L Organisation magique du territoire villageois roumain - article ; n°3 ; vol.13, pg 150-162
20 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

L'Organisation magique du territoire villageois roumain - article ; n°3 ; vol.13, pg 150-162

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
20 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

L'Homme - Année 1973 - Volume 13 - Numéro 3 - Pages 150-162
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1973
Nombre de lectures 13
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Extrait

Paul-Henri Stahl
L'Organisation magique du territoire villageois roumain
In: L'Homme, 1973, tome 13 n°3. pp. 150-162.
Citer ce document / Cite this document :
Stahl Paul-Henri. L'Organisation magique du territoire villageois roumain. In: L'Homme, 1973, tome 13 n°3. pp. 150-162.
doi : 10.3406/hom.1973.367370
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1973_num_13_3_367370/ISO
L'ORGANISATION MAGIQUE
DU TERRITOIRE VILLAGEOIS ROUMAIN
par
PAUL-HENRI STAHL
L'étude de la vie rustique roumaine met en lumière deux unités sociales fon
damentales : le village (sat) et la maisnie1 (gospodarie) . Les deux mots ont plu
sieurs significations : le premier peut désigner soit l'habitat, soit les gens qui fo
rment le village ; le second, la maison et la cour. Ces définitions traduisent le sens
que ces termes ont pris dans le langage moderne, différent de celui de jadis.
La notion de village, telle qu'elle était entendue par les paysans eux-mêmes,
et telle aussi qu'elle doit être retenue par les hommes de science s'ils veulent com
prendre la vie traditionnelle, inclut plusieurs éléments : un groupe de personnes
qui se considèrent apparentées, installées dans un seul habitat et disposant d'une
propriété communautaire, le territoire villageois. Les hommes, leur habitat et leur
territoire forment un ensemble qui ne peut fonctionner que si tous ces éléments
sont présents.
Il en est de même pour la maisnie : elle comprend le groupe domestique (qui,
chez les Roumains, est composé d'un ménage et de ses enfants, parfois aussi des
vieux parents du mari), la cour avec la maison et les attenances, la propriété agri
cole. Dans les villages où existent encore des zones communautaires, la maisnie
a le droit de les utiliser. Parenté, entraide, obligations ou avantages, tout est
interprété à travers la maisnie. Ainsi, si les départements se composent de villages,
les villages se composent à leur tour de maisnies et non pas d'individus ou de
familles.
On reconnaît partout sur le territoire les traces de ces deux unités sociales2.
En même temps le territoire se différencie d'après les critères du milieu naturel :
forêts, rivières, plaines, montagnes. Les paysans les apprécient selon le rôle
1. J'ai retenu ce vieux mot français qui se rapproche le plus de la notion roumaine
(cf. La Curne de Sainte-Palaye, Dictionnaire historique de V ancien langage françois , Paris,
1880 : 232).
2. Henri-H. Stahl, Les anciennes Communautés villageoises roumaines. Asservissement et
pénétration capitaliste, Bucarest-Paris, Éd. du CNRS - Éd. de l'Académie de la République
socialiste de Roumanie, 1969 : 25-38. ET TERRITOIRE VILLAGEOIS MAGIE
économique qu'ils jouent dans leur vie : la forêt donne le bois, les fruits, les
plantes comestibles et médicinales... Une autre série d'éléments présente un carac
tère social encore plus marqué : les terres arables, les lots de forêt défrichée, les
fontaines, les routes.
Nature et société sont dans une étroite interpénétration dont on commence à
mieux connaître les modalités et l'évolution historique. Notre interprétation
serait incomplète si nous omettions les procédés relevant de la magie ou de la reli
gion, qui sont associés aussi bien à l'organisation du milieu ou à celle de la société
qu'à leurs relations.
Les matériaux dont nous disposons aujourd'hui pour connaître les rites, les
cérémonies, les croyances, les superstitions, sont riches. Ce n'est pas leur descrip
tion qui va retenir notre attention, mais leur structuration. Nous émettons l'hypo
thèse qu'il y a interpénétration systématique des trois niveaux de la nature, de la
société et de la magie ou plutôt du surnaturel.
