La légalisation de l euthanasie : l arrêt de soin peut-il être considéré comme une mort naturelle?  - article ; n°1 ; vol.62, pg 45-56
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La légalisation de l'euthanasie : l'arrêt de soin peut-il être considéré comme une mort naturelle? - article ; n°1 ; vol.62, pg 45-56

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Description

Quaderni - Année 2006 - Volume 62 - Numéro 1 - Pages 45-56
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2006
Nombre de lectures 30
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Séverine Lacombe-Rinck
La légalisation de l'euthanasie : l'arrêt de soin peut-il être
considéré comme une mort naturelle?
In: Quaderni. N. 62, Hiver 2006-2007. pp. 45-56.
Citer ce document / Cite this document :
Lacombe-Rinck Séverine. La légalisation de l'euthanasie : l'arrêt de soin peut-il être considéré comme une mort naturelle? . In:
Quaderni. N. 62, Hiver 2006-2007. pp. 45-56.
doi : 10.3406/quad.2006.1701
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/quad_0987-1381_2006_num_62_1_1701Dossier
Introduction
la légalisation
Sans doute sommes-nous devenus des hommes
le jour où nous avons appris que nous allions de l'euthanasie :
mourir1. Les animaux, eux, ne meurent pas. Cette
fin redoutée nous apprend deux choses : nous
lfarrêt de soin sommes des êtres singuliers et communautaires.
La mort singulière dépend d'une construction
sociale. En définissant ainsi la mort, Michel
peut-il être Serres en propose une représentation. Nous pro
posons aujourd'hui une analyse de sa ritualisation
à travers la procédure médicale d'euthanasie. considéré
L'euthanasie est-elle bien cette « mort douce et
sans souffrance » définie par le Littré ?2 Y-a-t-il
comme une une différence entre l'euthanasie dite active qui
précipite la fin de vie et se fonde sur une volonté
de mourir, et l'arrêt de soin, comme en France, qui
mort naturelle ? est un traitement antidouleur, administré en fin de
vie ?' On s'interrogera sur les rites relatifs à ces
derniers instants de notre vie et à notre dépouille
mortelle - le corps. Quels sont les mots qui nous
délivrent et qui nous permettent d'accepter notre
finitude ?2 Le problème de l'isolement des mour
ants a surtout été étudié du point de vue de ceux Séverine
qui restent, comme le constate Norbert Elias3. Il
Lacombe-Rinck est en fait nécessaire, désormais, de le compren
dre du point de vue de ceux qui partent.
Doctorante en Science Politique
Les raisons légitimes d'État et les mécanismes Université Paris I (CRPS)
de légitimation de la procédure d'arrêt de soin
montrent les mobiles invoqués pour innocenter
cet acte qui a longtemps été perçu comme déviant,
à travers des affaires publiques celles
de l'infirmière Christine Malèvre ou du jeune
handicapé Vincent Humbert, que nous étudierons
plus loin. Notre étude s'inscrit dans le cadre de
l'analyse du droit non de « faire mourir » mais
de « laisser mourir »4 défini par Dominique
QUADERNI N°62 - HIVER 2006-2007 LA LEGALISATION DE L'EUTHANASIE «45 Memmi5 comme le gouvernement contemporain deux ans qui a été accusée par le Procureur de la
République en 1998 et quatre familles qui se sont des corps.
portées parties civiles, pour le meurtre de six mal
Bases de l'étude et méthode ades, en service de neurologie-pneumologie de
l'hôpital de Mantes-la- Jolie (Île-de-France). Elle
Notre recherche a été menée à partir des avis du a été condamnée d'abord à dix ans de détention et
Conseil Consultatif National d'Éthique (CCNE)6, plusieurs milliers d'euros de dommages et inté
du rapport parlementaire7 préparant les débats à rêts puis, dans un second jugement, à une peine de
l'Assemblée nationale et au Sénat, des articles douze ans de détention. Elle avoue, dans un pre
mier temps, ces cas comme des cas d'aide en fin de presse sur les jugements de justice et du
témoignage d'une praticienne hospitalière, le de vie12. Puis, l'affaire dite « Vincent Humbert »
Docteur Isabelle Marin, recueilli dans une revue concerne un jeune sapeur-pompier volontaire qui,
spécialisée8. Nous avons pu ainsi identifier les après un accident de la route, devient totalement
acteurs de la régulation éthique. Par régulation, paralysé, muet et presque aveugle. Il réclame,
