L État et l accumulation : le cas du Nicaragua actuel - article ; n°93 ; vol.24, pg 115-125
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Description

Tiers-Monde - Année 1983 - Volume 24 - Numéro 93 - Pages 115-125
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1983
Nombre de lectures 18
Langue Français

Extrait

George W. Irvin
L'État et l'accumulation : le cas du Nicaragua actuel
In: Tiers-Monde. 1983, tome 24 n°93. pp. 115-125.
Citer ce document / Cite this document :
Irvin George W. L'État et l'accumulation : le cas du Nicaragua actuel. In: Tiers-Monde. 1983, tome 24 n°93. pp. 115-125.
doi : 10.3406/tiers.1983.4261
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1983_num_24_93_4261L'ÉTAT ET L'ACCUMULATION :
LE CAS DU NICARAGUA ACTUEL
par George W. Irvin*
I. — Qu'est-ce que le rôle de l'Etat
II est courant actuellement de distinguer l'Etat capitaliste monopolistique
de l'Ouest industriel de l'Etat capitaliste du Tiers Monde, en particulier en
Amérique latine [10], la première appellation met en lumière le rôle de plus
en plus important de l'Etat, la socialisation des coûts de l'industrialisation
moderne, tandis que la deuxième se réfère au cas particulier des
pays du Tiers Monde où, en l'absence d'une bourgeoisie hégémonique pos
sédant un projet d'industrialisation bien défini, souvent opposé aux intérêts
particuliers d'une oligarchie qui s'identifie aux intérêts étrangers, l'Etat assure
alors la fonction qui historiquement a été celle de la bourgeoisie pour soutenir
le processus d'accumulation1 [i, 21, 12, 20, 2]. Le terme de capitalisme d'Etat
apparaît comme dangereux, car incompatible avec la notion de la transition
socialiste; cela est une définition étroite du capitalisme d'Etat qu'on limiterait
aux régimes de droite dont la seule fonction serait de nourrir les branches clés
du secteur industriel au profit d'une éventuelle privatisation; mais une défi
nition plus large comprend des régimes appuyés sur une espèce de coalition
populiste (la Bolivie dans la phase initiale du mnr et le Pérou sous Velazco),
coalition qui, tout en essayant d'établir la domination de l'Etat dans l'accumul
ation, ne s'attaque pas réellement aux relations capitalistes du marché. C'est
le sens admis généralement pour le concept de Kalecki du « régime interméd
iaire » [15]. Cependant aucun de ces deux sens ne doit être confondu avec le
rôle traditionnel de l'Etat consistant à fournir l'infrastructure économique
et sociale au profit du capital privé sans qu'en retour il y ait partage réel du
surplus ainsi créé [9]. D'autre part, il semble préférable de réserver le terme
de socialisme au cas où les relations de marché ont été transformées par une
* Professeur de Science économique à l'Institut d'Etudes sociales de La Haye.
1. Cf. : Baran et Sweezy (1966) sur les liens étroits entre le capital monopolistique et
l'Etat; O'Connor (1973), sur les difficultés de financement par l'Etat moderne capitaliste,
Gerschenkron (1962) sur le rôle historique de la bourgeoisie dans le Tiers Monde;
Sunkel et Paz (1970) sur le contexte latino-américain, Bocarra (1970) sur le capitalisme
d'Etat.
Revue Tiers Monde, t. XXIV, n° 93, Janvier-Mars 1983 Il6 G. W. IRVIN
planification centrale et où la part de la propriété privée des moyens de pro
duction dans les principales branches de production est faible.
De telles mises au point sont importantes pour comprendre le cas du
Nicaragua contemporain pour au moins deux raisons : d'abord parce qu'au
Nicaragua, comme dans la plupart des autres pays de l'Amérique centrale,
d'importantes particularités dues à l'histoire ont modelé la nature et la forme
de la pénétration capitaliste et empêché la formation d'une classe bourgeoise
cohérente capable d'intégrer suffisamment d'éléments populaires pour rendre
son projet légitime. En bref, le modèle économique traditionnel de l'après-
guerre est constitué par une croissance due aux exportations agricoles réalisée
grâce à la concentration de plus en plus forte de la propriété foncière qui, en
entraînant les migrations des travailleurs agricoles traditionnels, a créé la
