L ombre de la théorie À propos de « L Homme au sable » de Hoffmann - article ; n°24 ; vol.9, pg 29-41
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L'ombre de la théorie À propos de « L'Homme au sable » de Hoffmann - article ; n°24 ; vol.9, pg 29-41

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Description

Romantisme - Année 1979 - Volume 9 - Numéro 24 - Pages 29-41
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1979
Nombre de lectures 57
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M Jean Delabroy
L'ombre de la théorie À propos de « L'Homme au sable » de
Hoffmann
In: Romantisme, 1979, n°24. pp. 29-41.
Citer ce document / Cite this document :
Delabroy Jean. L'ombre de la théorie À propos de « L'Homme au sable » de Hoffmann. In: Romantisme, 1979, n°24. pp. 29-41.
doi : 10.3406/roman.1979.5294
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1979_num_9_24_5294Jean DELABROY
L'ombre cle la théorie
(A propos de L'Homme au Sable de Hoffmann *)
Ecriture et folie. Parmi bien d'autres pistes qui peuvent être définies
pour explorer le champ ouvert par le rapprochement de ces deux
notions, nous avons choisi l'interrogation suivante : qu'est-ce qui est
en jeu dans le fait d'écrire un texte sur la folie ? L'avantage d'une
telle entrée nous paraît consister pour l'essentiel en ce qu'elle fonc
tionne nécessairement à deux degrés. D'une part, bien sûr, elle assigne
pour propos à la lecture d'essayer de comprendre ce qui se passe
(c'est-à-dire: ce qui est visé, mais aussi ce qui se produit) dans la
décision de raconter littérairement une folie donnée. Cependant, elle
ne sépare pas cet objectif d'une contrainte, qui est celle exercée à
rencontre du lecteur lui-même pour l'obliger à se retourner le problème
qu'il pose aux oeuvres, à prendre à terme en considération son propre
choix d'écrire à propos d'une folie fictive. L'entame que nous avons
retenue vaut surtout, nous semble-t-il, en ce qu'elle entraîne non
seulement l'interprétation de représentations esthétiques particulières,
mais aussi et simultanément une interprétation de l'interprétation qui
s'applique à ces représentations. Cette double question est en l'occur
rence d'une importance spéciale puisqu'elle postule — ce qui est la
moindre des choses dès lors qu'il s'agit de la folie — qu'il est néces
saire de refuser à la lecture la présomption de se penser résolument
en dehors de ce qu'elle décrit, le confort, octroyé par on ne sait quel
privilège, d'être exemptée de toute contamination de la part des effets
qu'elle analyse.
Dans cette perspective, le choix de prendre, encore une fois,
l'Homme au Sable de Hoffmann pour base de réflexion nous a paru
avoir deux ordres de justifications. D'abord cette sélection ne s'est
pas imposée en dépit, mais en raison de la fréquentation même dont
ce texte a été l'objet de la part de la critique. On sait qu'après que
Freud eut fait de ce conte l'œuvre appropriée par excellence à une
enquête sur l'effet ď « inquiétante étrangeté », c'est le texte de Freud 50 Jean DELABROY
qui est devenu à son tour, d'Hélène Cixous à Sarah Kofman, l'œuvre
appropriée par excellence à une analyse des conséquences de l'Unheim-
lich sur l'écriture interprète. Voilà donc un dossier exemplaire (ce
qui est exemplaire au premier chef, c'est qu'il y ait eu constitution
de ce dossier) pour y faire jouer la seconde des questions distinguées
plus haut. Ensuite le texte de Hoffmann propose un dispositif dont
la complexité est très utile. Non seulement Nathanaël est à plusieurs
reprises accusé de démence (par lui-même, par son voisinage), mais
la folie du héros est continuellement présentée comme passant d'em
blée à l'écriture : lettres, poèmes. D'où comme un effet de mise en
abîme à triple instance, puisqu'on pourrait circuler de la représentation
d'une folie écrivassière à l'écriture qui en gouverne la représentation,
et encore de cette dernière à l'écriture (la nôtre) qui se met à l'inter
roger. Si bien que le conte serait en définitive une parabole, valant
