L homme nouveau, la femme nouvelle et le héros positif ou De la sémiotique des sexes dans le réalisme socialiste - article ; n°4 ; vol.60, pg 839-854
17 pages
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L'homme nouveau, la femme nouvelle et le héros positif ou De la sémiotique des sexes dans le réalisme socialiste - article ; n°4 ; vol.60, pg 839-854

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Description

Revue des études slaves - Année 1988 - Volume 60 - Numéro 4 - Pages 839-854
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1988
Nombre de lectures 19
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Thomas Lahusen
L'homme nouveau, la femme nouvelle et le héros positif ou De
la sémiotique des sexes dans le réalisme socialiste
In: Revue des études slaves, Tome 60, Fascicule 4. pp. 839-854.
Citer ce document / Cite this document :
Lahusen Thomas. L'homme nouveau, la femme nouvelle et le héros positif ou De la sémiotique des sexes dans le réalisme
socialiste. In: Revue des études slaves, Tome 60, Fascicule 4. pp. 839-854.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1988_num_60_4_5801L'HOMME NOUVEAU, LA FEMME NOUVELLE ET LE HÉROS POSITIF
OU
DE LA SÊMIOTIQUE DES SEXES DANS LE REALISME SOCIALISTE
PAR
THOMAS LAHUSEN
€ ... L'homme donna des noms à tout le bétail, aux
oiseaux du ciel et à tous les animaux des champs;
mais pour 1Ъотте, il ne trouva pas d'aide
qui fût son vis-à-vis. Alors l'Éternel Dieu fît tomber
un profond sommeil sur l'homme qui s'endormit;
il prit une de ses côtes et referma la chair à sa
place. L'Etemel Dieu forma une femme de la côte qu'il
avait prise à Ibomme et il l'amena vers l'homme. Et
l'homme dit : cette fois c'est l'os de mes os, la chair de
ma chair. C'est elle qu 'on appellera femme, car elle a
été prise de l'homme... j>
Genèse 2, 20-23
l.LE «SEXISME DE LA LANGUE» ET L'ARBITRAIRE DU SIGNE
Tentons, en guise d'introduction, de circonscrire notre domaine. Les mots ont-ils
un sexe ? La langue, en tant que telle, souffre-t-elle de la discrimination sexuelle ?
C'est ce que tente de prouver un article relativement récent de D. Weiss consacré
aux «structures discriminatoires dans les langues slaves»1. S'insérant dans une
« linguistique des humiliés et des offensés » dont il s'agit, selon l'auteur, de
« poser les premiers jalons », l'étude de D. Weiss apporte un certain nombre de
preuves selon lesquelles la langue n'est pas seulement arbitraire, comme le voulait
F. de Saussure, mais encore injuste, brutale et cruelle, du fait qu'elle discrimine
une bonne moitié de l'humanité, sa moitié féminine.
Les preuves sont accablantes. Les traces du machisme linguistique relèvent de
tous les domaines de la langue : la flexion, la dérivation (la formation des mots), la
1. D. Weiss, « Frau und Тієї in der sprachlichen Grauzone : diskriminieiende Strukturen
slavischer Sprachen », in : W. Lehfeldt, éd., Referate des X. Konstanzer Slavistischen Arbeits-
treffens, Konstanz 11-14.9.1984, Mùnchen, Otto Sagner, 1985, p. 317-359 (Slavistische
Beitráge. 184).
Rev. Etud. slaves, Paris, LX/4. 1988, p. 839-854. 840 TH. LAHUSEN
syntaxe, sans parler du lexique. Les langues slaves illustrent de manière particulièr
ement fâcheuse cette triste réalité et - comble de l'ironie — la gent féminine y
partage dans bien des cas le sort linguistiquement discriminatoire des animaux.
Mais aussi nombreux que soient les exemples et aussi convaincants que soient les
arguments de l'auteur, il reste un problème : les asymétries constatées dans les
désignations professionnelles (où se manifeste la hiérarchie sociale, cf. en russe :
professor - Ф mais traktorist - traktoristka), les fausses symétries du type sekre
tar' (« secrétaire », au sens de « secrétaire du Parti ») — sekretarša (« secrétaire »
au sens de « dactylo »), l'association de l'animé au masculin et de l'inanimé au fémi
nin, aux bêtes et aux objets dans la déclinaison plurielle en polonais, tout cela
est-il vraiment attribuable à un « chauvinisme masculin de la langue »? Il me sem
ble que ce type d'approche révèle une confusion inquiétante entre ce qu'on a
appelé la compétence linguistique et la compétence communicative1 , entre la
langue et ce qu'on peut en faire. De plus, étant donné que le sexe n'est qu'une
des composantes de l'identité sociale, il faut se garder de lui attribuer trop rapid
ement une «marque » ; celle-ci peut être attribuable conjointement à une autre
dimension2 .
Si une grande part des observations de l'article est bel et bien révélatrice des
traces dans la langue d'une ancienne (et parfois même contemporaine) asymétrie
sociale et culturelle des sexes, ces observations n'infirment en aucune manière le
caractère arbitraire (au sens saussurien) du signe. Elles offrent sans conteste de
l'intérêt pour le linguiste, le sociologue du langage ou pour l'archéologue des ment
alités3, quoique, là encore, la prudence soit de mise. Prenons la catégorie de
« l'animé masculin » dans la déclinaison polonaise. Elle ne se fixe en tant que
norme qu'au cours du XIXe siècle et les dialectes populaires (campagnards) y échap
pent jusqu'à ce jour4 . Or, on sait que la norme sociale et culturelle émanait dans
ce pays de la classe nobiliaire (la szlachta) dont le « matriarcat » était un des traits
distinctifs5 . Quant à la féminisation des appellations professionnelles dans certaines
sociétés, celle-ci révèle tout au plus des problématiques sociales auxquelles peut
s'associer un certain degré de conscience linguistique. Il y a bien plus de prof essora
(genre masculin, pluriel) de sexe féminin dans l'U.R.S.S. contemporaine que de
1. D. Hymes, Foundations in sociolinguistics : an ethnographie approach, Philadelphia,
University of Pennsylvania Press, 1974.
2. Cf. à ce propos Ph. M. Smith, « Sex markers in speech », in : K. R. Scherer et H. Giles,
éd., Social markers in speech, Cambridge — Paris, Cambridge University Press — Éd. de la Mai
son des sciences de l'Homme, 1979, p. 109-146.
3. Cf. P. Violi, « Les origines du genre grammatical », Langages, 85, mars 1985, p. 15-34.
Les bases sémantiques du genre grammatical (qui semblent prouver que ce dernier n'est pas, à
l'origine, arbitraire) concernent en premier lieu une telle « archéologie ».
4. Z. Klemensie wicz, T. Lehr-Spławiński, S. Urbańczyk, Gramatyka historyczna języka
polskiego, Warszawa, PWN, 1965, p. 275.
5. « La szlachta reconnaissait aussi l'égalité des sexes, du moins dans le domaine essentiel
de la propriété. Contrairement à beaucoup de pays européens où la femme était virtuellement
la chose de son mari ou de sa famille, la Polonaise noble pouvait avoir des biens en son nom
propre. Cette raison suffirait à expliquer pourquoi la femme énergique et sûre de son héritage
est un personnage si courant dans l'histoire et la littérature. Au temps des partages, alors que
les hommes étaient obligés de s'engager au service de 1" étranger' ou dans ses armées, ce furent
les mères et les grand-mères qui élevèrent les enfants à la maison et devinrent les gardiennes du
bien le plus précieux de la nation — sa culture. » (N. Davies, Histoire de la Pologne, Paris,
Fayard, 1986.) DE LA SËMIOTIQUE DES SEXES 841
Professorinnen (genre féminin, pluriel) en Allemagne fédérale, proportionnellement
aux collègues masculins dans chaque pays respectif, s'entend1 .
Aussi, dans quelle mesure les observations de ce type concernent-elles la sémio-
tique des sexes ? On peut se demander s'il ne s'agit pas d'indices dispersés, plutôt
que d'un « système de signes » ou, pour prendre une définition plus prudente de
la sémiotique, d'un « ensemble signifiant que l'on soupçonne, à titre d'hypothèse,
de posséder une organisation, une articulation interne autonome »2 .
L'ensemble des marqueurs du genre et du sexe appartient sans doute à une
« sémiotique naturelle », c'est-à-dire à la langue et au sens commun. Mais je crois
que l'intérêt d'une sémiotique des sexes dépasse le domaine du préconstruit et
réside avant tout dans les sémiotiques construites où se manifeste la production du
sens. Un domaine privilégié d'une pareille production est bien entendu la sémio
tique du discours littéraire. C'est le lieu où l'on quitte l'arbitraire du signe pour la
construction de nouvelles entités et de nouveaux systèmes, le lieu de l'utilisation
des potentialités sémiotiques de la langue.
Je ne prendrai qu'un exemple, toujours tiré du même article. Il existe en russe
deux appellations pour la personne du sexe féminin : ženščina et baba, ayant leurs
« correspondants » masculins : mužčina et mužik. Les premières peuvent être
traduites par femme (Frau) et « bonne femme 

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