L évolution des scénarios de la vie reproductive des femmes au Brésil. Médicalisation, genre et ingalités sociales - article ; n°182 ; vol.46, pg 359-384
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L'évolution des scénarios de la vie reproductive des femmes au Brésil. Médicalisation, genre et ingalités sociales - article ; n°182 ; vol.46, pg 359-384

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Tiers-Monde - Année 2005 - Volume 46 - Numéro 182 - Pages 359-384
Michel Bozon. — The evolution of patterns of women 's reproductive life in Brazil. Medicalization, gender and social inequalities Over the past few decades, Brazil has undergone a spectacular decline in fertility, in the absence of any particular policy incentive. The process that has resulted in smaller families is more a result of growing medicalization and the growth of a medical market, rather than family planning. The struggle against the spread of Aids has also contributed to legitimising the use of condom. This market driven fertility transition has had rather undesirable consequences for reproductive health and rights. It has not contributed to reducing the prevailing strong social and gender disparities in reproduction, a case in point being the high number of premature sterilizations carried out among the working classes.
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2005
Nombre de lectures 19
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Michel Bozon
L'évolution des scénarios de la vie reproductive des femmes au
Brésil. Médicalisation, genre et ingalités sociales
In: Tiers-Monde. 2005, tome 46 n°182. pp. 359-384.
Abstract
Michel Bozon. — The evolution of patterns of women 's reproductive life in Brazil. Medicalization, gender and social inequalities
Over the past few decades, Brazil has undergone a spectacular decline in fertility, in the absence of any particular policy
incentive. The process that has resulted in smaller families is more a result of growing medicalization and the growth of a medical
market, rather than family planning. The struggle against the spread of Aids has also contributed to legitimising the use of
condom. This market driven fertility transition has had rather undesirable consequences for reproductive health and rights. It has
not contributed to reducing the prevailing strong social and gender disparities in reproduction, a case in point being the high
number of premature sterilizations carried out among the working classes.
Citer ce document / Cite this document :
Bozon Michel. L'évolution des scénarios de la vie reproductive des femmes au Brésil. Médicalisation, genre et ingalités sociales.
In: Tiers-Monde. 2005, tome 46 n°182. pp. 359-384.
doi : 10.3406/tiers.2005.5916
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_1293-8882_2005_num_46_182_5916L'EVOLUTION DES SCENARIOS
DE LA VIE REPRODUCTIVE DES FEMMES
AU BRÉSIL. MÉDICALISATION, GENRE
ET INÉGALITÉS SOCIALES
par Michel Bozon*
Le Brésil a connu dans les dernières décennies une réduction specta
culaire de sa fécondité, sans politique publique incitative. Plus que la pla
nification familiale, c'est la médicalisation de la santé et l'essor d'un
marché médical qui ont permis aux femmes de réduire la taille de leurs
familles. La mobilisation contre le sida a par ailleurs contribué à légit
imer l'usage du préservatif. Cette transition de la fécondité pilotée par le
marché a eu des conséquences plutôt néfastes pour la santé reproductive
et les droits reproductifs. Elle n 'a eu aucun effet sur la réduction des très
fortes inégalités sociales et de genre dans la reproduction. En témoigne
le nombre élevé de stérilisations, effectuées en milieu populaire à un âge
précoce.
Vaste comme seize fois la France et deux fois et demie l'Inde, le
Brésil présente de considérables différences entre ses régions et, à
l'intérieur de chaque région, des inégalités extrêmement fortes entre
groupes sociaux (Théry, 1999). La différence d'espérance de vie
le Nordeste et le Sudeste (États de Sâo Paulo, Rio de Janeiro et de
Minas Gérais) est par exemple de cinq ans, tandis que le revenu par
tête dans le Sud et dans le Sudeste atteint trois fois celui du Nordeste
et deux fois celui du Nord. Si le Brésil est devenu l'un des pays les plus
urbanisés du monde (80 %), les villes connaissent des fossés sociaux
qui se sont fortement accrus au cours des dernières décennies entre des
groupes qui vivent selon les modèles des pays développés (couramment
* INED, Paris.
Revue Tiers Monde, t. XLVI, n° 182, avril-juin 2005 360 Michel Bozon
appelés au Brésil le « premier monde ») et des populations, nombreus
es, qui doivent lutter pour obtenir l'indispensable1. Entre les
années 1960 et les années 1990, le Brésil a pourtant connu une transi
tion démographique dont la rapidité et la relative homogénéité sont
surprenantes (Bozon, Enoch, 1999). Une comparaison avec l'Inde
(Martine et al, 1998) fait apparaître la singularité brésilienne. Toutes
les régions du Brésil ont atteint dans les années 1990 des indices syn
thétiques de fécondité compris entre deux et trois enfants par femme,
alors que ce pays continental n'a jamais connu d'action gouvernement
ale cohérente en faveur de la planification familiale. Comment expli
quer cette évolution surprenante ?
Plusieurs détours sont nécessaires pour éclaircir le paradoxe de
cette partition sans chef d'orchestre. Tout d'abord, il faut reconstituer
l'histoire sociopolitique de la transition de la fécondité et de la non-
implication du gouvernement et de la société civile, qui n'ont pas
empêché l'action vigoureuse et ciblée d'organismes privés et une tran
sformation rapide des attitudes à l'égard de la taille des familles. Le
résultat de ce processus est d'avoir produit une culture reproductive
très spécifique, marquée par une médicalisation poussée, un contracept
ive mix2 caractérisé par une grande pauvreté d'options, ainsi que par
les retombées inattendues des politiques de prévention du sida. Enfin,
des données sociologiques individuelles permettent de comprendre
comment les femmes se sont appropriées les nouvelles composantes de
la culture reproductive : dans un contexte où la faible implication masc
uline dans les choix reproductifs reste une constante, les comporte
ments sexuels des femmes se sont transformés au fil des générations,
mais sans que les différences et inégalités entre groupes sociaux dans
les conditions de déroulement de la vie reproductive ne s'amenuisent,
bien au contraire.
1. Aux différences abyssales de revenus, liées à la présence d'une masse très importante de revenus
dérisoires, on peut ajouter de spectaculaires inégalités épidémiologiques à un niveau local fin : « Dans
l'état de Sâo Paulo..., les inégalités ne sont pas seulement de nature quantitative, mais également de
nature qualitative, découlant d'un processus de polarisation épidémiologique au niveau social et spatial
où, concentrés par secteur, les niveaux les plus élevés de mortalité sont associés à des profils épidémiologi
ques anachroniques... Il y a par exemple dans les zones les moins privilégiées de la ville un surplus de
décès d'enfants de moins de 4 ans qui est de l'ordre de 77 % par rapport aux zones les plus privilégiées,
reflet de profils épidémiologiques très différenciés » (Ferreira, Waldwogel, 1997, p. 86).
2. Le contraceptive mix est un concept utilisé dans la littérature anglo-saxonne, qui signifie « la
gamme de méthodes contraceptives disponibles dans un contexte donné ». L'évolution des scénarios de la vie reproductive des femmes 361
LES CONDITIONS HISTORIQUES, SOCIALES
ET POLITIQUES D'UNE TRANSITION INFORMELLE DE LA FÉCONDITÉ
Les prémices d'une baisse générale de la fécondité apparaissent au
Brésil dans la première moitié des années 1960, baisse qui s'accentue
au cours des années 1970 (Bozon, Enoch, 1999). Le recensement
de 1980 est le premier à faire apparaître un fort ralentissement de la
croissance de la population, confirmé par l'enquête sur les ménages
de 1986 (enquête pnad), qui révèle une baisse accélérée de la fécondité
et les progrès spectaculaires de la contraception, utilisée par 70 % des
femmes en couple de 15 à 54 ans (sous la forme de la pilule, employée
par 41 % des utilisatrices, et de la stérilisation, qui concernait 44 %
d'entre elles). De 1965 à 1996, l'indice synthétique de fécondité tombe
de 5,7 à 2,3 enfants. Toutes les régions sont concernées par cette tran
sition vers une faible fécondité, qui s'opère partout selon un rythme à
peu près identique. Ainsi en trente ans, le Nordeste voit sa fécondité
passer de 7,2 à 2,9 enfants par femme, tandis que le Sud qui, dans les
années 1960, avait un indice proche de 6 tombe en 1996 à 2,1 enfants
par femme et le Sudeste, seul à avoir vraiment entamé sa transition
avant les années 1960, de 4,7 à 2,0. Des différences réelles subsistent
entre les régions, mais elles paraissent faibles au regard des énormes
disparités régionales qui existent en matière de fécondité dans un pays
comme l'Inde, auquel le Brésil est souvent comparé. Par sa vitesse et
son calendrier, la transition brésilienne est comparable à celle du
Mexique (Cosio-Zavala, 1994 ; Quilodrán, 2002), alors qu'elle se dis
tingue fortement de celle de l'Argentine voisine (Chesnais, 1986), où la
baisse de la fécondité a commencé à la fin du xixe siècle et s'est étalée
sur près d'un siè

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