pour toute écriture, de ses relations à la folie. Avant de remonter
cette sorte de filière (et de nous demander s'il est en vérité légitime
de parler de filière et de ce qui advient dans un tel effet d'enchaînement),
commençons simplement par déplier tout ce qui, dans le récit de
l'aventure de Nathanaël, a trait au rapport entre le fait d'écrire et le
fait ď « être fou» (de passer pour, d'être présenté comme).
1. «Vous devez être tous très inquiets de voir que depuis tant
et tant de jours je n'ai pas écrit » (31). La fiction a choisi de commencer
par le moment où l'on dirait, à première approche, que recommence
une écriture. Au demeurant, la suite du texte nous enjoint d'entendre
ce ne pas écrire comme un ne plus écrire, puisque Clara dit : « C'est
vrai que tu ne m'as pas écrit depuis fort longtemps » (53). C'est donc
sur le fond d'un long silence, qui est le hors-texte d'avant le début du
conte, que Nathanaël entame sa lettre à Lothaire. Sur cette cessation
de l'écriture qui vient précisément ici à s'interrompre, deux conceptions
s'affrontent. D'un côté, l'opinion commune, que Nathanël prend soin
de marquer pour s'en dissocier, et qui lie aisément l'absence d'écriture
à la jouissance : « Clara doit penser que je mène ici une vie à tout
casser» (31). Somme toute, selon la doxa, on n'écrit plus quand on
est au plaisir. Cela recouvre une certaine idée de l'écriture : celle-ci
constituerait l'activité même de l'être, qui use du langage comme d'un
engagement, qui fonde sur l'échange des mots la présence immédiate
des sujets les uns aux autres, qui a comme marque une souveraine trans
parence, par rapport à laquelle toute effraction est une infraction
(c'est pourquoi Nathanël devine que sa mère « s[e] formalise » (31)
de ce silence). L'écriture de l'être est comme la parole, s'identifie à
elle — mais la fiction refuse délibérément de la consigner, en commenç
ant à l'instant où elle n'a plus lieu. De l'autre côté, ce qui est dit de
l'écriture, par le biais de Nathaël, ne va pas simplement. Nous sommes
contraints de buter d'emblée sur une contradiction irrattrapable. Nathan
aël avance d'abord que l'absence d'écriture est consécutive à un
retrait de la jouissance (ce qui retourne la proposition commune),
mais aussi qu'on se met à écrire parce que la jouissance s'est dérobée.
D'une part, on n'écrit plus, au sens figuré par l'opinion, par suite d'une U ombre de la théorie 51
perturbation, qui prend vite le nom de folie. Ce qui interrompt tout
commerce, c'est ce « déchirement intime qui détruit toutes [les]
pensées» de l'individu (31). Mais d'autre part, force est de constater
que c'est la démence qui conduit Nathanaël à reprendre la plume. Les
conditions de cette écriture sont toutefois devenues différentes.
Elle n'est plus le fait d'une personne que l'autre dote d'une
identité sans faille, mais d'un être qui manque de soi-même,
«proie» (31) de l'aliénation. A la lettre, donc, et comme le héros le
suggère lui-même, nous devons comprendre que Nathanaël ne recom
mence pas vraiment à écrire. Il commence à écrire de toute autre
façon. Il a rompu avec ce qui est donné comme son habitude anté
rieure, c'est-à-dire avec cette idée de l 'écriture-parole qui ne ferait que
démarquer spontanément une « écriture » naturelle des signes de
l'intime : « la douce image angélique que je porte si profondément
imprimée dans le cceur»(31). Ce n'est pas qu'il écrive après n'avoir
plus écrit, mais c'est après n'avoir plus parlé : il écrit parce qu'il n'y a qu'à écrire. Il accède ainsi à la seule écriture à laquelle le récit
reconnaisse une place dans la fiction, une sorte d'écriture majeure,
sans sujet, qui est celle de la folie. Mais cela doit encore être entendu
rigoureusement : la folie, c'est la nécessité même d'écrire. Ecrire c'est
être déjà par définition dans la folie. Il n'est d'écriture que de folie,
et de folie que d'écriture.
2. L'écrit par lequel nous entrons dans le conte représente donc
l'écriture co

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