La géographie soviétique (1953-1983) : le paradoxe de la marginalité - article ; n°2 ; vol.57, pg 239-257
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La géographie soviétique (1953-1983) : le paradoxe de la marginalité - article ; n°2 ; vol.57, pg 239-257

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Description

Revue des études slaves - Année 1985 - Volume 57 - Numéro 2 - Pages 239-257
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Madame Marie-Claude Maurel
La géographie soviétique (1953-1983) : le paradoxe de la
marginalité
In: Revue des études slaves, Tome 57, fascicule 2, 1985. Trois décennies de sciences sociales en Union soviétique,
1953-1983. pp. 239-257.
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Maurel Marie-Claude. La géographie soviétique (1953-1983) : le paradoxe de la marginalité. In: Revue des études slaves, Tome
57, fascicule 2, 1985. Trois décennies de sciences sociales en Union soviétique, 1953-1983. pp. 239-257.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1985_num_57_2_5488LA GÉOGRAPHIE SOVIETIQUE (1953-1983)
Le paradoxe de la marginalité
PAR
MARIE-CLAUDE MAUREL
Dans un système économique où le principe d'une répartition rationnelle des
forces productives a été très tôt formulé, quelle autre discipline apparaît mieux
désignée que la géographie pour être le support d'une organisation territoriale
« scientifiquement fondée » ?
L'ampleur des objectifs de mise en valeur, la volonté de maîtriser l'aménagement
d'un espace étendu et difficile, l'acuité des problèmes de développement régional
n'impliquent-ils pas qu'une place importante soit reconnue à la géographie ? Para
doxalement, il n'en est rien, la géographie occupe une place marginale dans le
champ des sciences sociales. Sa bi-appartenance de fait aux sciences naturelles d'une
part, aux sociales d'autre part, n'y est pas étrangère. Une discipline en
situation frontalière a souvent plus de mal à se faire reconnaître. Mais la raison
essentielle n'est pas là, et le rôle mineur, voire subordonné, de la géographie écono
mique par rapport à la géographie physique, n'est qiie l'expression de la volonté
plus profonde de réduire la portée d'une science, qui traite du territoire et de son
organisation.
Toute organisation territoriale est le produit d'un système politique et social,
en même temps qu'un agent de la reproduction de celui-ci. En Union soviétique,
l'organisation territoriale est une construction volontaire, relevant d'un maître
d'oeuvre exclusif qui exerce une emprise totale sur l'exploitation des ressources
et la gestion des activités. La doctrine de régionalisation économique a esquissé
les grandes lignes d'un projet d'intégration territoriale, auquel le pouvoir soviétique
s'est constamment référé. Pour autant, cela ne signifie pas qu'il y ait adéquation
entre l'approche idéologique, d'une organisation territoriale « scientifiquement
fondée », et la réalité de pratiques, marquées du sceau du volontarisme et de
l'empirisme. Entre les stratégies effectivement mises en œuvre, et les principes
avancés, la distance est grande. Mais comment l'occulter si la géographie, cessant
d'être un instrument de connaissance des conditions d'exploitation des richesses
naturelles, en venait à s'intéresser aux pratiques spatiales du pouvoir, à l'analyse
des mécanismes de contrôle des hommes et des ressources ? La géographie doit
contribuer à conforter le mythe de la rationalité des politiques de localisation, le
Rev. Étud. slaves, Paris, LVII/2, 1985, p. 239-257. M.-Cl. MAUREL 240
mythe d'un aménagement équilibré, soucieux de l'environnement, le mythe d'une
gestion des ressources assurant la satisfaction continue des besoins matériels de la
société. Aussi convient-il, lorsque le mythe s'écarte trop de la réalité, de ramener
la géographie économique aux dimensions d'un catalogue des localisations. Mieux
encore, il s'avère possible de priver la géographie de son objet territorial en la
décomposant en branches verticales et spécialisées, à l'image d'un mode de planifi
cation et de gestion de la société dans lequel les filières sectorielles de commande
