La médiation de l OUA dans le conflit entre l Éthiopie et l Érythrée (1998-2000) - article ; n°1 ; vol.21, pg 31-72
43 pages
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La médiation de l'OUA dans le conflit entre l'Éthiopie et l'Érythrée (1998-2000) - article ; n°1 ; vol.21, pg 31-72

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Annales d'Ethiopie - Année 2005 - Volume 21 - Numéro 1 - Pages 31-72
42 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 2005
Nombre de lectures 9
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Delphine Lecoutre
La médiation de l'OUA dans le conflit entre l'Éthiopie et
l'Érythrée (1998-2000)
In: Annales d'Ethiopie. Volume 21, année 2005. pp. 31-72.
Citer ce document / Cite this document :
Lecoutre Delphine. La médiation de l'OUA dans le conflit entre l'Éthiopie et l'Érythrée (1998-2000). In: Annales d'Ethiopie.
Volume 21, année 2005. pp. 31-72.
doi : 10.3406/ethio.2005.1092
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ethio_0066-2127_2005_num_21_1_1092Annales d'Ethiopie, 2005, vol. XXI: 31-72
LA MEDIATION DE L'OUA DANS LE CONFLIT
ENTRE L'ETHIOPIE ET L'ERYTHRÉE (1998-2000)
Delphine Lecoutre
Dans son histoire, l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) exerça
plusieurs médiations pour résoudre les conflits frontaliers du continent. En
pratique, c'est le précédent constitué par le conflit entre l'Algérie et le Maroc
fin 1963 qui permit à l'Organisation de constituer ses mécanismes de règlement
des conflits et d'arborer ses qualités de médiateur.
La médiation par du conflit entre l'Ethiopie et l'Erythrée,
entreprise de juin 1998 à décembre 2000, s'est inscrite dans ce cadre du
« règlement pacifique des différends, par voie de négociations, de médiation, de concil
iation ou d'arbitrage » prévu à l'art. III de sa Charte. Ainsi la volonté des États
membres de résoudre leurs différends par des voies pacifiques existait-elle déjà au
moment de la création de l'Organisation, à travers l'établissement de la « Comm
ission de médiation, de conciliation et d'arbitrage » (art. XIX de la Charte) qui
n'a, malheureusement, jamais fonctionné et la mise en place de différents comités
ad hoc pour la résolution des conflits. Ces comités qui ont pallié l'absence d'un
mécanisme permanent ont, quant à eux, donné la preuve de leur efficacité '. Ce
n'est pourtant qu'au début des années 1990, avec la prolifération de conflits
internes dévastateurs à travers le continent dans le contexte de l'après-guerre
froide, que les États africains décidèrent de matérialiser cette stratégie en substi
tuant à l'approche ad hoc un cadre permanent opérationnel et structuré.
C'est dans le prolongement de cette stratégie que le « Mécanisme pour la
prévention, la gestion et le règlement des conflits» fut mis en place avec pour
objectifs, d'une part, de prévenir le risque d'éclatement de conflits latents ou
potentiels et, d'autre part, de réunir les conditions propices à la gestion et à la
résolution des conflits. Une telle stratégie devait, selon ses concepteurs, servir de
complément à l'objectif de développement du continent qui était constamment
entravé par la multiplication des conflits inter et intra-étatiques.
1. À titre d'exemples, il convient de citer la Commission ad hoc sur le différend algéro-
marocain qui a fonctionné de 1963 à 1967, le Comité ad hoc sur les différends inter
africains créé en juillet 1977 qui a notamment réglé le conflit entre l'Ouganda et la
Tanzanie, le Comité. des bons offices des huit sur le différend Somalie-Ethiopie créé par la
dixième session ordinaire de la Conférence en mai 1973, la Commission ad hoc présidée par le
président Kenyatta envoyée en 1964 au Congo (Léopoldville), au Congo (Brazzaville) et au
Burundi, ou encore le Comité permanent sur le Tchad dans les années 1980. Pour un éclairage
sur la gestion par l'Organisation des conflits du continent, voir Edmond Jouve: L'Organisat
ion de l'Unité Africaine, Paris: Presses Universitaires de France (1984), pp. 109-184. 32 DELPHINE LECOUTRE
Ce nouveau mécanisme, qui a constitué une première sur la scène africaine
et internationale, a non seulement permis aux pays africains de donner un
contenu concret à la «culture de la paix» qui représente une aspiration forte
pour l'ensemble de leurs peuples, mais a surtout donné à l'Afrique l'occasion de
capitaliser une expérience non négligeable dans la quête collective de recherche
de solutions durables aux conflits.
