La pomme de terre au XVIIIe siècle - article ; n°6 ; vol.25, pg 1767-1785
20 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

La pomme de terre au XVIIIe siècle - article ; n°6 ; vol.25, pg 1767-1785

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
20 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1970 - Volume 25 - Numéro 6 - Pages 1767-1785
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1970
Nombre de lectures 51
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Marcel Morineau
La pomme de terre au XVIIIe siècle
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 25e année, N. 6, 1970. pp. 1767-1785.
Citer ce document / Cite this document :
Morineau Marcel. La pomme de terre au XVIIIe siècle. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 25e année, N. 6, 1970.
pp. 1767-1785.
doi : 10.3406/ahess.1970.422316
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1970_num_25_6_422316pomme de terre au XVIIIe siècle La
C'est un bon article г. En quelques pages, l'auteur apporte des précisions
bien venues sur l'introduction et l'expansion d'une culture dont l'importance,
au XVIIIe siècle, faute de renseignements, est souvent méconnue; il en examine
les incidences au point de vue alimentaire et au point de vue démographique;
il esquisse une comparaison qui, limitée à deux termes d'abord : les Pays-Bas
méridionaux et la France, s'élargit bientôt à toute l'Europe occidentale; il for
mule, en guise de conclusion, une proposition qui tend à relier par un rapport
de causalité successive ces trois faits : la vulgarisation de la pomme de terre, la
solution du problème des subsistances et la libération de l'essor du peuplement.
Comme fil conducteur, Chr. Vandenbroeke a utilisé les procès de dîmes. Ils
lui ont permis de dater de 1670 pour la Flandre occidentale, de 1650, peut-être,
pour les environs de Tielt, l'apparition comme culture de plein champ 2 de la
« belle américaine ». La conquête des Pays-Bas s'effectua ensuite, lentement,
presque capricieusement. Il y aurait eu deux vagues de propagation : l'une,
peut-être née dans le jardin d'une Chartreuse anglaise à Nieuport, allant de l'ouest
vers l'est; l'autre, originaire des Vosges, sinon du Dauphine — mais l'argument
philologique est-il péremptoire ? — s'écoulant vers le nord-ouest; toutes les
deux se rejoignant vers 1 750, du côté de Liège 3. La Flandre orientale aurait été
gagnée dès 1708, les cantons limitrophes du Brabant vers 1720, le Luxembourg
et le Namurois en 1730, le Hainaut après 1740, dernière province touchée selon
l'auteur, bien que l'on ne saisisse pas clairement qu'elle fut l'antériorité du Lim-
1. Chr. VANDENBROEKE, « Aardappelteelt en aardappelverbruik in de 17e en 18e eeuw,
dans Tijdschrift voor Geschiedenis, 1969, pp. 49-68.
2. Et non plus comme culture botanique ou potagère.
3. Troublante est la coïncidence dans la localisation entre les centres reconnus de la diffu
sion des pommes de terre en Europe continentale et les premiers jardins expérimentaux des
naturalistes du XVIe siècle : Charles de l'Escluse à Anvers, Gaspard Bauhin à Bâle. La science
aurait-elle déjà promu l'agriculture ?
1767 VIE MATÉRIELLE
bourg, atteinte partir de Maastricht et où les premiers plaids en 1762, ne font pas
allusion à une très longue pratique traditionnelle.
Le rôle croissant de la pomme de terre dans l'alimentation nationale a été
mesuré par récurrence à l'aide des estimations de la quantité de grains nécessaire
pour une personne. Chr. Vandenbroeke a constaté une diminution sensible de
celle-ci tout au cours du XVIIIe siècle : elle serait passée de 0,905 litre /jour en 1 71 0
à 0,617 en 1791. D'après lui, la différence fut comblée par la consommation des
pommes de terre qui auraient donc remplacé, dans une proportion de 40 %, les
céréales. Cela fut possible pour trois causes : 1° L'efficacité de la nouvelle cul
ture, nourrissant, pour une surface égale, cinq fois plus de monde que le blé;
2° La séduction exercée, en conséquence, sur les pauvres, détenteurs tout juste
d'une petite fraction de bonnier; 3° L'extention remarquable de la superficie
qui, dès l'Ancien Régime, lui fut consacrée (9 % des terres labourables dans les
départements de la Lys et de l'Escaut vers 1800).
