La politique dans la sphère intime. Protestantisme et culture en Allemagne au XIXe siècle - article ; n°3 ; vol.57, pg 773-787
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Annales. Histoire, Sciences Sociales - Année 2002 - Volume 57 - Numéro 3 - Pages 773-787
Politicised inwardness. Protestantism and culture in Germany in the 19th century This contribution examines the relationship between Protestantism and modern, middle-class culture which was already under discussion within German academic Protestant theology in the early 19th century. These debates focused, first and foremost, on the religious legitimacy of the Enlightment and its political consequences. The resultant confrontations led to a politicisation of the religio-theological conflicts already existent between Lutherans and Calvinists. In the early 19th century, Protestantism thus split onto two hostiles milieus: that of the liberal representatives of a modernistic Christianity of Culture and the conservative camp, supportive of the old ecclesiastical faith. This article shows that these controversies within Protestantism played an important socio-political part in the reinforcement of the ideological and party-political opposition between Liberals and Conservatives after 1848. In addition, reference is made to the economically relevant rationalisation potential of Protestant religiousness, which has received much attention particularly since the works of Max Weber and Ernst Troeltsch, as well as to the effects of Protestant values in the areas of culture and scholarship. The author derives the cultural significance of Protestantism from its specific. ' 'semantic of inwardness. However, the internalisation of religious experience in Protestantism, he argues, has not led to a naive unworldliness but, rather, to a high regard for the outside world (Weltfrb'mmigkeit). It engendered a revaluation of the world, rendering it the decisive place for Christian probation, and thus made a crucial contribution to the rationalisation of Protestant lifestyles and to the religious recharging of culture and scholarship (Bildungsreligion).
Friedrich W. Graf La politique dans la sphère intime. Protestantisme et culture en Allemagne au xixe siècle L'article examine la relation entre le protestantisme et la culture moderne de la classe moyenne, un sujet de discussion déjà en vigueur, au début du XIXe siècle, chez les théologiens universitaires protestants allemands. Ces débats ont d'abord et avant tout porté sur la légitimité religieuse des Lumières et leurs conséquences politiques. Les confrontations qui ont suivi ont conduit à une politisation des conflits déjà existants entre luthériens et calvinistes. Au début du XIXe siècle, le protestantisme s'est ainsi divisé en deux camps hostiles: celui des représentants libéraux d'un «christianisme de la culture», et le camp conservateur, défendant l'ancienne foi ecclésiastique. L'article montre que ces controverses au sein du protestantisme ont joué un important rôle socio-politique en faveur du renforcement de l'opposition idéologique et de parti entre les libéraux et les conservateurs après 1848. De plus, est abordée la question du potentiel de rationalisation économique de la religiosité protestante, qui a été très discutée, notamment depuis les travaux de Max Weber et de Ernst Troeltsch, ainsi que celle des valeurs protestantes dans les domaines de la culture et des études. L'auteur situe la signification culturelle du protestantisme dans la « sémantique de l'intériorité » qui lui est propre. Cependant, l'intériorisation de l'expérience religieuse dans le protestantisme, estime-t-il, n'a pas débouché sur un détachement naïf du monde, mais plutôt sur une haute considération pour le monde extérieur (« Weltfrômmigkeit »). Elle a produit une réévaluation du monde, en en faisant le lieu décisif de l'épreuve chrétienne, et ainsi apporté une contribution cruciale à la rationalisation des modes de vie protestants et à la régénération religieuse de la culture et de la connais- sance («Bildungsreligion»).
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 22
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Friedrich W. Graf
La politique dans la sphère intime. Protestantisme et culture en
Allemagne au XIXe siècle
In: Annales. Histoire, Sciences Sociales. 57e année, N. 3, 2002. pp. 773-787.
Citer ce document / Cite this document :
Graf Friedrich W. La politique dans la sphère intime. Protestantisme et culture en Allemagne au XIXe siècle. In: Annales.
Histoire, Sciences Sociales. 57e année, N. 3, 2002. pp. 773-787.
doi : 10.3406/ahess.2002.280075
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_2002_num_57_3_280075Abstract
Politicised inwardness. Protestantism and culture in Germany in the 19th century.
This contribution examines the relationship between Protestantism and modern, middle-class culture
which was already under discussion within German academic Protestant theology in the early 19th
century. These debates focused, first and foremost, on the religious legitimacy of the Enlightment and
its political consequences. The resultant confrontations led to a politicisation of the religio-theological
conflicts already existent between Lutherans and Calvinists. In the early 19th century, Protestantism
thus split onto two hostiles milieus: that of the liberal representatives of a modernistic "Christianity of
Culture" and the conservative camp, supportive of the old ecclesiastical faith. This article shows that
these controversies within Protestantism played an important socio-political part in the reinforcement of
the ideological and party-political opposition between Liberals and Conservatives after 1848. In addition,
reference is made to the economically relevant rationalisation potential of Protestant religiousness,
which has received much attention particularly since the works of Max Weber and Ernst Troeltsch, as
well as to the effects of Protestant values in the areas of culture and scholarship. The author derives the
cultural significance of Protestantism from its specific. "semantic of inwardness". However, the
internalisation of religious experience in Protestantism, he argues, has not led to a naive unworldliness
but, rather, to a high regard for the outside world ("Weltfrömmigkeit"). It engendered a revaluation of the
world, rendering it the decisive place for Christian probation, and thus made a crucial contribution to the
rationalisation of Protestant lifestyles and to the religious recharging of culture and scholarship
("Bildungsreligion").
Résumé
L'article examine la relation entre le protestantisme et la culture moderne de la classe moyenne, un
sujet de discussion déjà en vigueur, au début du XIXe siècle, chez les théologiens universitaires
protestants allemands. Ces débats ont d'abord et avant tout porté sur la légitimité religieuse des
Lumières et leurs conséquences politiques. Les confrontations qui ont suivi ont conduit à une
politisation des conflits déjà existants entre luthériens et calvinistes. Au début du XIXe siècle, le
protestantisme s'est ainsi divisé en deux camps hostiles: celui des représentants libéraux d'un
«christianisme de la culture», et le camp conservateur, défendant l'ancienne foi ecclésiastique. L'article
montre que ces controverses au sein du protestantisme ont joué un important rôle socio-politique en
faveur du renforcement de l'opposition idéologique et de parti entre les libéraux et les conservateurs
après 1848. De plus, est abordée la question du potentiel de rationalisation économique de la religiosité
protestante, qui a été très discutée, notamment depuis les travaux de Max Weber et de Ernst Troeltsch,
ainsi que celle des valeurs protestantes dans les domaines de la culture et des études. L'auteur situe la
signification culturelle du protestantisme dans la « sémantique de l'intériorité » qui lui est propre.
Cependant, l'intériorisation de l'expérience religieuse dans le protestantisme, estime-t-il, n'a pas
débouché sur un détachement naïf du monde, mais plutôt sur une haute considération pour le monde
extérieur (« Weltfrömmigkeit »). Elle a produit une réévaluation du monde, en en faisant le lieu décisif
de l'épreuve chrétienne, et ainsi apporté une contribution cruciale à la rationalisation des modes de vie
protestants et à la régénération religieuse de la culture et de la connais- sance («Bildungsreligion»).Le politique dans la sphère intime
Protestantisme et culture en Allemagne
au xixe siècle
Friedrich Wilhelm Graf
Tout historien de ta religion amené à examiner, en Allemagne, les rapports entre
protestantisme et culture dans la bourgeoisie moderne, doit d'abord faire ce constat
banal mais fondamental : on ne peut parler ďun protestantisme allemand. En Alle
magne, du fait de sa constitution, le protestantisme est une Église fédérale marquée
jusqu'au cœur du XXe siècle par de très forts particularismes régionaux. Cette plural
ité de l'Église, due à son organisation fédérale, est renforcée par une bipolarité
confessionnelle qui distingue, au sein même du protestantisme, des luthériens et
des calvinistes, ou réformés, bipolarité qui est loin de porter uniquement sur la
doctrine délivrée dans des institutions religieuses et sur les dogmes professés dans
les facultés de théologie. Vers 1900, dans leur analyse aujourd'hui classique des
rapports entre l'ascèse protestante et l'entreprise capitaliste occidentale, Max
Weber et Ernst Troeltsch ont montré à quel point l'influence du calvinisme ou
du luthéranisme, selon le cas, a imprégné jusqu'aux conduites de vie et aux mœurs
économiques des fidèles de l'une ou l'autre confession1. Mais le protestantisme
allemand n'a pas attendu le début du XXe siècle pour être effleuré par l'éventualité
de rapports, au sens de Troeltsch et Weber, entre les mentalités protestantes et
1 - Max Weber, « Die Protestantische Ethik und der Geist des Kapitalismus », in Id.,
Gesammelte Aufsàtze zur Religionssoziologie, Tiibingen, J. C. M. Mohr (Paul Siebeck),
[1904-1905] 1988, pp. 17-206; Ernst Troeltsch, Schriftenzur Bedeutungdes Protestantis
mus fiir die Entstehung der modernen Welt(1906-1913), in Id., Kritische Gesamtausgabe, vol. 88,
édité par Truz Rendtorff en collaboration avec Stefan Pautler, Berlin-New York, De
Gruyter, 2001.
Annales HSS, mai-juin 2002, n°3, pp. 773-787. FRIEDRICH W. GRAF
l'essor de la société bourgeoise moderne. Les débats sur cette question, dans la
théologie universitaire protestante d'expression allemande, ont été ouverts dès le
début du XIXe siècle et, dès la période du Vormàrz (1830-1848), la conviction d'une
affinité à la modernité, spécifique des protestants, a largement marqué leur pol
émique religieuse à l'endroit des catholiques.
Les clivages du protestantisme allemand
Ces vastes controverses, thématisant dans la littérature et la production scientifique
le protestantisme dans ses rapports avec la civilisation moderne, font apparaître
que, outre la diversité territoriale des Églises résultant de l'histoire politique du
pays et la dualité confessionnelle héritée du passé, un troisième élément discrimi
nant s'est fait jour à partir de la fin du XVIIIe siècle dans le protestantisme allemand :
le débat sur la légitimité religieuse du pouvoir porté par YAufklàrung (les Lumières
allemandes) avec ses conséquences politiques, en particulier la Révolution fran
çaise. Cette nouvelle ligne de partage sur les enjeux de VAufklârung ne remplace
pas celle, interne au protestantisme, entre les confessions, mais s'y ajoute. Loin
de se substituer aux oppositions doctrinales et dogmatiques entre luthériens et
réformés, elle vient aggraver la dualité confessionnelle héritée de l'histoire, si
bien qu'au début du XIXe siècle on voit les traditionnels différends religieux entre
calvinistes et luthériens de surcroît se politiser de plus en plus.
C'est du XVIIIe siècle, à partir de 1760, que date, dans le protestantisme all
emand, cette grande querelle de YAufklàrungsm la légitimité chrétienne du pouvoir,
querelle où s'affrontaient, dans des positions inconciliables, les représentants d'une
théologie des Lumières et les partisans d'un premier conservatisme de la foi tradi
tionnelle. Dès avant la Révolution française, les deux partis affirmaient hautement
la dimension politique implicite de leur opposition théologico-religieuse. À partir
de 1780, dans tous les aspects de la théologie protestante, se manifeste une ten
dance à une fonci

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