L'illusion statistique - article ; n°4 ; vol.41, pg 887-911

Jean-Noël Luc

Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1986 - Volume 41 - Numéro 4 - Pages 887-911
Statistical Illusions. J.-N. Luc.
R. Grew, P. J. Harrigan, and J. B. Whitney have, based on their use of 19th century statistics, proposed a radical change in our understanding of primary education. They ignore, however, the way these statistics were done, and do not take into account the changes in the ratio of pupils to overall population, changes which make diachronic studies suspect. In 1860, for example, after an important reform of schooling statistics, inspectors pointed ont that it was impossible to make comparisons with previous years. The aforementioned authors do not always indicate their calculation methods nor the sources for their figures. How much importance should we then attach to their conclusions, certain of which are quite interesting? How valuable are their diachronic comparisons of schooling percentages given that the categories of enrolled pupils changed from one period to the next. How can we distinguish the results based on reliable information and figures from those which are not? The historian is able to correctly interpret schooling statistics by questioning his sources and by trying to establish coherent figures. He can, in this way, offer interpretations which contradict the Falloux and Duruy laws.
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: ANNALES_ECONOMIES_SOCIETES_CIVILISATIONS
• Publié le: 01 janvier 1986
• Nombre de lectures: 18
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

Jean-Noël Luc
L'illusion statistique
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 41e année, N. 4, 1986. pp. 887-911.
Abstract
Statistical Illusions. J.-N. Luc.
R. Grew, P. J. Harrigan, and J. B. Whitney have, based on their use of 19th century statistics, proposed a radical change in our
understanding of primary education. They ignore, however, the way these statistics were done, and do not take into account the
changes in the ratio of pupils to overall population, changes which make diachronic studies suspect. In 1860, for example, after
an important reform of schooling statistics, inspectors pointed ont that it was impossible to make comparisons with previous
years. The aforementioned authors do not always indicate their calculation methods nor the sources for their figures. How much
importance should we then attach to their conclusions, certain of which are quite interesting? How valuable are their diachronic
comparisons of schooling percentages given that the categories of enrolled pupils changed from one period to the next. How can
we distinguish the results based on reliable information and figures from those which are not? The historian is able to correctly
interpret schooling statistics by questioning his sources and by trying to establish coherent figures. He can, in this way, offer
interpretations which contradict the Falloux and Duruy laws.
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Luc Jean-Noël. L'illusion statistique. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 41e année, N. 4, 1986. pp. 887-911.
doi : 10.3406/ahess.1986.283318
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1986_num_41_4_283318JEAN-NO LUC
ILLUSION STATISTIQUE
Les petits Fran ais allaient école avant Jules Ferry Et nous ne le savions
pas Remercions Clio trois chercheurs viennent de combler cette lacune en
utilisant des milliers de chiffres rassemblés au xixe siècle sur enseignement
primaire
merveillés eux-mêmes par cet exploit les auteurs signalent plusieurs
reprises originalité de leur démarche et la nouveauté de leurs conclusions Et
pour convaincre les plus sceptiques Grew Harrigan et Whitney
hésitent pas montrer du doigt historiographie traditionnelle coupable de
négliger les statistiques au profit des lois scolaires Après Compayré
Léaud Glay et Gontard Gerbod Prost et Mayeur entre
autres illustreraient hui cette tradition 126 notes 24 et 25
Curieux amalgame Et plus encore curieuses filiations. Il ne agit pas de
nier les limites de historiographie classique mais peut-on réduire la contri
bution des trois derniers auteurs cités une histoire politique du système
scolaire Et pourquoi mentionner seulement appui de cette thèse leurs tra
vaux les plus mineurs
Ce jugement partial est pas anodin il traduit le désir de Grew
Harrigan et Whitney de bien se situer dans le courant révision
niste manifeste dans la plupart des études récentes sur histoire de instruction
au xixe siècle 127 Et pour délimiter ce courant le mot est-il
pas exagéré nos auteurs regroupent sous la même bannière mais cette fois
avec des références plus scrupuleuses Furet Ozouf Julia
Frijhoff Désert Cholvy Palmer Day. note 29)
propos de article de GREW HARRIGAN WHITNEY La scolarisation en
France 1829-1906 Annales ESC 1984
Annales ESC juillet-août 1986 n0 pp 887-911
887 ET SOCI COLE
