet anonyme, Antoine- Jean-Baptiste-Robert Auget, baron de
Montyon, qui allait bientôt mourir, son testament du 26 décembre 1820 consolidant la
fondation avec 500000 F consacrés à ses diverses bonnes œuvres.
Beau geste et beau texte
L'Académie française était donc « chargée de décerner l'une et l'autre couronne, à
la vertu en préceptes, à la vertu en actions », comme l'écrira E. Fouinet ' dans un élé
gant balancement repris d'une foule d'orateurs contraints chaque année à des varia
tions sur le sujet pour la remise des prix. L'exemple même de M. de Montyon, sa
« vocation sainte », fourniront la matière de nombreux concours académiques. Selon
un principe de circularité, le prix de poésie porte en 1826 sur « Les legs et fondations
de M. de Montyon en faveur des hospices et des Académies »; en 1881 un prix
Montyon est attribué à M.F. Labour pour son ouvrage sur M. de Montyon, tandis
qu'en 1866 était créé le prix Souriau, sur le modèle de Montyon : sixième enfant d'un
pauvre cabaretier, Souriau avait assuré lui-même son éducation avant de faire fortune
dans l'horlogerie. Devenu membre d'un cercle à Versailles, admirateur de l'œuvre de
M. de Montyon et lisant chaque année avec le plus vif intérêt le rapport sur le prix de
vertu, il lègue à son tour 25 000 F pour une fondation du même genre.
« Entre l'homme vertueux et l'homme de génie, il y a une sympathie constante »,
déclarera Charles de Lacretelle, directeur de l'Académie en août 1821, dans son
1. Ernest Fouinet, préface aux Anges de la terre, personnifiés par leurs vertus et leurs belles actions,
pax M.A.E. de Saintes, Désirée Eymeri, 1844.
ROMANTISME n° 93 (1996-3) 66 Francis Marcoin
« Discours sur feu M. le baron de Montyon » : « Eh ! comment pourraient-ils vivre
séparés? Tous deux se servent tour à tour de modèle. "Ce qu'il a dit, je le ferai";
voilà le langage de l'un. "Ce qu'il a fait, je l'exprimerai"; voilà le langage de
l'autre ». Le 16 décembre 1971, le discours prononcé sous la Coupole par Paul
Morand, « Un lésineur bienfaisant, M. de Montyon », n'était que le cinquante et uniè
me panégyrique en l'honneur d'un personnage dont on retrouve le nom tout au long
du XIXe siècle.
Histoire d'un prix
Associer ce nom à la seule vertu, c'est pourtant oublier que les intentions pre
mières étaient plus vastes. Le prix littéraire est d'abord un « prix d'utilité », et si dans
les Motifs de sa « disposition » le baron s'en prenait aux romans faiblement écrits, il
appelait d'abord à l'élaboration d'une « Histoire de France complète et lisible, d'un
corps de Droit public français, d'un Recueil d'expériences sur la nature de notre cl
imat et de ses influences ». Pour lui la « Littérature » n'excepte aucun genre : « se
rmon, pièce de théâtre, roman, prose, vers, histoire, traité de jurisprudence, réflexions
morales, dissertation politique, mémoire sur les sciences ou sur les arts, recherches
erudites » 2. Mais l'Académie restreint la proposition du donateur en demandant à
seulement juger, parmi les ouvrages « utiles au bien de l'humanité, lequel sera le
mieux fait et le mieux écrit, et d'autre part à ne point juger d'objets comme
Théologie, Jurisprudence, Politique, Sciences et Arts ». Prudence politique, puisque la
donation doit recueillir l'assentiment du Roi, qui a précédemment refusé un concours
ouvert par un autre particulier sur les meilleurs moyens de rétablir les mœurs, d'ani
mer et d'entretenir l'amour du bien public, d'une manière compatible avec les prin
cipes d'un gouvernement monarchique.
Ces restrictions font que l'Académie ne trouve aucun titre digne du prix et doit
décider d'exclure du concours les ouvrages « d'utilité purement physique ». En 1783,
l'ouvrage primé de Mme d'Epinay entrera pourtant en concurrence, outre Adèle et
Théodore de Mme de Genlis et L'Ami des Enfans de Berquin, avec un livre de
Daubenton sur les moutons {Instruction pour les bergers), de Parmentier sur les
pommes de terre. « Mais il fut bientôt décidé que les moutons et les pommes de terre
n'étaient pas du ressort de l'Académie française et devaient être renvoyés à
l'Académie des sciences; l'ouvrage de Mme de Genlis et celui de Mme d'Epinay res
tèrent pour ainsi dire seuls en concurrence », lit-on dans la Correspondance littéraire.
Ne présentant ni ce caractère d'utilité purement physique ni d'enjeu directement poli
tique, les ouvrages d'éducation se trouvent en situation de l'emporter, comme le
confirme le prix de 1784 attribué à Berquin. C

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents