La lecture silencieuse - article ; n°2 ; vol.66, pg 579-598
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Description

L'année psychologique - Année 1966 - Volume 66 - Numéro 2 - Pages 579-598
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1966
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

A. Leroy-Boussion
La lecture silencieuse
In: L'année psychologique. 1966 vol. 66, n°2. pp. 579-598.
Citer ce document / Cite this document :
Leroy-Boussion A. La lecture silencieuse. In: L'année psychologique. 1966 vol. 66, n°2. pp. 579-598.
doi : 10.3406/psy.1966.27534
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1966_num_66_2_27534LA LECTURE SILENCIEUSE
par A. Lehoy-Boussion
I.N.P.-C.N.R.S., Marseille
I. — INTRODUCTION
Le but final de l'apprentissage de la lecture est, évidemment, la
lecture idéo-visuelle. Seul ce type de lecture donne le pouvoir de déchif
frer de longs messages à de très grandes vitesses et d'en tirer le maximum
d'information dans un laps de temps aussi court que possible. L'habileté
en lecture et la capacité d'intérioriser vont de paire : l'intériorisation
est souvent difficile chez les jeunes enfants. Beaucoup d'élèves, lorsqu'ils
commencent à lire, éprouvent un besoin réel de s'entendre eux-mêmes,
de passer par le canal des perceptions auditives, de recréer les conditions
de l'échange verbal direct. Chez les adultes, même, la lecture silencieuse
n'est pas toujours parfaite : des mouvements des lèvres ou de la langue,
des chuchotements apparaissent parfois.
Ces difficultés soulèvent de nombreux problèmes qui ont donné lieu
à des réponses souvent divergentes :
— Comme l'ont fait remarquer Woodworth (1954), puis Edfeldt
(1959), les querelles relatives à la lecture silencieuse reflètent deux
conceptions extrêmes concernant les rapports de la pensée et du lan
gage. Pour les uns le langage est primordial : la pensée ne peut prendre
place en l'absence du intériorisé. De ce point de vue, lire c'est
traduire l'écriture en parole. Pour les autres, la pensée peut se dégager
totalement des composantes motrices et auditives du langage. Selon cette
conception, lire, c'est passer directement du signe graphique au concept.
Ces perspectives théoriques sous-tendent les recherches sur la psychol
ogie de la lecture silencieuse ; ils sont à la base de méthodes pédagog
iques. L'état de nos connaissances ne nous permet pas encore de
trancher ce dilemme ; c'est ce que nous constaterons en passant en
revue les résultats obtenus par la recherche expérimentale.
ï. — Recherchas sur la psychologie de la lecture sibnsieuse
Du point de vue de l'expérimentation psychologique, la lecture
silencieuse peut être envisagée sous les trois aspects suivants : vitesse,
compréhension, manifestations subvocales. Nous examinerons succes
sivement ces trois critères.
A) Le critère vitesse
1) Supériorité de la lecture silencieuse. — Un fait est nettement
démontré : la lecture silencieuse est plus rapide que la lecture orale.
Dans une expérience ancienne, Huey (1908) a comparé la vitesse REVUES CRITIQUES 580
des deux lectures chez 20 étudiants. Il trouve les vitesses suivantes :
216 mots par minute en lecture orale à un rythme ordinaire, 276 en
lecture orale à vitesse maximum, 336 en lecture silencieuse. Toutes les
études ultérieures ont confirmé cette supériorité de la lecture silencieuse.
Commentant ces résultats, Woodworth (1954) souligne le fait sui
vant : la lecture orale est nécessairement limitée puisqu'elle est soumise
au déroulement des processus musculaires nécessaires à des articula
tions successives.
Chez les enfants, la supériorité de la lecture silencieuse s'observe
précocement. Durrell (1940) constate que les enfants de 9 ans lisent
110 mots par minute en lecture orale et 125 mots en lecture silencieuse.
Dans une investigation longitudinale sur 179 écoliers, nous trouvons
à l'âge de 8 ans, 69 mots par minute en lecture orale contre 79 mots
en lecture silencieuse (Leroy-Boussion, 1964).
Les techniques d'enregistrement du mouvement des yeux expliquent
cette différence. En enregistrant sur une même bande les déplacements
oculaires et le déroulement de la parole au cours de la lecture orale,