main-d'œuvre de réserve nécessaire. La concentration de capital ainsi produite
a permis à une oligarchie de se livrer à la banque et au commerce, et d'en
acquérir le monopole absolu.
Aussi alors que pendant les années 1950 et i960, l'industrialisation demeura
limitée à simplement quelques substitutions d'importations, cette oligarchie,
grâce souvent à la collusion de ses intérêts avec les intérêts des Etats-Unis,
a-t-elle pu étouffer la naissance d'une bourgeoisie nationale et empêché l'int
égration d'une classe moyenne, tout en dilapidant ses profits en produits de
luxe (4, 5, 3). Or, pour se maintenir, ce système a dû placer l'Etat, grâce à un
mécanisme complexe, sous le contrôle de cette grande bourgeoisie et utiliser
l'armée pour réprimer les éléments dissidents de la classe moyenne et les
travailleurs urbains et ruraux devenus des marginaux. Le cas du Nicaragua
est probablement un cas extrême du fait que le clan Somoza possédait environ
40 % de la ив [25, 19]2 et qu'étant donné la grande vulnérabilité d'une
économie fondée sur les exportations de produits agricoles et donc dépendant
des prix mondiaux dont la détérioration a été très forte à partir de 1974, le
régime n'a pu se maintenir que par une répression continuelle de plus en plus
dure qui a suscité, contre le pouvoir de Somoza, la formation d'une vaste
coalition dépassant le découpage de classes traditionnel [14].
Bien que le régime sandiniste ne puisse être dit « socialiste » au sens strict
du terme, on peut le qualifier de « régime intermédiaire » dont l'objectif est
d'établir un secteur public au centre de l'accumulation et de s'appuyer sur
une alliance entre les paysans, une faible classe ouvrière et la fraction progress
iste de la classe bourgeoise libérale. La nouvelle armée (et la milice populaire)
sous le contrôle des Sandinistes, veille au maintien de cette alliance; l'intégra
tion poUtique des paysans et des ouvriers (et même d'une partie de la petite
bourgeoisie) est assurée par le développement d'organisations populaires (des
syndicats urbains et ruraux — des comités de défense révolutionnaires) repré
sentées au nouveau « Conseil de l'Etat » [18, 13]. De plus une grande partie
des cadres et des professions libérales (qui ont d'étroits liens familiaux avec la
bourgeoisie) est directement employée par le service public. Néanmoins les
structures du Nicaragua actuel ne lui permettent pas d'être « socialiste » ni
même d'évoluer rapidement vers le socialisme, pour différentes raisons :
1) le secteur paysan et le secteur du petit capitalisme (y compris les petits
commerçants) demeurent importants et ne peuvent nationalisés; 2) la dimen-
2. Wheelock a particulièrement bien montré le processus de concentration du capital
et la croissance de l'empire financier de Somoza rendus possibles par son pouvoir politique. LE NICARAGUA ACTUEL 117
sion de son économie ainsi que son ouverture vers l'extérieur excluent toute
possibnité de supprimer « la loi de la valeur » (car ce serait supprimer
relation commerciale) et donc contraignant la planification à demeurer dans
le cadre d'un marché régi par les prix. L'Etat possède moins du quart de l'appar
eil productif, alors qu'il contrôle la plus grande partie du crédit et du com
merce; la compétence insuffisante de l'administration empêche l'Etat d'assumer
rapidement et efficacement ses nouvelles fonctions ; et, c'est peut-être la raison
la plus importante, ni les pays voisins du Nicaragua en proie à des luttes poli
tiques, ni le bloc socialiste ne favorisent l'évolution du Nicaragua vers le
socialisme à la cubaine. Il demeure un pays plutôt socialiste dont l'économie est
dirigée par l'Etat et dans lequel aucune classe n'est nettement « hégémonique ».
IL — Un nouveau modèle d'accumulation
L'Etat ne peut pas agir comme « centre d'accumulation » en se contentant
de virer les fonds de l'épargne privée au profit du secteur public. Il doit inventer
un nouveau modèle d'investissements et d'épargne correspondant à des chan
gements du droit de propriété, à de nouveaux types d'organisation du travail,
a une nouvelle distribution des revenus.

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