nous entendons le mode de légitimation à la fois dans une lettre au Président de la République
moral et savant, dans un espace social donné, Jacques Chirac, publiée le 1 6 décembre 2002
l'hôpital ou l'Assemblée nationale, qui se matér dans la presse, le droit de mourir. Le Président de
ialise par l'adoption d'une loi. Nous distinguons la République lui répond personnellement qu'il
légitimation et légitimité9. La légitimation insiste ne peut accéder à sa demande13. Sa mère a tenté
de le faire mourir en mettant des barbituriques sur l'ensemble des processus qui nous intéressent,
par lesquels le bien-fondé d'une pratique (médic dans sa sonde gastrique et le médecin du service
ale) et ses principes sont divulgués. Elle peut de réanimation où il a été transféré a terminé le
se fonder sur une reconnaissance implicite liée à geste, en débranchant le respirateur artificiel qui
le maintenait en vie. Il a ensuite injecté du chloune fonction légitime, comme celle du médecin,
qui est à l'uvre dans la reconnaissance sociale rure de potassium avec l'accord de la famille. Il
de la procédure d'arrêt de soin. La méthode que souhaitait, en effet, que sa mère puisse l'assister
nous avons utilisée consiste en une analyse des dans son suicide, sans qu'elle soit poursuivie
discours médicaux10 et parlementaires" des figu pour homicide. Il s'agissait d'une demande ex
res de style, des redondances, des représentations ceptionnelle qui n'était pas, à l'époque, codifiée
et de la construction du sens par les acteurs, dans et qui faisait apparaître l'interdit de ce geste.
le contexte français. Interdiction qui est au fondement de notre Code
pénal, selon laquelle un homme ne peut donner la
Les résultats et la dépénalisation de l'eutha mort à un autre homme, sans enfreindre la loi.
nasie Le Procureur de la République poursuit la mère,
Marie Humbert pour administration de substances
Plusieurs affaires ont mis sur l'agenda politique nuisibles et le médecin, Frédéric Chaussoy, pour
le débat de l'euthanasie. L'affaire dite « Christine empoisonnement avec préméditation. L'affaire
Malèvre » concerne une jeune infirmière de trente aboutit le 3 janvier 2006 à un non-lieu prononcé
46» LA LEGALISATION DE L'EUTHANASIE QUADERNI N°62 - HIVER 2006-2007 le Procureur de la République de Boulogne- par prenante de la pratique d'euthanasie.
sur-Mer (Pas-de-Calais) confirmé par un non-lieu
général, prononcé par ordonnance du juge chargé Ces cas montrent que les corps juridique et
de cette affaire. Ce qui a été considéré est la con social sont encore très réticents aux pratiques
trainte qui s'exerçait sur la mère et le médecin : le d'euthanasie : la peur de faire basculer l'éthique
jeune Humbert a poussé sa mère et était déterminé médicale du serment d'Hippocrate (de tout mettre
à mourir. Ceci les exonère de toute responsabilité en uvre pour soigner) vers un pouvoir de « faire
pénale, selon le juge. Il ne s'agissait pas de donner mourir », défini par Michel Foucault, comme le
pouvoir souverain par excellence17 (qui ne donnla mort mais de « préserver la dignité de Vincent
Humbert et de la famille »14. erait pas toutes ses chances au patient de vivre)
reste encore très forte. De plus, le fonctionnement
Un cas plus récent est celui de Morten Jensen qui hospitalier est toujours peu fonctionnel, dans le
a donné la mort à son épouse alors qu'elle était en domaine des soins palliatifs. Le médecin décide
phase terminale d'un cancer, en 2003. Poursuivi souvent seul. La transgression relative à l'acte
pour homicide volontaire, il a été acquitté le d'euthanasie a trait à la perception que la société
14 juin 2006, à Angers, par la Cour d'assises de a, finalement, de la mort et des pratiques hospit
Maine-et-Loire, par les neufs jurés (huit femmes alières, qui s'effectuent de manière clandestine,
et un homme) qui n'ont pas suivi les réquisitions hors du regard du législateur. Dans certains cas,
de l'Avocat Général qui réclamait (au nom d'un comme « laisser mourir », la mort semble plus
juste équilibre entre la nécessaire humanité et le acceptable, comme nous allons le voir.
rappel de la loi) une peine de principe de deux
ans de prison, avec sursis15. À l'heure actuelle, le sy

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