ment prennent le pas sur les structures territoriales. Si, curieusement, la géographie
en tant que science n'apparaît pas au centre du pouvoir, n'est-ce pas, d'une certaine
manière, parce que le territoire est un élément constitutif de la puissance soviétique,
et avant tout une construction politique et idéologique ? L'origine du paradoxe
réside dans cette nécessité d'occulter la nature réelle du rapport du pouvoir au
territoire.
I
UNE SCIENCE A LA RECHERCHE DE SON IDENTITÉ
Au cours des trente dernières années, la géographie n'a pas échappé, sous l'i
nfluence du changement des positions idéologiques officielles, à la nécessité d'une
révision de ses présupposés. Pour cette science sociale en situation frontalière, cela
se traduit par une interrogation inquiète sur son identité, son statut et sa fonction
sociale.
La géographie peut-elle être considérée comme une science sociale à part
entière ? A l'époque où le partage fermement établi entre sciences naturelles et
sciences sociales justifiait la dissociation entre géographie physique et géographie
économique, la question appelait une réponse simple et sans ambiguïté. L'existence
d'un dualisme de fait des sciences géographiques, longtemps reconnu comme un
dualisme de droit, a perdu une partie de sa pertinence depuis qu'un changement
de paradigme s'est opéré au sein de la géographie soviétique, au cours des années
soixante. Les thèses introduites par Anučin, en renouvelant l'approche des rela
tions nature — société, ont suscité un profond bouleversement conceptuel qui
trouve son prolongement dans l'affirmation du principe de l'unité de la géographie.
Pour autant, le problème de l'appartenance de la géographie aux sciences sociales
ne se trouve pas être mieux résolu, même si l'apparition récente d'une géographie
sociale fournit un bon argument pour considérer la comme une science
sociale.
Le paradigme de l'unité de la géographie ne réussit pas mieux que l'ancien à
conférer une identité à la géographie. Les géographes s'épuisent en une vaine
recherche de consensus pour définir l'objet d'étude et les méthodes de la science
dont ils se réclament. A la fois nouveau concept et thème d'actualité, l'environne
ment ne résume pas le champ d'investigation de la géographie, et l'approche écolo
gique apparaît une composante supplémentaire au sein d'une science dont la
différenciation s'accuse. Nouvelles branches et spécialisations se multiplient, tandis
qu'au gré des modes intellectuelles, certains courants tentent, par l'introduction
de méthodes mathématiques, ou de formulations théoriques, de fonder de nouvelles
disciplines (géographie théorique, géographie mathématique, par exemple). La GÉOGRAPHIE 241
géographie n'y gagne guère en cohésion. A la recuerche d'une identité propre, la soviétique adopte un paradigme qui, loin de lui reconnaître un champ
spécifique d'intervention, renforce son penchant à l'universalité.
La tentative d'unification de cette science dualiste semble paradoxalement
se solder par un éclatement croissant des sciences géographiques, au point qu'il
peut paraître plus prudent, au seuil des années quatre-vingts, de qualifier la géogra
phie de champ pluridisciplinaire.
1. Dela dualité à l'unité : un changement de paradigme.
1.1. Géographie physique, géographie économique : la coupure idéologique.
Durant la période stalinienne, géographie physique et géographie économique
ont connu un développement indépendant l'une de l'autre et fortement dissymét
rique. Une priorité de fait a été accordée aux disciplines de la géographie physique
qui ont pour champ d'investigation l'étude du milieu naturel et des ressources.
Appartenant aux sciences de la terre, domaine des lois naturelles, la géographie
physique a pour objet spécifique d'étude l'enveloppe physico-géographique, enten
due au sens de sphère d'interaction de la lithosphère, de l'hydrosphère, de l'atmo
sphère et du monde organique. En conformité avec la position idéologique proférée
par Stalin, niant toute influence environnementaliste sur le développement de la
société, la géographie physique s'est appropriée

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