La philosophie de l histoire chez Condorcet - article ; n°42 ; vol.11, pg 157-175
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Revue néo-scolastique - Année 1904 - Volume 11 - Numéro 42 - Pages 157-175
19 pages

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Publié le 01 janvier 1904
Nombre de lectures 36
Langue Français
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Extrait

Maurice Defourny
La philosophie de l'histoire chez Condorcet
In: Revue néo-scolastique. 11° année, N°42, 1904. pp. 157-175.
Citer ce document / Cite this document :
Defourny Maurice. La philosophie de l'histoire chez Condorcet. In: Revue néo-scolastique. 11° année, N°42, 1904. pp. 157-175.
doi : 10.3406/phlou.1904.1833
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-5541_1904_num_11_42_1833VIII.
LA PHILOSOPHIE DE L'HISTOIRE CHEZ CONDORCET.
Condorcet débute ainsi le dixième chapitre deY Esquisse1),
intitulé Des progrès futurs de V esprit humain ;« Si l'homme
peut prédire, avec une assurance presque entière, les phé
nomènes dont il connaît les lois ; si, lors même qu'elles
lui sont inconnues, il peut, d'après l'expérience du passé,
prévoir avec une grande probabilité les événements de
l'avenir ; pourquoi rc garderait- on comme une entreprise
chimérique, celle de tracer, arec quelque vraisemblance,
le tableau des destinées de l'espèce humaine, d'après les
résultats de son histoire ? Le seul fondement de croyance
dans les sciences naturelles est cette idée, que les lois
générales, connues ou ignorées, qui règlent les phéno
mènes de l'univers, sont nécessaires et constantes ; et par
quelle raison ce principe serait-il moins vrai pour le déve
loppement des facultés intellectuelles et morales de l'homme,
que pour les autres opérations de la nature ? »
• Condorcet veut donc scruter l'avenir de l'espèce humaine
en s'appuyant sur l'his'oire de son passé. C'est exactement
le but que se proposeront Saint-Simon et Auguste Comte
dans des travaux analogues à Y Esquisse. Et il est possible
d'atteindre ce but, parce qu'il n'y a aucune raison pour
refuser de croire que le développement de nos facultés
intellectuelles et morales soit régi par des lois nécessaires
et constantes. Condorcet veut faire pénétrer dans le domaine
1) Condorcet, Tableau historique dri progrès de l'esprit humain. Paris,
Steinheil, 1900 ; 462 pages. Cet ouvrage est plus connu sous le nom d' Esquisse
des etc. 158 M.
de l'histoire l'idée de loi naturelle que le progrès antérieur
des autres sciences a successivement appliquée aux mathé
matiques, à la physique et à la biologie. Pour lui il y a
un déterminisme physique, et c'est grâce à cela qu'il nous
e=;t possible de conjecturer l'avenir d'après l'expérience du
passé. Mais enfin, si conjecturer l'avenir est chose possible,
est-ce aussi chose utile ? La tâche vaut-elle la peine d'être
faite ? « Puisque des opinions formées d'après l'expérience
du passé, sur des objets du même ordre, sont la seule règle
de la conduite des hommes les plus sages, pourquoi inter
dirait-on au philosophe d'appuyer ses conjectures sur cette
même base » i (ibid.). L'intuition de l'avenir fondée sur
l'expérience du passé permettra au philosophe de constituer
un art rationnel de la conduite morale ou politique : c'est
là un objet trop important, à vrai dire le seul important,
pour avoir le droit de le négliger.
Et comment procéder à cet effet ? Il ne s'agit pas de faire
« l'histoire des gouvernements, des lois, des mœurs, des
usages, des opinions, chez les différents peuples qui ont
successivement occupé le globe » ; il ne s'agit pas non plus
d'écrire « une histoire générale des sciences, des arts, de la
philosophie » . Condorcet va s'occuper exclusivement d'une
catégorie de faits historiques : les changements progressifs .
Il montrera, par exemple, comment « de la numération on
a passé au calcul intégral ; de l'horloge de sable aux
montres marines ; de la préparation du vin de lait de-
jument à l'analyse des substances aériformes ». Les périodes
figées, les périodes rétrogrades dans lesquelles l'esprit
n'invente rien ou même pml ce qui avait été autrefois
trouvé, ne l'intéressent pas. Il veut faire le bilan des
accroissements successifs de nos facultés, et non le récit
de toutes leurs vicissitudes. La science des progrès de
l'esprit* n'est qu'une partie de l'histoire. (Avertissement.)
La science des progrès de l'esprit se distingue aussi de
la psychologie que Condorcet appelle « métaphysique ».
Celle-ci se borne « à observer, à connaître les faits gêné- philosophie de l'histoire chez coîsdorcet 159- La
raux et les lois constantes que présente le développement
de nos facultés, dans ce qu'il y a de commun, aux divers
individus de l'espèce humaine r (p. 2). Au contraire, la
science du progrès étudie ce même développement clans ce
qu'il a de différent — pourvu que les différences soient
dans le sens du progrès, — entre deux ou plusieurs géné
rations qui se succèdent. Grâce à * l'observation successive
des sociétés humaines aux différentes époques qu'elles ont
parcourues », elle présente « l'ordre des changements »,
expose « l'influence qu'exerce chaque instant sur l'instant
qui lui succède » et montre ainsi « dans les modifications
qu'a reçues l'espèce humaine, la marche qu'elle a suivie,
les pas qu'elle a faits vers la vérité ou le bonheur ». Tout
en se distinguant de la métaphysique ou psychologie, elle
a cependant avec elle d'étroites liaisons. Car le progrès
de l'espèce « est soumis aux mômes lois générales qui
s'observent dans le développement des facultés chez les
individus, puisqu'il est le résultat de ce développement,
considéré en même temps dans un grand nombre d'indi
vidus réunis en société» (p. 2). La psychologie sert de
condition et de préparation à la science du progrès.
Non seulement elle est distincte de l'histoire et de la
métaphysique, mais elle n'embrasse pas « le système entier
de la science sociale » (p. vi), elle n'en est qu'une partie.
« Si l'observation des individus de l'espèce humaine est
utile au métaphysicien, au moraliste, pourquoi celle des
sociétés le serait-elle moins et à eux et au philosophe poli
tique £ S'il est, utile d'observer les diverses sociétés qui
existent en même temps, d'en étudier les rapports, pourquoi
yie le serait-il pas de les observer dans la succession des
temps ? En supposant même que ces observations puissent
être négligées dans la recherche des vérités spéculatives,
doivent-elles l'être lorsqu'il s'agit d'appliquer ces vérités
à la pratique, et de déduire de la science l'art qui en doit
être le résultat utile?» (p. 9). Observer les sociétés est
chose utile au moraliste et au politique, c'est même chose 160 M. DEPOURNY
nécessaire pour construire l'art moral et l'art politique.
Cette observation comprend naturellement deux parties :
l'une consiste à étudier les sociétés qui coexistent, à la fois
dans leurs rapports internes et externes ; l'autre à observer
les états de société qui se succèdent dans le temps. Il y a,
comme dira plus tard Auguste Comte, une statique et une
dynamique sociales. La science du progrès que veut con
stituer Condorcet, correspond à la dynamique sociale de
Comte ; elle n'est qu'une partie de la science sociale.
Nous savons maintenant ce quo la du progrès
est et ce qu'elle n'est pas. Elle n'est pas la psychologie,
mais elle suppose celle-ci comme condition et comme
préparation. Elle n'est pas toute l'histoire, elle en est
seulement cette portion qui met en lumière les accroisse
ments successifs de notre activité. Elle n'est pas toute la
science sociale, car elle néglige d'étudier les relations de
coexistence entre les sociétés elles-mêmes et entre leurs
éléments (économie, droit, politique), pour n'envisager que
les sociétés qui se succèdent.
*
* *
La science du progrès est un département de la science
sociale. Ses relations avec les autres sciences seront celles
de la science sociale elle-même. Voyons à les découvrir.
Depuis Descartes jusqu'à l'ère de com

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