La législation des aliénés - article ; n°1 ; vol.17, pg 351-362
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Description

L'année psychologique - Année 1910 - Volume 17 - Numéro 1 - Pages 351-362
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1910
Nombre de lectures 7
Langue Français

Extrait

Alfred Binet
Th. Simon
La législation des aliénés
In: L'année psychologique. 1910 vol. 17. pp. 351-362.
Citer ce document / Cite this document :
Binet Alfred, Simon Th. La législation des aliénés. In: L'année psychologique. 1910 vol. 17. pp. 351-362.
doi : 10.3406/psy.1910.7282
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1910_num_17_1_7282XIII
LA LÉGISLATION DES ALIÉNÉS
On sait que la loi du 30 juin 1838, qui est le véritable code
de l'aliénation, a été l'objet, à diverses reprises, de nombreuses
critiques, et qu'on a proposé de la remanier. Un projet de loi,
connu sous le nom de son auteur, M. Dubief, a déjà été voté à
la Chambre des députés et reste en instance devant le Sénat.
Nous pensons qu'il sera utile, pour compléter nos études sur
l'aliénation, de jeter un coup d'œil sur la législation en vigueur,
sur ses lacunes et ses faiblesses, et sur le projet Dubief.
La crainte d'une séquestration arbitraire est ce qui paraît
inspirer surtout ceux qui s'occupent de légiférer sur les aliénés;
les règlements édictés paraissent avoir pour but principal
d'empêcher qu'un homme réellement sain d'esprit soit interné
dans une maison d'aliénés et, s'il est guéri, que son interne
ment y soit prolongé indéfiniment. Le public, qui juge toutes
choses à travers son émotion, prend toujours fait et cause pour
ceux qui semblent les victimes d'une séquestration arbitraire;
et la conséquence de cet état de l'opinion publique, c'est que
les principales formalités dont on entoure les placements
des malades et leur sortie sont des formalités dirigées contre
l'autorité médicale; car c'est le médecin, beaucoup plus sou
vent que l'autorité administrative, qui est l'objet de suspicion.
Mais il y a en matière d'aliénation quelque chose de plus
singulier encore, c'est que si cet état de suspicion contre les
médecins se comprend chez des profanes, et même aussi chez
des magistrats, qui pendant longtemps ont vécu en mauvaise
intelligence professionnelle avec les médecins, on rencontre
chez les médecins eux-mêmes, et dans certaines conditions que
nous préciserons plus loin, des dispositions telles que les
médecins paraissent mettre leur propre compétence en doute,
et il en résulte qu'un assez grand nombre accepte très volont
iers qu'un magistrat, ou qu'une assemblée de notables, ou 352 MÉMOIRES ORIGINAUX
qu'un tribunal intervienne pour juger l'état mental d'un
malade. D'où cela vient-il? D'ordinaire, les spécialistes sont
jaloux de leur domaine et tirent sans pitié sur les braconniers.
Si les médecins aliénistes se montrent plus tolérants, c'est
que probablement ils ont plus que d'autres la conscience des
difficultés de leur métier; le diagnostic très exact qu'ils ont
porté sur les facultés mentales d'un individu peut avoir pour
eux des conséquences nombreuses, graves et inattendues; et
ils sont bien aises de se décharger d'une part de responsabilité,
en y faisant participer un tribunal dans les cas difficiles.
Il serait bien utile de savoir, en fait, si la crainte de séques
tration arbitraire est aussi justifiée que le grand public se
l'imagine. On peut croire que ce n'est là qu'un spectre, un
thème commode pour des déclamations. Sans nier a priori
que des séquestrations arbitraires aient pu se produire de
temps en temps, nous serions bien aises qu'une enquête eût
lieu à ce sujet, et que le nombre des cas probants, démontrés,
fût publié une fois pour toutes 1. Ou nous nous trompons fort,
ou nous croyons que les préoccupations du public ont fait
fausse route. Il y a un autre danger que celui des séques
trations arbitraires, un danger qui nous paraît beaucoup
plus menaçant, et dont on ne parle que depuis peu de temps :
c'est la sortie des aliénés dangereux, c'est leur circulation au
milieu des gens sains d'esprit. Ici, aussi, une enquête serait
bien intéressante; elle serait même si vaste, elle réunirait vite
un si grand nombre d'exemples effrayants qu'il faudrait la
limiter à une année ou deux; et nous sommes à peu près
certains de n'être démentis par personne en affirmant que ce
second danger est infiniment plus grave que le premier.
Qu'on nous entende bien : nous n'avons nullement l'inten
tion de soutenir que la question du danger présenté par
l'aliéné en liberté prime toutes les autres questions. Ce n'est là
qu'une vue partielle des choses; et si elle est admissible dans
une œuvre littéraire, où l'on développe une thèse, il en est tout
autrement pour un projet de loi : une loi doit se préoccuper
non seulement de tel intérêt en jeu, mais de tous les intérêts
possibles, elle doit réaliser non pas une thèse, mais une syn
thèse. Le danger des séquestrations arbitraires, le danger des
1. Un rapport de Reinach en 1887 ne retient que trois affaires de
séquestration arbitraire, et encore assez anciennes et discutables. C'est,
relativement au nombre des internements, un chiffre très certainement
inférieur à la proportion des erreurs judiciaires. ET SIMON. — LA LÉGISLATION DES ALIENES 353 BINET
sorties injustifiées, et tous les autres dangers doivent être
prévus, examinés, conjurés.
Après ces préliminaires examinons comment la loi de 1838 a
distribué les rôles entre l'autorité administrative et judiciaire
d'une part, et l'autorité médicale d'autre part, pour l'entrée et
la sortie des aliénés dans les asiles.
EiNTRées. — II existe deux types de placement : le placement
volontaire et le placement d'office. Le premier a lieu sur la
demande de parents ou d'amis; il émane de l'initiative privée;
le second suppose l'intervention de l'autorité publique, pour
sauvegarder la société contre un aliéné dangereux.
Placement volontaire. — En cas de placement volontaire,
l'autorité médicale joue le premier rôle ; on exige en effet (outre
une demande de la famille et un certificat d'identité), deux
certificats de médecin : l'un, signé par un médecin qui peut ne
pas être un spécialiste; le second, délivré par un médecin de
l'asile public ou privé où le malade est interné. Donc, deux cer
tificats, deux médecins suffisent.
Le diagnostic des deux médecins peut ne pas être identique,
cela importe peu, l'essentiel est qu'ils soient d'accord sur « la
nécessité de faire traiter la personne désignée dans une maison
d'aliénés, et de l'y tenir renfermée » (art. 8).
La loi a admis que cette procédure peut être simplifiée; en cas
d'urgence, est-il dit, les chefs des établissements publics pour
ront se dispenser d'exiger le certificat du médecin. Seul, le
certificat, dit immédiat, rédigé par le médecin de l'établiss
ement, continue à être nécessaire. Il résulte donc de cette disposi
tion qu'un seul médecin suffira dans certains cas pour interner
un aliéné : mais il faut qu'il y ait urgence.
Si l'aliéné est interné dans un asile privé, la loi a pris des
précautions plus sévères pour défendre la liberté individuelle :
elle prescrit qu'en tout état de cause, le préfet sera avisé de
l'internement dans les vingt-quatre heures, et le préfet avi
sera à son tour le procureur de la République et un médecin-
inspecteur des asiles privés; ce dernier, qui joue un roie
important dans la circonstance, visitera le malade dans les
trois jours et statuera sur son état. Rien n'est plus juste que
la sévérité de ce contrôle : les maisons privées sont loin d'offrir
autant de garanties que les asiles publics.
2° Placements d'office. — On désigne ainsi les placements
ordonnés par l'autorité publique, et spécialement par le préfet;
l'année psychologique, xvii. 23 354 MÉMOIRES ORIGINAUX
le placement d'office a pour objet un malade qui présente un
danger pour la sécurité publique. Tandis que le placement
volontaire est sous l'autorité médicale, le placement d'office
est sous l'autorit

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