La poétique balzacienne de l énergie - article ; n°46 ; vol.14, pg 49-60
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Description

Romantisme - Année 1984 - Volume 14 - Numéro 46 - Pages 49-60
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 52
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Mme Arlette Michel
La poétique balzacienne de l'énergie
In: Romantisme, 1984, n°46. pp. 49-60.
Citer ce document / Cite this document :
Michel Arlette. La poétique balzacienne de l'énergie. In: Romantisme, 1984, n°46. pp. 49-60.
doi : 10.3406/roman.1984.4791
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1984_num_14_46_4791Ariette MICHEL
La poétique balzacienne de l'énergie
Sous ce titre se dissimule une inquiétude. L'énergie, dans le système
balzacien, représente la force même de la vie, le pouvoir de la création ;
mais elle possède aussi le pouvoir de détruire, de désorganiser et de dé
faire. S'il en est ainsi, il faut évidemment se demander dans quelle me
sure une poétique de l'énergie est possible chez notre auteur.
Trois questions peuvent être envisagées. D'abord il s'agira de préci
ser sous quelles espèces et dans quelles limites l'énergie fournit son élan
à la création : en quel sens peut-on dire que le poète est un homme d'é
nergie ? D'autre part, nous nous demanderons dans quels genres littérai
res l'énergie s'investit au mieux : une réflexion sur la hiérarchie des gens'ébauchera alors. Enfin cette nous aidera à reconsidérer,
dans la poétique proprement romanesque de Balzac, les rapports du
réel, de l'idée et de l'imaginaire.
Ces trois questions concernent le rôle de l'énergie dans l'invention
— inuentio. L'énergie est aussi ce qui donne sa forme au discours : elle
est impliquée dans les modes de la diction — dictio, et il conviendrait de
définir une rhétorique de l'énergie dont la force et les couleurs sont pré
cisément Vevepyeia. Nous nous réduirons ici à ouvrir quelques perspect
ives concernant le rôle de dans l'invention (1).
Les travaux récents ont apporté sur l'énergétique balzacienne, sur
ses sources, sur ses lois, trop d'éclaircissements (2) pour que nous nous at
tardions à explorer la notion d'énergie telle que notre romancier l'utilise.
Êvoquons-la seulement à travers la fortune que le mot même d'énergie
rencontre chez notre auteur. Contrairement à ce que l'on pouvait atten
dre, ce mot est rare sous la plume de Balzac (3). En revanche se trouve
proposée au lecteur une grande abondance de synonymes et d'équi va-
il) Se plaçant dans la perspective chronologique et génétique, Balzac distinguait
«conception» et «exécution»— qui recoupent partiellement la division rhétorique :
invention, diction. Nous traitons ailleurs des problèmes de l'énergie dans la diction.
(2) On se reportera essentiellement aux travaux de Madeleine Fargeaud-Ambrière :
Balzac et la recherche de l'absolu ; Introductions et notes de l'Avant-Propos de La
Comédie humaine, Ursule Mirouët, Les Martyrs ignorés, Entre savants (Pléiade), La
Peau de chagrin (Imprimerie Nationale). On se reportera aussi à l'édition de Louis
Lambert par Michel Lichtlé (Pléiade) /Aventures administratives d'une idée heureus
e : A.M. Meininger (Pléiade) ; Pathologie de la vie sociale : R. Fortassier (Pléiade).
(3) Baudelaire, si bon lecteur de Balzac, n'emploie pas le mot énergie dans son com
mentaire célèbre mais un grand nombre d'équivalents très balzaciens : ardeur vitale,
volonté, âpreté, génie : voir Théophile Gautier I, Pléiade, t. II, p. 120. Ariette Michel 50
lents qui apparaissent comme autant de variantes destinées à éclairer les
implications du terme.
Nous en prendrons un exemple dans la Théorie de la démarche, tex
te de 1833, contemporain de YHistoire intellectuelle de Louis Lambert
et qui, au même titre que Les Martyrs ignorés ou le Traité des excitants
modernes, commente les théories énergétiques présentées en particulier
dans les états successifs de Louis Lambert (4).