Malgré leur nombre, les informations publiées sont incomplètes ; ceci nous
oblige à faire souvent appel aux observations personnelles. En outre seuls les faits
présentant un caractère général et concernant un grand nombre de villages seront
pris en considération.
Le territoire
Les paysans désignent du même nom, hotar, les limites du territoire villageois
et les terres comprises entre ces limites. Des frontières intervillageoises, antérieures
aux premiers documents écrits des xme et xrve siècles, séparent les villages entre
eux1. Deux ou plusieurs groupes villageois se rencontrent sur leurs frontières afin
de les préciser, car ils ont un égal intérêt à les faire respecter. Les administrations
des principautés moyenâgeuses avaient parmi leurs attributions essentielles l'o
rganisation des opérations agrimensurales fixant ou reconstituant ces limites ainsi
que le règlement des disputes entre paysans voisins.
Les tracés, une fois établis, acquéraient le caractère de frontières magiques :
à l'intérieur, où vit le groupe humain, se trouve l'espace que la frontière doit pro
téger contre l'étranger, l'inconnu, qui vient de l'extérieur. Destinée à protéger
l'ensemble du groupe villageois, la frontière est défendue par tout le groupe.
A quoi reconnaît-on ce double caractère d'une frontière, qui de « sociale »
devient « magique » ? Tout d'abord l'opération même de démarcation revêtait un
caractère spécial ; effectuée par les villages adjacents sur leur limite commune,
elle s'accompagnait de malédictions contre les éventuels fraudeurs, ceux qui
essayent de tromper l'arpenteur ou qui ensuite déplacent clandestinement la
frontière. Comme le montrent les documents anciens, le recours à ces malédictions
1. H. -H. Stahl, Contributii la studiul satelor devâlma§e româneçti, Bucuresti, 1958, I. PAUL-HENRI STAHL 152
était un procédé juridique courant. Les prêtres rédigeaient des papiers que le juge
ou l'arbitre portait sur lui pour obtenir que les parties en cause disent la vérité.
L'efficacité en était grande, comme le prouvent les cas où des témoins refusèrent
de cautionner une cause fausse, par peur des conséquences. Celui en effet qui
osait déplacer les pierres posées par l'arpenteur pour marquer la frontière était
victime de graves désagréments dans cette vie ou dans l'autre.
Les dangers éventuels qui peuvent de l'extérieur menacer la collectivité sont
en principe écartés par la frontière du village. C'est là, par exemple, que la peste,
imaginée comme une femme au visage hideux allant de par le monde répandre la
mort, devait être arrêtée. C'est pourquoi les paysans revêtaient de « la chemise de
la peste », chemise fabriquée en une seule nuit par un groupe de femmes, une
poupée qui, attachée à un poteau, était placée debout à la frontière, tournée dans
la direction d'où pouvait arriver le fléau.
Les processions destinées à faire tomber la pluie ou à la faire cesser allaient
jusqu'à la frontière que le cortège, conduit par le prêtre du village, ne dépassait
pas ; l'effet escompté ne valait que pour le territoire villageois. C'est également
le village seul que le son des cloches (ou d'autres procédés) protégeait de la grêle :
celle-ci allait tomber sur le territoire des voisins. Diverses opérations magiques
étaient pratiquées à proximité des frontières : par exemple, le cœur du mort
devenu stryge, pouvant provoquer une pluie excessive, tuer les gens, arrêter la
lactation des vaches, était ôté du cadavre et jeté de l'autre côté des frontières. Les
êtres surnaturels eux-mêmes tenaient compte de celles-ci : c'est là qu'ils se rassem
blaient pour se battre.
La plupart des régions qu'habitaient les Roumains étaient couvertes de forêts,
défrichées peu à peu pour faire place aux pâturages et aux terres labourables. La
grande majorité des villages disposaient de trois catégories de terres, chacune
ayant une fonction économique différente : forêt, prés, terres de labour. La forêt,
bien que faisant partie du territoire, est la zone mystérieuse, restée sauvage,
indomptée. Dans la forêt vivent des animaux, et les croyances qui les concernent
sont nombreuses, mais l'essentiel nous paraît être la forêt elle-même, c'est-à-dire
les arbres.
La zo

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents