La formation par le système de crédits capitalisables :  le revers de la médaille
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Séminaire régional de recherche-action pour l’enseignement du français en Asie-Pacifique Da Nang, décembre 2008 La formation par le système de crédits capitalisables : le revers de la médaille TRAN Thanh Ai Université de Cantho Vietnam Résumé : La formation par le système de crédits n’est pas chose nouvelle même pour l’enseignement supérieur du Vietnam. Toutefois, elle est d’actualité depuis 2007, après la décision du Ministère vietnamien de l’Education et de la Formation, selon laquelle tous les établissements supérieurs devront appliquer radicalement le système de crédits capitalisables à partir de 2010. Sont nombreux les avantages apportés par ce système, auxquels ses tenants ont recours sans cesse. Dans le cadre de ce séminaire nous souhaiterions apporter quelques constats sur le côté négatif de cette nouvelle modalité de formation. Inscrite dans la foulée de la pédagogie personnalisée moderne, la formation par système de crédits capitalisables vient d’être mise en place dans l’enseignement supérieur au Vietnam. Cette modalité vise à offrir, par principe, à l’étudiant une série de choix censés profitables à ses études. Toutefois, il suffit de mettre un peu de temps pour apercevoir le revers de la médaille quand il s’agit de la formation des enseignants en général, et celle des enseignants de français en particulier. Dans cet article, nous essaierons d’analyser les inconvénients auxquels nous tenons tête dans notre établissement. 1.

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Publié le 13 février 2014
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Langue Français

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Séminaire régional de rechercheaction pour l’enseignement du français en AsiePacifique Da Nang, décembre 2008La formation par le système de crédits capitalisables :
le revers de la médaille TRAN Thanh Ai Université de Cantho Vietnam Résumé : La formation par le système de crédits n’est pas chose nouvelle même pour l’enseignement supérieur du Vietnam. Toutefois, elle est d’actualité depuis 2007, après la décision du Ministère vietnamien de l’Education et de la Formation, selon laquelle tous les établissements supérieurs devront appliquer radicalement le système de crédits capitalisables à partir de 2010. Sont nombreux les avantages apportés par ce système, auxquels ses tenants ont recours sans cesse. Dans le cadre de ce séminaire nous souhaiterions apporter quelques constats sur le côté négatif de cette nouvelle modalité de formation. Inscrite dans la foulée de la pédagogie personnalisée moderne, la formation par système de crédits capitalisables vient d’être mise en place dans l’enseignement supérieur au Vietnam. Cette modalité vise à offrir, par principe, à l’étudiant une série de choix censés profitables à ses études. Toutefois, il suffit de mettre un peu de temps pour apercevoir le revers de la médaille quand il s’agit de la formation des enseignants en général, et celle des enseignants de français en particulier. Dans cet article, nous essaierons d’analyser les inconvénients auxquels nous tenons tête dans notre établissement. 1. Principes soustendant la formation par système de crédits capitalisables L’application du système de crédits à l’enseignement supérieur ne peut ne pas prendre en compte les principes fondamentaux suivants, car ceuxci constituent la raison d’être de cette nouvelle modalité de formation. 1.1. La participation active de l’étudiant à sa formation Il s’agit de la démocratisation éducative. Désormais, l’étudiant peut avoir voix au chapitre au sujet de sa propre formation : il peut participer plus activement à la composition de ses « ingrédients cognitifs » (principe de libre choix du buffet). Il choisira les modules qu’il jugera nécessaires à sa formation et appropriés à sa vocation. Le curriculum de chaque formation doit donc offrir le plus de modules optionnels possible. Le dynamisme de cette modalité de formation consiste également dans le fait que l’étudiant peut gérer son budget de temps consacré aux études à sa volonté : il pourrait achever la licence pendant 3 ans ou 7 ans par exemple selon sa disponibilité temporelle, grâce à la souplesse administrative de l’établissement de formation. Par principe, cette possibilité vise à mettre l’enseignement supérieur à la portée d’un public de plus en plus nombreux désireux d’obtenir des formations supérieures. Elle encourage donc l’égalité des chances de bénéficier de l’éducation.
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Du point de vue de l’acquisition du savoir, le nouveau dispositif de formation exige que l’étudiant doive construire ses propres connaissances au lieu de les recevoir passivement de l’enseignant : largement inspirée du socioconstructivisme, la formation par système de crédits capitalisables envisage un volume important de travail individuel de la part de l’étudiant, la classe n’étant plus le lieu de « transfert de connaissances » mais celui de mise au point et de confrontation de savoirs construits par l’étudiant. 1.2. Le cumul des tâches de l’enseignantDe l’enseignement centré sur l’enseignant et/ou sur les connaissances à celui centré sur l’apprenant, la tâche de l’enseignant connaît des changements assez radicaux, qui lui supposent une réadaptation à la nouvelle philosophie de l’éducation. Ces changements entraînent forcément un perfectionnement méthodologique au profit de l’enseignant. Sans cette étape de formation et/ou de reformation, l’enseignant aura du mal à répondre aux exigences de la nouvelle modalité de formation, qui portent sur toutes les étapes de l’enseignement, de la conception des modules à la gestion des séances de classe. Dans la conception des modules par exemple, le plus grand problème pour lui, c’est de se sensibiliser à l’approche des objectifs et du processus tout en écartant l’habitude de longue date de l’approche du contenu visant « à tout enseigner ». A cela s’ajoute le fait que le corps enseignant des unités de formation doit concevoir et élaborer bien des modules optionnels pour que le choix de l’étudiant soit significatif. 1.3. La souplesse de l’administration L’éducation centrée sur l’apprenant exige de l’établissement une souplesse remarquable dans la gestion, et ce dans le but de créer des conditions favorables à la personnification de la formation. L’application du système de crédits capitalisables postule donc que l’établissement de formation devra être assez compétent, en termes de gestion mais aussi de matériel, pour gérer les affaires académiques qui se multiplient en fonction des choix divers de modules à suivre et de la disponibilité temporelle de l’étudiant. Pour ne prendre qu’un exemple sur le changement : aux classes traditionnelles en tant que cellules de base de tout fonctionnement se substituent les classes temporaires correspondant aux heures de cours. Ces classesmodules sont donc instables d’un module à un autre, du point de vue de leur composition et de leur effectif. Et si l’on choisit comme politique éducative « l’apprentissage tout au long de la vie », l’université devra être de plus en plus ouverte à tout le monde tout en assurant la souplesse exigée. 2. Etats des lieux de l’application du système de crédits à l’Université de Cantho (UCT) 2.1. La réduction importante du volume horaire
La première mesure qu’on prenne pour convertir l’ancienne modalité de formation en système de crédits capitalisables, c’est la réduction systématique du volume horaire de tous les modules. Cette opération est effectuée dans le but déclaré d’augmenter le travail individuel de l’étudiant. Le Département de français en tant qu’unité de formation de futurs enseignants de français n’échappe pas à ce cas :
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 Désormais, chaque curriculum comprend 138 crédits, équivalant à 2070 périodes de travail (1) en classe en dépit de la différence entre les curricula de différentes formations.  Les cours réservés à l’entraînement des compétences communicatives ne font pas exception : la réduction du volume horaire de ces modules influence qualitativement le résultat d’apprentissage. L’étudiant a moins d’occasion de pratiquer la langue en classe ou en groupe, car on suppose qu’il le fasse chez lui. Tableau comparatif du volume horaire des deux systèmes de formation du Département de français
1
2
3
4
5
Système Ancien Composantes du curriculumActuelsystèmeTronc commun en vietnamien 35 cr = 525 p 1005 p
Modules professionnels (méthodologie du FLE…)
Les compétences communicatives
Littérature + Civilisation
Théorie linguistique (grammaire + phonétique + lexicologie)
6 Anglais (2) 7 Mémoire
8 Technologies nouvelles
17 cr = 255 p
46 cr = 690 p
4 cr = 60 p
14 cr = 210 p
10 cr = 150 p
10 cr = 150 p
2 cr = 30 p
138 cr = 2070 p
375 p
1200 p
180 p
435 p
330 p
150 p
0 p
3675 p
%
52,23
68,00
57,50
33,33
48,27
45,45
100,00
56,30%
Légende :cr. signifie crédit, p., période de 50 minutes. 2.2. La virtualité des modules optionnels  Le nombre de modules optionnels détermine la liberté de choix de l’étudiant : plus l’unité de formation lui en offre, plus grande est la liberté de choix. Or une contrainte administrative imposant que l’effectif de classemodule doit comprendre au moins 15 inscrits, l’étudiant du Département de français, où chaque promotion de recrutement comprend une vingtaine d’étudiants, ne peut choisir les modules à son gré, mais il lui faut négocier avec ses collègues de classe pour assurer la condition numérique minimale d’une classemodule, ce qui limite considérablement le libre choix de l’étudiant. Il arrive parfois que c’est le département qui décide le module à enseigner dans tel ou tel semestre, pour des raisons telles que l’indisponibilité de l’enseignant.