Au contraire, en France, seules de rares provinces avaient accueilli la pomme
de terre, et le régime alimentaire continuait de faire la part aussi belle au pain.
Ce recoupement permet à Chr. Vandenbroeke de passer du plan économique
au plan démographique et, par la comparaison ici et là de l'inégal succès des
tubercules et de l'inégal accroissement de la population au XVIIIe siècle : 100 %
aux Pays-Bas et en Allemagne, 80 % en Angleterre, 50 % en Suède, 40 % en
Espagne et... 31 % en France, de faire apparaître la solidarité des phénomènes \
A vrai dire, il n'explicite pas tout à fait clairement la nature de celle-ci. Alerté,
semble-t-il, par l'article récent de L. M. Cullen 2, il a laissé tomber l'argument du
rajeunissement de la nuptialité que lui soufflaient, pourtant, les Mémoires des
préfets 3 et qui a été au centre des controverses à propos de l'Irlande. Il ne défend
pas la thèse de la pomme de terre initiatrice ou instigatrice de l'essor démogra
phique mais, plus prudemment, estime que la nouvelle culture a fait disparaître
les obstacles qui s'opposaient à sa poursuite à long terme : il se réfère ainsi, en
arrière-plan, au concept devenu courant des crises d'Ancien Régime. L'e
nchaînement qu'il noue, cependant, nous ramène bel et bien à la pomme de terre
comme facteur essentiel : développement de sa plantation, relâchement de la
dépendance des hommes à l'égard des récoltes de grains, diminution d'intensité
des crises céréalières, forte expansion du peuplement. Quatre corollaires s'en
dégagent que Chr. Vandenbroeke suggère seulement, avec discrétion, mais qui
étant en quelque sorte obvies, ne souffriront pas d'être mis en pleine lumière :
1 ° La valeur « progressiste » de la nouvelle culture; 2° Le rôle pionnier et le carac
tère avancé de l'agriculture belge qui l'avait déjà portée, à la fin du XVIIIe siècle,
très près de son point d'extension maximum; 3° La tare de l'économie rurale
française, qui ne sut pas accepter ce bouleversement fécond des habitudes
agricoles et alimentaires; 4° La pénalisation démographique soufferte par la
France à cause de cette tare.
En première lecture, on se sent entraîné par la contagion de l'enthousiasme
de l'auteur, la logique de ses raisonnements et la force de ses preuves. On est
particulièrement heureux et impressionné de son souci permanent de ramener
1. Chr. Vandenbroeke suit la 2e édition de M. REINHARD et A. ARMENGAUD, Histoire
générale de la population mondiale. Paris, 1961.
2. L. M. CULLEN, «Irish History without the potato » dans Past and Present, 1968, pp. 72-83.
3. C. VIRY, Mémoire statistique du département de la Lys, an IX, p. 120.
1768 LA POMME DE TERRE M. MORINEAU
le problème à des éléments chiffrés; l'on admire qu'il les ait trouvés; l'on admire
que la conclusion coule, pourrait-on dire, de source. Nous aurions volontiers
arrêté notre compte rendu sur ces éloges bien mérités. Mais comme nous venions
d'étudier l'agriculture française et ses rapports avec la démographie au XVIIIe siècle,
la question qu'il avait posée nous intéressait en soi.
Suivant cette pente naturelle, nous avons donc été amené à tenter, d'après
nos propres informations, un contrôle, une vérification, voire un élargissement ou
un approfondissement des hypothèses de Chr. Vandenbroeke. Le lecteur a déjà
deviné que notre bilan ne concorde pas entièrement avec elles : c'est la raison
d'être des quelques paragraphes dont nous allongeons notre texte. Ils n'ont pas
été écrits pour soulager un prurit de Zoïle mais pour faire part d'observations nou
velles et du redessin des perspectives qu'à notre sens elles imposent. Il va de soi
que nous devons le bénéfice de l'occasion à Chr. Vandenbroeke et, dans le dia
logue que nous amorcerons avec lui, nous souhaitons qu'il ne s'offusque point
d'une contestation qui, en tout état de cause, reconnaît à l'avance la valeur st
imulante et la valeur tout court de son effort. Peut-être, au surplus, n'est-il pas
mauvais qu'une note française soit apportée dans un débat aujourd'hui largement
international.
Donnons acte, tout d'abord, à Chr. Vandenbroeke de l'importance acquise par
la pomme de terre aux Pays-Bas méridionaux. Certes, on pourrait discuter de son

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents