La littérature russe et soviétique dans les Lettres françaises de janvier 1946 à mars 1953 - article ; n°1 ; vol.72, pg 81-95
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La littérature russe et soviétique dans les Lettres françaises de janvier 1946 à mars 1953 - article ; n°1 ; vol.72, pg 81-95

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Description

Revue des études slaves - Année 2000 - Volume 72 - Numéro 1 - Pages 81-95
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 22
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Pavel Chinsky
La littérature russe et soviétique dans les Lettres françaises de
janvier 1946 à mars 1953
In: Revue des études slaves, Tome 72, fascicule 1-2, 2000. pp. 81-95.
Citer ce document / Cite this document :
Chinsky Pavel. La littérature russe et soviétique dans les Lettres françaises de janvier 1946 à mars 1953. In: Revue des études
slaves, Tome 72, fascicule 1-2, 2000. pp. 81-95.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_2000_num_72_1_6645LA LITTÉRATURE RUSSE ET SOVIÉTIQUE
DANS LES LETTRES FRANÇAISES
de janvier 1946 à mars 1953
PAR
PAVEL CHINSKY
En 1949, tandis que débute la publication des Œuvres complètes de
Maxime Gorki sous la direction de Jean Pérus1, ce dernier fait paraître aux
Éditions sociales, dans la collection « Problèmes », un court essai qui s'ouvre
sur ce préambule :
II n'est personne qui ne sente le caractère exceptionnel de la littérature
soviétique.
Ce qu'attend d'elle le public français, ce n'est plus, en effet, le pittoresque
exotique qu'on demandait naguère à la littérature russe et que fournissent aujour
d'hui les bas-fonds américains : ce ne sont plus des révélations sur ľ« âme
slave », les bienfaits de la non-résistance au mal, le salut par la foi et les raffin
ements d'un symbolisme mystique. [...] Dans la littérature soviétique, il cherche
l'image d'une humanité nouvelle, qui depuis trente ans a connu avec une rigueur
exceptionnelle les mêmes difficultés et les mêmes problèmes où se heurte
aujourd'hui le reste du monde, et a su les résoudre. Il veut savoir comment pens
ent, sentent, vivent les vainqueurs de Stalingrad et de Berlin, les hommes sovié
tiques2.
Bien entendu, l'année de parution de ľ Introduction à la littérature sovié
tique signale ostensiblement l'arrière-plan politique du double schéma d'oppos
ition employé : entre « le caractère exceptionnel de la littérature soviétique » et
« les bas-fonds américains » d'une part, entre littérature soviétique et littérature
russe d'autre part. Mais le fait d'associer, même indirectement, le patrimoine
littéraire de la Russie bolchevique (désormais devenu « littérature classique
russe », ou « littérature russe » tout court) à l'adversaire idéologique américain
illustre bien la violence de ce découpage historiographique, violence intacte
sinon encore accrue en cette année 1949, alors même que l'État soviétique, celui
1 . Maxime Gorki, Vie de Klim Samguine, trad. du russe Dumesnil de Gramont, Paris,
Hier et aujourd'hui, 1949.
2. Jean Pérus, Introduction à la littérature soviétique, Paris, Éd. Sociales, 1949, p. 7.
Rev. Etud. slaves, Paris, LXXII/1-2, 2000, p. 81-95. 82 PAVEL CHINSKY
des « vainqueurs de Stalingrad et de Berlin », ne se trouve plus engagé dans un
processus de rupture culturelle avec le vieux régime tsariste.
Ceci pour bien montrer que la popularisation de la littérature russe et
soviétique en France dans l'immédiat après-guerre est une tâche délicate : on
touche là à un domaine polémique, politique tout autant que^ littéraire, qui revêt
une grande importance pour la crédibilité du discours sur l'État soviétique dans
une période d'affrontements idéologiques exacerbés (campagne de mobilisation
contre le plan Marshall, jdanovisme, procès Kravčenko, procès Rousset, Mouve
ment de la paix, Batailles du livre, etc.)
Les traductions littéraires du russe et les commentaires qu'elles suscitent
donnent ainsi un aperçu de la production artistique soviétique ; elles fournissent
un certain nombre de modèles de référence aux tenants français du réalisme
socialiste, intellectuels du P.C.F. et compagnons de route ; elles orientent la
lecture des auteurs « classiques » russes ; elles renseignent sur la face lumineuse
des rapports entre l'écrivain et le pouvoir, au gré des déclarations officielles
d'écrivains (Fadeev, Šimonov), des hommages posthumes (Gor'kij, Maja-
kovskij, Ostrovskij, Gogoľ, Puškin), des célébrations (Èrenburg), des remises de
prix (prix Staline), etc.
Bref, durant la guerre froide, la littérature russe et soviétique est, en France,
un produit d'importation particulièrement sensible, destiné à une consommation
complexe, littéraire et/ou politique, spéculative ou idéologique. C'est pourquoi
le seul relevé des textes publiés et de leurs auteurs ne rend qu'imparfaitement
compte de la popularisation de cette littérature à part, largement perçue, dans ce
contexte historique précis, comme moins étrangère que d'autres.
Jusqu'en 1973, l'U.R.S.S. n'est pas signataire de la convention internatio
nale du droit d'auteur (la convention de Berne date de 1886, celle de Genève
prend le relais en 1952), si bien que les ouvrages soviétiques tombent automat
iquement dans le domaine public à l'étranger. Pareille facilité d'accès offre
l'avantage d'une liberté de publication hors du commun, parfois au prix de
conflits éditoriaux difficilement démêlables. Comme l'écrit le 23 octobre 1933
Gaston Gallimard à Libert Cical, haut responsable des éditions du Parti, à la
suite des parutions simultanées du même roman de Šoloxov chez Gallimard et
aux Éditions sociales internationales (E.S.I.) :
[...] le fait que nous ayons publié, aux Éditions de la NRF et les premiers,
une collection d'ouvrages soviétiques nous donne, nous semble-t-il, un certain
droit moral de priorité. Je suis bien persuadé que nous avons agi en publiant les
Défricheurs aussi bien dans l'intérêt de Cholokhov et de la littérature soviétique
que dans le nôtre3.
En France, la littérature russe et soviétique n'a donc rien d'un domaine
réservé. Or les maisons d'édition, les directeurs de collection, les traducteurs
travaillent avec une grande prudence : leurs choix dépendent de motivations plus
ou moins individuelles, plus ou moins discernables, plus ou moins commerci
ales.
Le dépouillement des volumes 1 à 6 de ľ Index translationum (le répertoire
international des traductions, publié par ľ Unesco) permet ainsi d'isoler, dans la
3. Cité dans Marie-Cécile Bouju, « Le P.C.F. , le livre et la lecture, 1920-1939 »,
Cahiers d'histoire de l'Institut de recherches marxistes, n° 65, 1996, p. 21-22. LA LITTÉRATURE RUSSE ET SOVIÉTIQUE DANS LES LETTRES FRANÇAISES 83
masse des traductions parues entre 1948 et 1953, 130 titres appartenant au
domaine littéraire de langue russe. Trois ensembles de parutions sont identi
fiables : la littérature classique russe représente plus de la moitié des titres (76) ;
bien après viennent les ouvrages édités grâce au Parti (40) — à deux exceptions
près (Gogoľ et Čexov), il ne s'agit que de littérature soviétique ; enfin, il reste
un petit groupe de 16 ouvrages — dont quatre ont pour auteur un émigré russe
installé en France (Mark Aldanov, Gaïto Gazdanov et deux livres de Dimitrij
Merežkovskj). Les traductions littéraires du russe parues en France dans l'imméd
iat après-guerre concernent donc avant tout les auteurs classiques. Ces traduc
tions sont peu diversifiées, tant par le choix des (64 titres, soit la moitié
du total des traductions, sont répartis entre quatre auteurs) que par celui des
titres (sur 26 traductions de Dostoevskij, 6 de Crime et châtiment et 7 des Frères
Karamazov ; sur 20 de Tołstoj, 6 ď 'Anna Karénine ; sur 12 de Gogoľ, 4 des
Âmes mortes et 4 de Taras Boulba ; sur 6 de Puškin, 5 de la Fille du capitaine).
C'est la maison d'édition Gallimard qui est la plus présente sur ce secteur
éditorial.
Les éditeurs communistes sont à l'époque les introducteurs quasi-exclusifs
de littérature soviétique en France : les auteurs classiques les intéressent peu. La
structure éditoriale du Parti, on peut le rappeler, a été réorganisée à partir de la
fin de l'année 1944 sous la houlette de Jean Jérôme :
Progressivement sont mises en place quatre maisons d'édition, d'importance
inégale : la Bibliothèque française (dirigée par Aragon) ; Hier et aujourd'hui (à sa
tête Marcelle Hilsum) assume l'héritage littéraire des Éditions sociales interna
tionales ; ses

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