(1)  Un crédit équivaut à 15 périodes de cours de 50 minutes de travail en classe plus 30 heures de travail individuel.(2)  Ceux qui ne sont pas sélectionnés pour faire un mémoire de fin d’études doivent suivre 10 crédits de cours réservés au perfectionnement linguistique et à la sensibilisation à la théorie linguistique.
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Il faut compter également le cas où les unités de formation, surtout les petites, ne pouvant organiser assez de modules optionnels, n’offrent pas de choix véritable, quoique les intitulés soient dûment présentés dans le répertoire des modules offerts. En conséquence, les modules optionnels sont parfois virtuels. 2.3. La réduction du programme de formation La réduction du volume horaire est initialement envisagée au profit du travail individuel de l’étudiant sans que le programme de formation soit réduit. Pour ce faire, il est inévitable de restructurer les curricula et de changer des techniques de classe, de telle sorte que les objectifs de formation ne changent pas. Cette tâche s’avère très difficile, même irréaliste pour beaucoup, car ils la trouvent contradictoire. L’enseignant aurait dû suivre des stages de sensibilisation aux nouvelles techniques de classe avant de s’engager dans cette opération. Or il doit faire des tâtonnements pour s’adapter au nouveau système, et il va sans dire que d’une manière ou d’une autre, pas mal de collègues ont adopté la façon de procéder la plus facile qu’est la réduction du programme de formation. 2.4. L’incontrôlabilité du travail individuel de l’étudiant  La formation par système de crédits postule le volontariat que l’étudiant doit exprimer dans son travail individuel chez lui. Or le manque d’autonomie, datant de l’étape du primaire et renforcé pendant les années du secondaire, lui fait perdre l’orientation : sans les contrôles sévères d’instituteurs et de maîtres d’école, les années universitaires deviennent parfois pour lui la période de relaxe et d’aventures, en dépit des mots d’ordre et des slogans lancés par les universitaires ! 2.5. La tendance démagogique de l’enseignant Le fait que l’étudiant peut choisir les modules à apprendre signifie également, dans une certaine mesure, qu’il choisit l’enseignant avec qui il préfère travailler (surtout pour les modules relevant du tronc commun, qui ont besoin de plusieurs classes simultanées). A ce choix s’ajoute le fait que l’étudiant a le droit d’évaluer l’enseignant à la fin de chaque semestre. L’enseignant cherche donc, parfois à certains prix qui font penser à la démagogie, à plaire à sa « clientèle » dans l’espoir de recevoir plus de « commandes », ou au moins, de ne pas recevoir « de mauvaises notes », ou de ne pas chômer. Ce phénomène, imprégné de particularités de l’économie du marché, contribue à bouleverser les valeurs traditionnelles de l’éducation vietnamienne. 2.6. La maladresse des gestionnaires éducatifs : mélange de finalité et d’outils  L’échelle de notation américaine (A, B, C, D et F) est le nouvel outil d’évaluation conseillé par le ministère. Toutefois, son premier emploi provoque une mauvaise réputation et complique la situation : environ un millier d’étudiants risquent d’être exclus de l’Université à cause de la note D, équivalant aux notes de 4 à 5,5 points sur 10. En plus de ce premier incident, cette tendance suiviste d’américanophones surcharge inutilement l’enseignant qui ne sait pas sur quel pied danser pour le renouveau de l’enseignement. 3. Les conditions nécessaires et suffisantes de l’application du système de formation par crédits capitalisables  Les expériences accumulées nous permettent d’énoncer les conclusions suivantes : pour mener à bien le renouveau, il faut que les trois acteurs principaux de l’enseignement