Depuis une quinzaine années effectivement plusieurs interprétations
nuancent ou infirment le message glorieux et militant de historiographie
républicaine après les nouvelles conclusions le xixe siècle et moins
encore la Troisième République pas apanage de alphabétisation ou de
la scolarisation des Fran ais De plus cette époque est
pas toujours fille de école et les interventions de tat ne constituent pas
le seul facteur déterminant de la scolarisation La demande sociale instruc
tion les initiatives des communautés locales jouent elles aussi un rôle dans
apparition et usage un système collectif éducation Cette dernière cons
tatation inspiré les hypothèses et la démarche des auteurs Leur article veut
réagir contre la vision pessimiste une scolarisation fran aise voulue par
tat mais freinée par la réticence des masses ce vieux cliché véri
table préjugé de classe pp 126-127 En utilisant les statistiques Grew
Harrigan et Whitney espèrent récuser image un système sco
laire insuffisant progressant lentement et tardivement 125 et présenter
une image corrigée de la scolarisation fran aise au xixe siècle 123 et
127 Autant le dire pour lever toute ambiguïté objectif et la démarche
proposés nous semblent dignes intérêt Mais entreprise est risquée car ses
conclusions devront être la hauteur de son ambition
Une mage corrigée de la scolarisation fran aise au xixe siècle
Les auteurs raisonnent surtout partir des effectifs nationaux et départe
mentaux élèves irrégulièrement publiés entre 1829 et 1906 Ils calculent des
taux de croissance annuels des taux de scolarisation et de fréquentation estivale
et déterminent entre autres les dates auxquelles les départements atteignent les
taux de scolarisation annuels de 10 20 etc avec une attention
particulière pour certaines étapes 50 75 100 et les taux de fré
quentation estivale de 571 714 857 et 100 pp 120 122 130
note 53)
Les chiffres ont pas trahi les espoirs mis en eux ils prouvent existence
un système scolaire primaire bien établi dans la plus grande partie du pays dès
le début du siècle et sa croissance non pas fortuite mais systématique et
régulière Cette précocité oblige reconnaître enseignement primaire
des racines locales. si fermes il attend pas les prescriptions de la législa
tion nationale pour se développer 123 Aucun doute est plus permis
historiographie traditionnelle soucieuse de valoriser les initiatives ministé
rielles exagéré En France la mise en place de école publique ... est
faite depuis la base de la société aussi bien partir du sommet 148)
Avant de poursuivre leur démonstration les auteurs soulignent la validité
des chiffres utilisés Premier gage exactitude les pièces de référence des
enquêtes en 1886 les nombres inscriptions proviennent de registres
matricules et appel tenus avec une certaine rigueur pp 124-125 Le zèle
des inspecteurs chargés de dresser les états de situation offre une caution sup
plémentaire puisque ces administrateurs prenaient leur travail de statisticien
ur note 13 Enfin les questions posées garantissent elles aussi authen
ticité des résultats en définissant leur objet assez clairement et J.-N LUC LA SCOLARISATION EN FRANCE
rigoureusement pour ne pas égarer les enquêteurs successifs 123 Malgré
ces conditions favorables la statistique scolaire échoue relever correctement
le nombre des inscrits dans les écoles Des catégories élèves sont exagérées la
population des établissements privés les enfants qui déménagent en cours
année autres sont oubliées ou sous-estimées les enfants âge scolaire
re us dans institutions les élèves intermittents... Après avoir supposé
que certaines inexactitudes se compensent Grew Harrigan et
Whitney envisagent avec sérénité hypothèse contraire ou les
différences relativement faibles qui surgissent avec le changement des
méthodes de comptage Pourquoi historien inquiéterait-il Quel que soit
le cas de figure la marge erreur reste limitée 124)
Que le lecteur se rassure la statistique de enseignement primaire offre
toutes les garanties nécessaires son utilisation1 On se sent presque honteux
insister Et pourtant quitte jouer les fâcheux il faut bien rappeler les véri
tables conditions élaboration des chiffres disponibles et les limites de leur
interprétation
La plus belle statistique du xixe siècle ne peut donner que ce elle
Au xixe siècle la statistique scolaire est abord celle de enseignement
primaire Par sa précocité son ampleur et sa régularité elle dépasse les statisti
ques des autres ordres enseignement auxquelles elle sert parfois de modèle
Malgré cette primauté elle utilise pendant longtemps un système enquête
plutôt défectueux surtout pour mesurer la population scolarisée des degrés
divers quatre facteurs réduisent la validité des nombres élèves disponibles et
faussent leur interprétation absence ou la rareté aux années
1860 des registres établissement les négligences des agents du recense
ment les variations du champ institutionnel de enquête et surtout les méta
morphoses du territoire et de la population de référence
La