Dans la cour des Messageries, rue Notre-Dame-des-Champs, où il
attend une voiture, Balzac assiste à un incident comique : un homme
évite la chute de peu et ne rétablit son équilibre que par un effort aussi
violent que soudain. Cet effort lui paraît occasionner une grande « dé
pense de fluide vital » ; il constate que « l'homme pouvait projeter en
dehors de lui-même, par tous les actes dûs à son mouvement, une quant
ité de force » ; cette force est identifiée à un « invisible fluide » ; cette
« effusion de vie » est encore assimilée à une « dépense d'âme » — tout
ceci n'étant autre chose que « ce que nous dissipons d'énergie dans nos
mouvements » (5).
D'un texte comme celui-ci se dégagent plusieurs idées. L'énergie est
la force vitale même ; Balzac la définit comme un fluide matériel (com
parable à la lumière et surtout à l'électricité) dont les effets sont aussi
bien spirituels que matériels ; ce fluide agit par projection : il participe
du mouvement et s'actualise dans des mouvements: dans l'ordre corpor
el, l'énergie est génératrice du geste, de la « démarche » ; dans l'ordre
spirituel, l'énergie se projette en pensée ; ce mouvement de la pensée
s'exprime lui-même dans la parole.
« Pour moi, dès lors, le mouvement comprit la Pensée, action la plus pure de
l'être humain ; le Verbe, traduction de ses pensées ; puis la Démarche et le
Geste, accomplissement plus ou moins passionné du Verbe. [...] Des transfo
rmations de la pensée dans la voix, qui est le toucher par lequel l'âme agit le plus
spontanément, découlent les miracles de l'éloquence et les célestes enchante
ments de la musique vocale » (6).
(4) On pourrait joindre à ces textes, dès les Romans de jeunesse, Le Centenaire,
puis Le Voyage de Paris à Java, La Peau de chagrin, L 'Enfant maudit et évoquer la
volonté toujours maintenue de Balzac d'écrire un Essai sur les forces humaines.
(5) Théorie de la démarche, Pléiade, t.XII,p.268 et 270 et suiv. (c'est nous qui souli
gnons). Dans Illusions perdues, t.V,p.698, Carlos Herrera vante à Lucien le pouvoir
de la « force semper uirens ».
(6) Ibid., p. 270. On pourrait citer beaucoup de textes comparables sur l'énergie
comme fluide vital matériel. Par ex. Les Martyrs ignorés, t. XII, p. 737 : «II existe en
ce moment à Londres un chimiste anglais, réputé fou, parce qu'il tente des expé
riences sur la pensée, considérée comme substance lumineuse, conséquemment colo
rée, de la nature des fluides impondérables, analogue à l'électricité, mais plus subti
le» ; ou encore Louis Lambert, t.XI,p.623 : «ses forces, qu'il faut morales jusqu'à
nouvel ordre, semblaient jaillir par les organes destinés à les projeter» ;Lambert en
fant et son ami veulent devenir les «chimistes de la volonté» ;un peu plus tard ils se
demandent «si le principe constituant de l'électricité n'entrait pas comme base dans
le fluide particulier d'où s'élançaient nos Idées et nos Volitions», p. 627. Dans ces
deux ouvrages comme dans La Recherche de l'absolu Balzac assimile ce fluide à de
la «matière éthérée» ou de la «substance éthérée».
Sur les origines scientifiques, philosophiques et théosophiques de telles idées,
voir Lumière et cosmos, Courants occultes de la philosophie de la nature, «Cahiers
de l'Hermétisme», Albin Michel, 1981 et en particulier les deux articles d'Antoine
Faivre. La poétique balzacienne de l'énergie 51
Voici notre entreprise fondée et justifiée : une poétique et une
poétique de l'énergie trouvent leur expression quasi algébrique dans ces
lignes ; quant aux premières pages de la Théorie de la démarche, elles
nous montreront la science du discours indissociable d'une énergétique
et aussi d'une éthique, d'une morale de la volonté, et l'énergie à l'œuvre
dans l'invention d'une théorie de l'énergie ! Nous suivrons donc les
mouvements successifs de ce que Balzac appelle « la démarche de nos
idées » puis de ce nous pourrions appeler la « démarche » poétique —
naissance de l'idée, naissance de l'œuvre. Notre auteur systématise ici le
type d'analyse qu'il avait déjà mené dans la Physiologie du maria

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