on constate que le regard est toujours en avance sur la parole. On peut
mesurer cet intervalle par le nombre de mots ou par le nombre d'espace-
lettres : c'est l'intervalle « parole-regard ». D'après Buswell (1920),
l'œil est souvent en avance de 5-6 mots sur la parole. Tout se passe
comme si le mouvement d'exploration de l'œil était freiné par les exi
gences de la vocalisation.
Chez les adultes, après un entraînement spécial, la lecture silencieuse
peut atteindre des vitesses extraordinaires. D'après Stauffer (1962),
un groupe d'étudiants entraînés par la méthode Wood est passé de 241-
800 mots/minute (scores extrêmes) à 843-4 475 pour la lecture d'un
roman. Pour un ouvrage technique, la vitesse a augmenté de 169-
361 à 543-2 711.
De telles vitesses sont évidemment incompatibles avec les mouve
ments articulatoires, aussi télescopés soient-ils. Il semble que l'on ait
réussi à casser la barri are orale- visuelle pour arriver à une lecture
purement idéo-visuelle.
2) Relation entre lecture orale et lecture silencieuse. — Un premier
problème se pose : dans quelle mesure les deux lectures sont-elles liées
entre elles ?
Extrapolant les résultats concernant l'intervalle « parole-regard »,
certains auteurs ont été jusqu'à considérer les deux types de lecture
comme des processus totalement distincts et antagonistes. La
orale agirait sur la lecture sile icieuse d'une manière inhibitrice.
Cette dichotomie semble inacceptable. Il est plus naturel de voir
dans ces activités deux formes d'une même capacité, l'une intériorisée,
l'autre extériorisée ; c'est l'opinion d'Anderson et Dearborn (1952) ;
c'est aussi celle d'Edfeldt (1959).
Une constatation expérimentale vient étayer cette seconde hypo
thèse : les performances de vitesse dans l'une et l'autre lecture sont LEROY-BOUSSION. LA LECTURE SILENCIEUSE 581 A.
liées nettement et d'une manière positive chez un même individu.
Comparant la lecture orale et la lecture silencieuse par la technique
d'enregistrement des mouvements oculaires, Anderson et Swanson (1937)
obtiennent les corrélations suivantes : vitesse de lecture .68, fréquence
de fixations. 68, durée des pauses .50, fréquence des régressions .59.
Swanson (1937), utilisant le tachistoscope, compare la reconnaissance
des mots en lecture orale et en lecture silencieuse. Il trouve une corré
lation de .81 entre le total des erreurs dans les deux formes de lecture.
Chez les enfants, dans l'étude que nous avons effectuée (Leroy-Boussion,
1964), la corrélation entre les deux vitesses de lecture à l'âge de 8 ans
est extrêmement élevée : .91.
Ces résultats ne nous surprennent pas. En fait, nous le savons, les
deux processus sont liés. Loin d'être antagonistes, ils s'épaulent l'un
l'autre. La lecture orale affleure souvent dans la lecture silencieuse :
lorsqu'il butte sur une difficulté de déchiffrage ou de compréhension,
le lecteur, aussi expérimenté soit-il, se surprend fréquemment à chu
choter ou à parler sa lecture. Inversement, toute lecture orale, si elle
est intelligente et expressive, implique un acte de silencieuse.
au niveau expressif, la lecture orale n'avance plus mot par mot. La
xmnaissance de ce qui précède le mot actuellement lu ne suffît pas pour
parvenir au ton de la conversation naturelle ; il faut en outre une pré
lecture du reste de la phrase. L'intervalle « parole-regard » rend compte
expérimentalement de cette prise d'information extrêmement rapide
opérée sur le mode idéo-visuel pendant que le sujet énonce oralement
une partie antérieure de la phrase. En améliorant la qualité expressive
de la lecture orale, on améliore forcément la lecture silencieuse.
3) Comparaison des deux vitesses de lecture chez les enfants. — Le
fait d'alléger la lecture de ses composantes vocales est-il bénéfique
chez les enfants à tous les niveaux d'âge ?
L'exploration génétique de la relation entre les deux vitesses de
lecture permettrait de répondre à cette question si importante pour la
pédagogie. Malheureusement, les travaux sont rares en ce domaine.
Une expérience de Buswell (1920), sur trois bons lecteurs et trois
mauvais lecteurs pris dans différentes classes, montre que l'intervalle
« parole-regard » croît avec l'âge c

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