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supérieur – à savoir l’étudiant, l’enseignant et le gestionnaire éducatif – fassent des efforts importants pour remplir les conditions suivantes. Le manque, même partiel, de ces conditions rendra le renouveau superficiel et la formation par système de crédits inefficace. 3.1. Du côté des gestionnaires : Le changement est une des caractéristiques les plus importantes de notre ère. Pour souhaiter recevoir de bons résultats dans le renouveau, il ne faut pas imiter à l’aveuglette des dispositifs éducatifs tout faits de l’étranger, mais il importe de conscientiser tous les acteurs sur les utilités de ces dispositifs avant de les mettre en place.  l’établissement doit avoir la capacité de fournir assez de matériel éducatif pour répondre aux exigences de la formation par crédits capitalisables (salles de classe, projecteurs…).  Le système de crédits capitalisables demande une compétence forte dans la gestion assistée par ordinateur pour satisfaire à toutes les inscriptions des étudiants.  Chaque catégorie de modules a ses propres caractéristiques et demande à être traitée différemment : si les modules théoriques supposent être réduits temporellement sans que le but visé (les connaissances acquises par l’étudiant) soit compromis, les modules pratiques par contre ne peuvent supporter la réduction, le travail individuel prévu ne pourra jamais car remplacer le travail en groupe et/ou en classe.3.2. Du côté de l’enseignant :  L’enseignant doit participer impérativement aux stages de perfectionnement pédagogique avant la mise en place du nouveau système de formation.  Le corps enseignant doit être assez nombreux et compétent pour élaborer – et enseigner – plus de modules qu’auparavant. 3.3.Du côté del’étudiant : L’étudiant doit avoir de nouvelles attitudes envers ses études (autonomie, amour du travail...), de nouvelles compétences de haut niveau (observation, analyse, critique, synthèse…), l’apprentissage par cœur constituant un des obstacles majeurs à la nouvelle formation. Pour ce faire, il doit être sensibilisé à ce nouvel esprit de travail dès l’enseignement secondaire. Tout changement, même heureux, provoque toujours des bouleversements : il devra donc être anticipé par des préparations.4. ConclusionFacteur de démocratisation par définition, le système de crédits a pour butde fournir à l’étudiant une marge de liberté et de conscientisation plus grande que possible, à plusieurs dimensions dans sa formation supérieure. C’est pourquoi, la mise en application de ce système demande aux décideurs de respecter rigoureusement cette démocratisation, condition sine qua non de la pédagogie personnifiée de notre époque.
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BIBLIOGRAPHIE AIPU (2007) :Vers un changement de culture en enseignement supérieur. Regards sur e l'innovation, la collaboration et la valorisation,Actes du 24 congrès de l'Association internationale de pédagogie universitaire (AIPU), Université de Montréal, Canada. CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ÉDUCATION (2008) :Des acquis à préserver et des défis à relever pour les universités québécoises, Québec, Canada. CPU (2002) :L’Étudiant dans l’Université du XXIe siècleMulhouse  21 et 22 mars 2002, CPU (2002) :Les conséquences de l’internationalisation des Universités, Tours  26 et 27 septembre 2002. CPU (2005) :L’Université : Acteur majeur dans l’Europe des formations supérieures, Lyon  1718 mars 2005. CPU (2006) :Internationalisation et politique internationale des universités, Nantes 15,16 et 17 mars 2006. DELORS J. &alii(1996) :L’Education, un trésor est caché dedans, Paris, Ed. Odile Jacob. MAGRO Raymond (2000) : «Université, démocratisation et savoirs »,Le Portique, Numéro 6  2000 Le discours universitaireen ligne le 24 mars 2005. URL :, [En ligne], mis http://leportique.revues.org/document447.html. Consulté le 27 novembre 2006 UNESCO (2008) :L’éducation pour tous en 2015, Un objectif accessible ?, UNESCO, Paris.
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