Entre les sessions ordinaires de la Conférence des Chefs d'État et de Gou
vernement, la direction et la coordination des activités du mécanisme était
assurée par l'Organe central. Or, c'est dans le contexte d'un Organe central du
mécanisme affaibli dans son fonctionnement que l'OUA a eu à gérer le conflit
plutôt inattendu qui a éclaté entre l'Ethiopie et l'Erythrée début mai 1998. Un
simple incident frontalier a basculé dans un conflit pour un petit morceau de
territoire entre deux des plus pauvres Etats d'Afrique, l'Ethiopie et l'Erythrée, le
premier étant le siège de l'Organisation. Paisible depuis l'arrivée au pouvoir, en
mai 1991, à Addis-Abeba de Mêles Zenawi et à Asmara d'Issayas Afeworki,
cette frontière se transforma soudainement en une ligne de front hinc index.
En tout cas, la centralité de la notion d'intégrité territoriale dans les
discours des dirigeants éthiopiens et érythréens tient à l'importance attribuée à
la terre par ces deux pays agraires, dans lesquels son mode de transmission
occupe une place essentielle. La notion de la terre se trouve traditionnellement
au centre des préoccupations politiques dans la mesure où elle occupe la
deuxième place, après la religion. C'est ainsi que lors de son intervention à la
IIIe Conférence internationale des études éthiopiennes à Addis-Abeba en 1966,
le Blatten-Geta Mahteme-Sellassié Wolde-Maskal expliqua très clairement cette
importance de la terre pour Y homo éthiopien, et ipso facto érythréen: «Après la
religion, vient la notion de la terre : l'Éthiopien aime profondément la terre qui le
nourrit et qui le recevra en son sein au jour de sa mort. Céder, de gré ou de force
cette terre, c'est commettre le plus grand péché, le crime le plus vil. Il pourra,
dans sa générosité, en faire cadeau à qui lui plaît : il ne la lui vendra jamais de
bon cœur. À la mesure de ce sentiment personnel, son patriotisme collectif
nourrit son âme et fortifie son bras : mourir en défendant sa terre, la terre de
ses ancêtres, de ses amis, sera toujours pour lui une joie, un privilège, une fierté,
un honneur à nul autre pareil2. »
Or, ce conflit constituait, tout particulièrement et à plus d'un titre, un enjeu
pour l'OUA: premièrement, l'Organisation ne pouvait ignorer cette question
dans la mesure où le pays abritant son siège était partie au conflit; deuxième-
1 . Pour des analyses des causes immédiates et plus lointaines du conflit, se reporter à : Tadesse
Medhane : The Eritrean- Ethiopian War : Retrospect and Prospects, Addis Ababa : Mega
Printing Entreprise (1999), 200 p., Paul Henze: Eritrea's War. Confrontation, International
Response, Outcome, Prospects, Addis Ababa: Shama Books, (2001), 290 p., Martin Plaut:
"Background To War: From Friends To Foes", in Dominique Jacquin-Berdal & Martin
Plaut : Unfinished Business. Eritrea and Ethiopia at War, Lawrenceville & Asmara : Red Sea
Press (2005), pp. 1-22.
2. Wolde-Maskal Mahteme-Sellassié (1970): «Portrait rétrospectif d'un gentilhomme
éthiopien », Proceedings of the IHrd International Conference of Ethiopian Studies, Addis
Abeba, 1966, vol. Ill, Institute of Ethiopian Studies/Haile Selassie I University, p. 63-64. LA MÉDIATION DE L'OUA 33
ment, le risque d'une déstabilisation de la Corne de l'Afrique était réel compte
tenu de la dimension sous-régionale du conflit; troisièmement, l'absence de
mécanisme de résolution des conflits au niveau sous-régional, dans le cadre de
l'IGAD (Intergovernmental Authority on Development), donnait ipso facto à l'Or
ganisation une plus grande responsabilité et une place privilégiée dans cette
médiation; quatrièmement, la situation était suffisamment préoccupante et
grave pour mériter une attention continue de la part de l'Organisation ; cinqui
èmement, il s'agissait de mettre à l'épreuve le principe de gestion des conflits du
continent par les Africains eux-mêmes. L'OUA s'est vu attribuer la responsabil
ité de mener à bien cette médiation au titre du chapitre VIII de la Charte des
Nations Unies qui

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